Première surprise il y a
quelques semaines : la sortie d'un biopic consacré au duo de
comiques américains Stan Laurel et Oliver Hardy le 6 mars dernier.
J'ai beau être un ours, il m'arrive quand même d'avoir autour de
moi des passionnés de cinéma et de me promener sur certains sites
et sur plusieurs réseaux sociaux. Cependant, je n'en ai pas entendu
parler avant les deux ou trois jours précédant sa sortie sur l'un
des neufs écrans du cinéma MEGA CGR de
Narbonne. Deuxième surprise : la salle, de taille moyenne mais
pouvant sans doute accueillir plus d'une centaine de spectateurs,
résonne comme un hall de gare désaffecté au son de notre voix. A
part Anna et moi, quatre personnes venues assister au même
spectacle, et dont la moyenne d'âge devait tourner aux alentours des
soixante ans. Il faut dire qu'à onze heure ce matin du 16 mars, les
gamins doivent encore être au lit et la plupart de leurs parents au
travail ou déjà devant les fourneaux. Mais tout de même, quel
désastre. On nous avait pourtant prévenu qu'il fallait nous
dépêcher si nous voulions avoir une chance de découvrir le dernier
long-métrage du cinéaste britannique Jon S. Baird, Stan
et Ollie.
Car devant son insuccès, il risquait d'être déprogrammé...
Encore
une surprise (manquant totalement d'objectivité puisque s'agissant
d'un sentiment personnel) : lorsque les lumières se sont
éteintes et que le film a débuté, je ne sais pas pourquoi, mais je
m'attendais bêtement à le découvrir en noir et blanc et en version
originale sous-titrée. Peut-être parce que petit, c'est ainsi que
je découvrais ce mythique duo dont une grande majorités des jeunes
d'aujourd'hui ignoraient sans doute encore l'existence il y a
quelques semaines. Surprise encore en constatant que le film ne
débutait non pas par la genèse du duo mais prenait place lors de
leur déclin, et même un peu plus tard, après qu'ils se fussent
séparés puis retrouvés.
Pour
un type qui comme moi aurait aimé en apprendre davantage sur ces
deux individus avant, pendant et après leur carrière de comiques,
j'ai eu peur que Stan et Ollie
prenne une tournure bien différente de celle que j'espérais.
Pourtant, force est de reconnaître qu'en s'éloignant du biopic
classique et parfois ennuyeux, Jon S. Baird a misé sur le bon
cheval. Car s'il y a bien un aspect dont l'amateur de cinéma, le fan
de musique ou le lecteur assidu se désintéresse généralement, ce
sont les conséquences qui finissent généralement par toucher
n'importe quel artiste lorsque sa carrière commence à décliner.
Stan et Ollie
est
non seulement l'occasion pour le cinéaste de dévoiler Stan Laurel
et Oliver Hardy sous un jour nouveau, mais aussi d'éprouver des
sensations inédites, quand jusqu'ici le duo nous avait habitués à rire. Le
cinéaste met donc l'accent sur une période de leur existence
méconnue, les rendant plus attachants encore qu'ils ne l'étaient
lorsque le public assistait à leurs fameuses pitreries sur grand
écran ou sur les planches de théâtre. Si John S. Baird assure le
spectacle, ses interprètes également. A commencer par Steve Coogan
et John C. Reilly dont le rayonnement et le talent éclipse quasiment
le reste du casting. En dehors de Shirley Henderson et surtout de
Nina Arianda bien entendu qui dans les rôles respectifs de Lucille
Hardy et Ida Kitaeva Laurel se révèlent exceptionnelles.
Autre
prouesse, cette fois-ci technique : le rendu de l'époque. Situé dans les années 50 (en 1953 pour être plus précis,
lors de leur tournée britannique), la reconstitution est superbe.
Les décors de John Paul Kelly, les costumes de Guy Speranza et même
la partition musicale de Rolfe Kent (dont certains airs vous
arracheront des larmes) nous plongent littéralement dans
l'Angleterre des années cinquante. Mais plus que tout l'aspect
technique pourtant remarquable, c'est bien l'interprétation des
époustouflants Steve Coogan et John C. Reilly qui marque les
esprits. Le premier incarne un Stan Laurel bluffant, reproduisant les
célèbres mimiques de son modèle. Quant à John C. Reilly, si son
personnage demande sans doute un peu moins d'apprentissage pour se
fondre dans son costume, l'acteur n'en est pas moins extraordinaire.
Et que dire de son incroyable maquillage lui permettant d'endosser
les kilos supplémentaires d'Oliver Hardy sans pourtant s'astreindre
à un quelconque régime ? Si Stan et Ollie
nous
donne à contempler une période plutôt sombre de l'existence du
duo, le cinéaste n'en oublie cependant pas d'y inscrire quelques
séquences incroyablement drôles et qui malgré l'âge des gags
n'ont pas perdu de leur efficacité. John S. Baird signe aussi et
surtout une œuvre d'une grande humanité entre deux hommes qui ont
partagé durant un quart de siècle, leur succès, leurs joies et
leurs peines. Un petit bijou qui mérite davantage que le mépris dont il semble être victime...
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