Dans une Gotham City
offerte à la violence et à la vermine, la colère gronde depuis que
les habitants des quartiers défavorisés ont appris que les services
sociaux ne bénéficieront plus d'aucune aide financière. Alors
qu'ils sont contraints de fermer les uns après les autres, un
événement va faire basculer la ville dans le chaos : trois
employés de Wayne Enterprises
ont en effet été abattus par arme à feu dans une rame de métro
par celui qui bientôt symbolisera involontairement le soulèvement
du peuple : Arthur Fleck, un homme qui depuis sa plus tendre
enfance souffre de très graves troubles neurologiques et qui après
avoir été renvoyé de son métier de clown va se retrouver
directement plongé dans l'affaire du triple meurtre. Agressé par
trois hommes ivres, il les abat avant de retourner tranquillement
vivre auprès de sa mère impotente dans l'un des plus infâmes
quartiers de Gotham...
Avec
Joker, le
réalisateur américain Todd Philips change radicalement de genre
après avoir tourné l'ignoble adaptation de la célèbre série
télévisée policière Starsky et Hutch
et la trilogie bouffonne Very Bad Trip.
Un pari osé qui pourtant dès les premières minutes va conforter
dans le bon sens le spectateur alléché par l'intrigante
bande-annonce diffusée depuis des mois sur le net. Le dernier
long-métrage de Todd Philips nous convie à explorer les origines du
plus célèbre anti-héros de la galaxie DC
Comics
avant qu'il ne se transforme et ne devienne le Joker, l'ennemi juré
de Batman dont les parents furent abattus dans une ruelle insalubre
de Gotham City.
Ce qui marque d'entrée de jeu dans ce long-métrage qui n'a rien
d'un vulgaire film de super-héros, c'est son cadre et son atmosphère
particulièrement sombres et nihilistes. Tout y transpire
effectivement la crasse, la corruption et le désenchantement dans
une cité où l'hypothétique futur maire de la ville Thomas Wayne
choisi d'abandonner ses habitants les plus pauvres alors même qu'il
promettait de ne jamais oublier ses employés passés et présents,
les considérant même comme sa propre famille. Tout y étant d'une
noirceur absolue, Gotham est rongée par la violence dont fait tout
d'abord les frais notre ''héros'',
par de grands bouleversements économiques comme le laissent
envisager ces enseignes qui ferment leurs portes en soldant
drastiquement leurs marchandises ou ces œuvres de charité qui sont
contraintes de mettre la clé sous la porte.
Arthur
Fleck, futur Joker dont il ne manque déjà plus que le sinistre
maquillage de clown et la chevelure verte pour compléter ce célèbre
personnage qui déjà couve sous une personnalité anéantie par de
graves troubles psychiatrique et par une vie construite sur le
mensonge est incarné à l'écran par le formidable Joaquin Phoenix,
immense acteur qui tient là l'une de ses plus incroyable
performances. Sous le masque encore à peine achevé du pire
antagoniste à venir de Gotham
City,
il erre dans une ville tentaculaire, oppressante, sombre et malade,
parfaite représentation du caractère ambigu du personnage qu'il
incarne. On est d'abord saisis par l'incroyable travail effectué sur
le design général de l'immense cité dans laquelle évolue Arthur
Fleck. Tout y transpire la désolation, le pessimisme et surtout, un
climat anxiogène terrifiant. Une impression que dégage également
le personnage interprété par Joakin Phoenix qui, si même Todd
Philips parvient à le rendre terriblement attachant, conserve une
part d'ombre et de folie tellement évidentes que derrière son
sinistre sourire, le spectateur ne peut qu'envisager le destin
funeste d'une cité dont sera bien involontairement de la part du
futur Joker, SON royaume du chaos.
Si
Joakin Phoenix est absolument fabuleux dans la peau d'Arthur Fleck,
Todd Philips et toute l'équipe technique font preuve de leur côté
d'un talent et d'une maîtrise remarquables dans tous les
compartiments. Qu'il s'agisse de filmer la monstrueuse Gotham
en plans larges et de jour ou les ruelles insalubres abandonnées aux
rats et au détritus de nuit, la dégénérescence et la
grandiloquence y sont filmées comme jamais. La laideur y est
esthétisée à outrance même lors des séquences les plus
violentes. Mais ce qui bouleverse surtout demeure dans le scénario
et la mise en scène ponctuées de séquences fortes signifiant le
monde imaginaire dans lequel vit le héros et qui nous sont révélées
parfois de manière inattendue (on pense notamment à celle se
déroulant dans l'appartement de la voisine du héros). Todd Philips
se fait l'artisan-critique du fait divers le plus sordide, de
l'action anti-sociale par excellence, de la récupération des médias
et des politiques des actions entreprises par Arthur (qu'il s'agisse
de monter sur un podium pour donner son One
Man Show ou
le triple meurtre, symbole de la réussite, de l'orgueil et du
mépris) et peut-être même aussi, de l'iconisation du Mal auquel,
bizarrement, le spectateur va adhérer. Malgré les meurtres, malgré
les troubles psychiatriques, malgré le passé et la totale absence
d'empathie d'Arthur. La présence écrasante de Joakin Phoenix à
l'écran étouffe littéralement celle des pourtant remarquables
Robert de Niro, Zazie Beetz ou encore Frances Conroy qui incarne à
l''écran Penny Fleck, la mère du futur Joker. Les fans de DC
Comics
apprécieront sans doute possible quant à eux les quelques références à
Batman. Joker
est-il le film de l'année ? Oui, mille fois oui...
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