1972 est l'une des dates
importantes dans l'histoire du cinéma japonais. Et si le
long-métrage dont il est question dans cet article ne fait certes
pas partie des plus longues sagas qu'aient produit le pays (parmi
lesquelles on trouve notamment la saga Zatoïchi
et ses vingt-sept longs-métrages!) ni des plus connus, La
Femme Scorpion
est de ces cycles qui s'avèrent absolument immanquables. Tout
commence donc il y a presque cinquante ans. Le réalisateur japonais
Shun'ya Itô débute sa carrière avec le tout premier volet d'une
saga qui en comptera six entre 1972 et 1977. D'autres épisodes
verront le jour beaucoup plus tard, à partir de 1991. Quatre
nouveaux épisodes qui étendent leur champ d'action entre ce début
des années quatre-vingt dix et 1998, sortie du dernier volet en date
Scorpion: Double Venom 2 de
Ryōji Niimura. Plusieurs cinéastes se seront partagés la tâche à
travers un peu plus d'un quart de siècle mais c'est bien à Shun’ya
Itō et aux scénaristes Fumio Kōnami et Hiroo Matsuda que l'on doit
l'existence sur grand écran de la femme scorpion, de son vrai nom
Nami Matsushima, personnage créé à l'origine par le mangaka Tōru
Shinohara. Héroïne vengeresse, elle est dans cette première
adaptation cinématographique une jeune femme trahie par Sugimi, un
inspecteur de police dont elle est éprise et qui après lui avoir
demandé d'infiltrer un groupe faisant partie de la mafia japonaise
se retrouve enfermée en prison en compagnie de codétenues et de
geôliers dont elle va être le souffre-douleur. Une martyre sur
laquelle glisse les souffrances physiques et psychologique. Incarnée
à quatre occasions dans la saga par l'actrice Meiko Kaji, Nami
Matsushima surnommée ''Le
Scorpion''
va tenter dans ce premier volet d'échapper à sa condition de
prisonnière innocente afin de recouvrer la liberté et de retrouver
son ancien amant afin de lui faire payer sa trahison...
Mais
jusqu'à ce que l'héroïne parvienne à se libérer de ses entraves,
le film de Shun'ya Itô va non seulement mettre à rude épreuve la
jeune femme ainsi que les rares amies sur lesquelles elle peut encore
compter mais aussi les spectateurs. Car La Femme
Scorpion est
WIP
(Women
In Prison, ou film de prison presque exclusivement interprété par
des femmes) relativement violent qui ne nous épargne que trop
rarement les sévices auxquels s'adonnent de lubriques gardiens de
prison, mais également certaines (voire la majorité) des
prisonnières qui en matière de brutalité redoublent d'imagination.
Teinté d'un érotisme plus malsain que véritablement troublant, La
Femme Scorpion enchaîne
en effet les séquences violentes lors desquelles un sang bien rouge
coule des jambes, des bras ou du visage des pensionnaires mais aussi
parfois de l’œil d'un gardien, un énorme morceau de verre enfoncé
dans l'orbite droit ! Si l'ensemble ressemble à un étalage
d'atrocités gratuites, Shun'ya Itô les met en scène de manière
relativement inventive et exerce un certain sens de la mise en scène.
Voire Nami à terre, humiliée, trompée, filmée en gros plan, le
décor en arrière-plan changeant, ou filmée par en dessous,
allongée sur une plaque vitrée permettant d'assister à
l'humiliation de son amant en plongée et sous divers éclairages...
Escaliers
forçant les prisonnières à lever les jambes chaque fois qu'elles
font un pas... un système permettant aux gardiens situés sous les
marches de reluquer l’entrejambe de ces dames vêtues d'un uniforme
plutôt léger et d'une culotte pour les plus chanceuses. Quelques
séquences de nudité ça et là, quelques poitrines à l'air, une ou
deux scènes de douches, du bondage et des coups de bâtons. Tout
ceci peut paraître gratuit mais participe pourtant d'une certaine
logique. Celle qui façonnera l'esprit et le corps de Nami
Matsushima. Une héroïne, une Sasori (scorpion en japonais), dont la
seule motivation deviendra alors, la vengeance. De son regard
perçant, Meiko Kaji fige l'espace et le temps. De sa beauté toute
juvénile, elle contraste avec le quotidien sordide qui est le sien.
Si les décors sont on ne peut plus classique pour ce genre de
long-métrage, la photographie de Hanjiro Nakazawa et la bande
originale de Shunsuke Kikuchi font parfois des miracles. Le choix de
certains cadrages et de certains éclairages apportent ce petit plus
qui élève l’œuvre bien au delà du classique WIP.
Plus que la violence extrême de certaines séquences manquant
pourtant parfois de crédibilité ou de réalisme (que les
interprètes retiennent leurs coups est une évidence un peu trop
appuyée), La Femme Scorpion
est une très belle réussite et une entrée en matière idéale dans
l'univers de son héroïne...
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