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samedi 5 octobre 2019

Ça : Chapitre 2 de Andrés Muschietti (2019) - ★★★★★★☆☆☆☆



Dire que le second chapitre de l'adaptation cinématographique du roman It de Stephen King était attendu au tournant est un euphémisme. Situé vingt-sept ans après l'intrigue du premier chapitre lors duquel William, Beverly, Richard, Richie, Eddie, Ben, Michael et Stanley parvinrent à mettre un terme aux agissements de Grippe-Sou, le casting a forcément été revu même si les jeunes interprètes d'alors apparaissent à nouveau lors des différents flash-back. C'est donc cette fois-ci à James McAvoy, Jessica Chastain, Bill Hader, James Ransone, Jay Ryan, Isaiah Mustafa et plus modestement Andy Bean (dont le personnage de Stanley se donnera la mort plutôt que de rejoindre ses anciens camarades du Club des Ratés à Derry) de combattre près de trois décennies plus tard leur ennemi commun, de retour en ville et éminemment plus puissant. C'est à nouveau l'acteur suédois Bill Skarsgård qui prête ses traits au sinistre personnage du clown Pennywise qui prendra différentes formes, dont Madame Kersh, une vieille dame qui cache en réalité une forme différente de ''Ça''.

Inutile de revenir sur le premier chapitre, brillant film d'épouvante rendant un très bel hommage au roman de Stephen King qui comme à son habitude fait une apparition dans ce second volet sous l'identité d'un vendeur d'objets d'occasion. L'ambition de cette seconde partie apparaît démesurée quant à sa durée frôlant pratiquement les trois heures. Une durée qui peut tout d'abord s'expliquer du fait de la longueur du roman original, la caractérisation de ses personnages ainsi que le remarquable travail descriptif d'un Stephen King coutumier du fait. Cent-soixante dix minutes dont les deux premiers tiers consacreront leur temps à revenir sur chaque personnage. De leur expérience personnelle auprès du traumatisant croquemitaine, Ogre de Derry, Pennywise, appelez-le comme vous le voulez, à l'époque de leur adolescence, ainsi que lors de leurs retrouvailles vingt-sept ans plus tard. Pour les nostalgiques de l'époque évoquée dans le roman, les fans de l'écrivain auront le plaisir de constater que bien que se déroulant en 2016, Ça, Chapitre 2 nous épargne un visuel trop contemporain et aseptisé et pourrait tout aussi bien se situer dans les années quatre-vingt. Un bon point pour cette suite qui comme nous le verront plus loin n'est pas la totale réussite que l'on espérait.

Mais avant, et à sa décharge, on pourra évoquer la totale maîtrise du réalisateur Andrés Muschietti qui en matière d'inspiration visuelle nous offre une somme de sinistres tableaux tout à fait vertigineuse. En effet (et c'est sans doute aussi pourquoi Ça, Chapitre 2 n'est pas non plus l’œuvre rêvée par tous les fans de l'écrivain et du premier chapitre), les apparitions de Grippe-Sou sont beaucoup plus nombreuses qu'il y a deux ans. La durée du long-métrage n'expliquant pas scrupuleusement ce constat, le cinéaste multiplie les interventions de sa créature jusqu'à user les nerfs du spectateur et pourquoi pas, dans certains cas, finir par désamorcer tout sentiment d'angoisse à partir de sa cinquième ou sixième apparition (peut-être en deçà ou davantage selon l'endurance du spectateur) à force de redondance. Et ce, même si chacune d'entre elles est le fruit d'un travail remarquable évitant que deux scènes d'épouvante ne soient parfaitement identiques. Outre le maquillage effrayant revêtu par Bill Skarsgård, Ça, Chapitre 2 fait la part belle aux CGI en empruntant par ci, par là, quelques idées aperçues ailleurs (on pense notamment au délirant Hiruko the Goblin du japonais Shin'ya Tsukamoto et sa tête-araignée, elle même sans doute inspirée par l'une des monstrueuses formes prises par l'entité extraterrestre du chef-d’œuvre de John Carpenter, The Thing ou d'autres qui ne me viennent pas immédiatement en tête mais qui feront sans doute bondir certains spectateurs (et certainement pas pour la peur qu'elles pourront inspirer).

Par contre, ce qui fait défaut dans ce second chapitre et qui était magnifiquement mis en exergue dans le premier se situe au niveau de la caractérisation de ses personnages. Non pas que leur âge avancé, en comparaison des jeunes adolescents qu'ils furent précédemment, ne fut en soit un handicap, mais le réalisateur semble moins intéressé par ses héros que par la monstruosité qu'ils vont avoir la charge de détruire une bonne fois pour toute. Pourtant capable de rendre ses personnages attachants dans Ça, Andrés Muschietti semble cette fois-ci incapable de nous les rendre captivants. Un simple regard vers le passé nous prouve qu'en leur temps, plusieurs cinéastes parvinrent à sublimer certains ouvrages du maître de l'épouvante grâce à la caractérisation des personnages justement. On pensera notamment (et pas tout à fait par hasard) à ceux des formidables The Shawshank Redemption (Les Évadés) de Frank Darabont ou de The Dead Zone de David Cronenberg, mais sans doute encore plus à ceux du magnifique Stand by Me de Rob Reiner, plus proche de la narration de Ça chapitres 1 et 2. À vrai dire, le meilleur de ce second chapitre semble concentré lors du tout premier acte durant lequel un couple d'homosexuels est très violemment passé à tabac par un petit groupe de voyous avant que l'une des deux victimes ne soit jetée par dessus un pont pour atterrir dans une rivière et être sauvé n extremis par... Pennywise qui alors va lui arracher le cœur pour le dévorer devant l'amant médusé de la victime. Une entrée en matière dérangeante. Un fait divers commun dans lequel s'insère le fantastique, la réalité se mêlant à l'imaginaire un peu à la manière du Freddy Krueger de Nightmare on Elm Street de Wes Craven et qui d'ailleurs hantera une très grande partie de ce second chapitre.

À propos d'inspiration, comment ne pas non plus penser à l'excellent It Follows que réalisa le cinéaste David Robert Mitchell en 2014 lorsque durant le passage où Beverly entre dans l'ancienne demeure familiale habitée désormais par la vieille madame Kersch, celle-ci apparaît gigantesque dans l'encadrement d'une porte ? Un rapport saisissant et inévitable avec la créature invisible sortant d'un couloir dans l’œuvre de David Robert Mitchell pourtant sortie cinq ans auparavant. La pire tare que se traîne en fait Ça, Chapitre 2, c'est la quasi absence de sentiment d'effroi qu'il aurait pourtant dû évoquer. Car à part quelques Jump Scares bien placés et des visions horrifiques cherchant constamment à faire sursauter le spectateur, la peur y est profondément stérile et n'aura sans doute de conséquences que sur le plus jeune public ou sur ceux qui sont atteints de coulrophobie. Au final, Ça, Chapitre 2 est visuellement bluffant, bien interprété, plus ou moins amusant (les vannes ne fonctionnent pas toujours) et les effets-spéciaux, bien qu'en mode ''surcharge'' lors du dernier acte, plutôt convaincants. Moins bon que le premier, ce second chapitre est une honnête adaptation du roman de Stephen King, dont, espérons-le, l'évocation d'un troisième ne fut cependant qu'une mauvaise plaisanterie...

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