Dire que le second
chapitre de l'adaptation cinématographique du roman It
de Stephen King était attendu au tournant est un euphémisme. Situé
vingt-sept ans après l'intrigue du premier chapitre lors duquel
William, Beverly, Richard, Richie, Eddie, Ben, Michael et Stanley
parvinrent à mettre un terme aux agissements de Grippe-Sou,
le casting a forcément été revu même si les jeunes interprètes
d'alors apparaissent à nouveau lors des différents flash-back.
C'est donc cette fois-ci à James McAvoy, Jessica Chastain, Bill
Hader, James Ransone, Jay Ryan, Isaiah Mustafa et plus modestement
Andy Bean (dont le personnage de Stanley se donnera la mort plutôt
que de rejoindre ses anciens camarades du Club
des Ratés à Derry) de combattre près de trois décennies plus tard
leur ennemi commun, de retour en ville et éminemment plus puissant.
C'est à nouveau l'acteur suédois Bill Skarsgård qui prête ses
traits au sinistre personnage du clown Pennywise qui prendra
différentes formes, dont Madame Kersh, une vieille dame qui cache en
réalité une forme différente de ''Ça''.
Inutile
de revenir sur le premier chapitre, brillant film d'épouvante
rendant un très bel hommage au roman de Stephen King qui comme à
son habitude fait une apparition dans ce second volet sous l'identité
d'un vendeur d'objets d'occasion. L'ambition de cette seconde partie
apparaît démesurée quant à sa durée frôlant pratiquement les
trois heures. Une durée qui peut tout d'abord s'expliquer du fait de
la longueur du roman original, la caractérisation de ses personnages
ainsi que le remarquable travail descriptif d'un Stephen King
coutumier du fait. Cent-soixante dix minutes dont les deux premiers
tiers consacreront leur temps à revenir sur chaque personnage. De
leur expérience personnelle auprès du traumatisant croquemitaine,
Ogre de Derry, Pennywise, appelez-le comme vous le voulez, à
l'époque de leur adolescence, ainsi que lors de leurs retrouvailles
vingt-sept ans plus tard. Pour les nostalgiques de l'époque évoquée
dans le roman, les fans de l'écrivain auront le plaisir de constater
que bien que se déroulant en 2016, Ça, Chapitre
2 nous
épargne un visuel trop contemporain et aseptisé et pourrait tout aussi bien se
situer dans les années quatre-vingt. Un bon point pour cette suite
qui comme nous le verront plus loin n'est pas la totale réussite que
l'on espérait.
Mais
avant, et à sa décharge, on pourra évoquer la totale maîtrise du
réalisateur Andrés Muschietti qui en matière d'inspiration
visuelle nous offre une somme de sinistres tableaux tout à fait
vertigineuse. En effet (et c'est sans doute aussi pourquoi Ça,
Chapitre 2
n'est pas non plus l’œuvre rêvée par tous les fans de l'écrivain
et du premier chapitre), les apparitions de Grippe-Sou
sont beaucoup plus nombreuses qu'il y a deux ans. La durée du
long-métrage n'expliquant pas scrupuleusement ce constat, le
cinéaste multiplie les interventions de sa créature jusqu'à user
les nerfs du spectateur et pourquoi pas, dans certains cas, finir par
désamorcer tout sentiment d'angoisse à partir de sa cinquième ou
sixième apparition (peut-être en deçà ou davantage selon
l'endurance du spectateur) à force de redondance. Et ce, même si
chacune d'entre elles est le fruit d'un travail remarquable évitant
que deux scènes d'épouvante ne soient parfaitement identiques.
Outre le maquillage effrayant revêtu par Bill Skarsgård, Ça,
Chapitre 2
fait la part belle aux CGI en empruntant par ci, par là, quelques
idées aperçues ailleurs (on pense notamment au délirant Hiruko
the Goblin
du japonais Shin'ya Tsukamoto et sa tête-araignée, elle même sans
doute inspirée par l'une des monstrueuses formes prises par l'entité
extraterrestre du chef-d’œuvre de John Carpenter, The
Thing
ou d'autres qui ne me viennent pas immédiatement en tête mais qui
feront sans doute bondir certains spectateurs (et certainement pas
pour la peur qu'elles pourront inspirer).
Par
contre, ce qui fait défaut dans ce second chapitre et qui était
magnifiquement mis en exergue dans le premier se situe au niveau de
la caractérisation de ses personnages. Non pas que leur âge avancé,
en comparaison des jeunes adolescents qu'ils furent précédemment,
ne fut en soit un handicap, mais le réalisateur semble moins
intéressé par ses héros que par la monstruosité qu'ils vont avoir
la charge de détruire une bonne fois pour toute. Pourtant capable de
rendre ses personnages attachants dans Ça,
Andrés Muschietti semble cette fois-ci incapable de nous les rendre
captivants. Un simple regard vers le passé nous prouve qu'en leur
temps, plusieurs cinéastes parvinrent à sublimer certains ouvrages du maître de l'épouvante
grâce à la caractérisation des personnages justement. On pensera
notamment (et pas tout à fait par hasard) à ceux des formidables
The Shawshank Redemption
(Les Évadés) de Frank Darabont ou de The Dead
Zone
de David Cronenberg, mais sans doute encore plus à ceux du
magnifique Stand by Me
de Rob Reiner, plus proche de la narration de Ça
chapitres 1 et 2.
À vrai dire, le meilleur de ce second chapitre semble concentré
lors du tout premier acte durant lequel un couple d'homosexuels est
très violemment passé à tabac par un petit groupe de voyous avant
que l'une des deux victimes ne soit jetée par dessus un pont pour
atterrir dans une rivière et être sauvé n
extremis
par... Pennywise qui alors va lui arracher le cœur pour le dévorer
devant l'amant médusé de la victime. Une entrée en matière
dérangeante. Un fait divers commun dans lequel s'insère le
fantastique, la réalité se mêlant à l'imaginaire un peu à la
manière du Freddy Krueger de Nightmare on Elm
Street
de Wes Craven et qui d'ailleurs hantera une très grande partie de ce
second chapitre.
À
propos d'inspiration, comment ne pas non plus penser à l'excellent
It Follows
que réalisa le cinéaste David Robert Mitchell en 2014 lorsque
durant le passage où Beverly entre dans l'ancienne demeure familiale
habitée désormais par la vieille madame Kersch, celle-ci apparaît
gigantesque dans l'encadrement d'une porte ? Un rapport
saisissant et inévitable avec la créature invisible sortant d'un
couloir dans l’œuvre de David Robert Mitchell pourtant sortie
cinq ans auparavant. La pire tare que se traîne en fait Ça,
Chapitre 2,
c'est la quasi absence de sentiment d'effroi qu'il aurait pourtant dû
évoquer. Car à part quelques Jump
Scares
bien placés et des visions horrifiques cherchant constamment à
faire sursauter le spectateur, la peur y est profondément stérile
et n'aura sans doute de conséquences que sur le plus jeune public ou
sur ceux qui sont atteints de coulrophobie. Au final, Ça,
Chapitre 2
est visuellement bluffant, bien interprété, plus ou moins amusant
(les vannes ne fonctionnent pas toujours) et les effets-spéciaux,
bien qu'en mode ''surcharge'' lors du dernier acte, plutôt
convaincants. Moins bon que le premier, ce second chapitre est une
honnête adaptation du roman de Stephen King, dont, espérons-le,
l'évocation d'un troisième ne fut cependant qu'une mauvaise
plaisanterie...
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