Werner Herzog, c'est une
histoire d'amour vieille de plus de trente ans. Depuis la découverte
de son second long-métrage Auch Zwerge haben klein Angefangen
dans
les années quatre-vingt, jusqu'à ses chefs-d’œuvre Aguirre,
der Zorn Gottes
et Fitzcarraldo,
en passant par son cultissime et envoûtant Herz
aus Glas,
sans oublier le reste de sa pentalogie aux côtés de l'acteur Klaus
Kinski complétée par Woyzeck,
Nosferatu, Phantom der Nacht et
Cobra Verde.
Alors, lorsqu'est offerte l'opportunité de découvrir le cinéaste,
scénariste et producteur de ses propres films sous un nouveau jour,
aucune bonne raison de s'y opposer. C'est donc à l'occasion de
Incident at Loch Ness
de Zak Penn que j'ai donc eu l'occasion de me rapprocher à nouveau
de l'univers si particulier du cinéaste allemand. Aurai-je regretté
qu'il n'en soit pas le réalisateur lui-même que j'étais tout de
même heureux d'apprendre que Werner Herzog était en partie
responsable de l'écriture du scénario aux côté de Zak Penn.
Avant
toute chose, il faut savoir que d'une manière générale, il vaut
mieux aborder le sujet sans même avoir lu ne serait-ce qu'un seul
document ou vu la moindre bande-annonce qui pourrait dévoiler un
détail crucial mais que je me permettrai tout de même de révéler
dans le dernier paragraphe de cet article (vous êtes donc prévenus).
Tout au plus puis-je préciser que les auteurs de ce petit bijou
qu'est Incident at Loch Ness
peuvent se targuer d'avoir mis en boite l'un des projets de films les
plus ambitieux de sa catégorie, et sans doute parmi les plus
convaincants.
Tout
commence dans la propre demeure de Werner Herzog qui a accepté
qu'une équipe restreinte de reporters le suive dans son projet de documentaire
tournant autour du mythe du monstre du Loch Ness intitulé Enigma
of Loch Ness.
Un projet s'articulant autour de Werner Herzog bien évidemment, qui
doit lui-même le diriger, mais également (et notamment) de Zak Penn
qui a accepté de produire le documentaire, du cryptozoologiste
Michael Karnow pour le soutien scientifique, du directeur de la
photographie Gabriel Beristain, ou encore de l'ingénieur du son
Russell William. Le tournage prévu à bord d'un rafiot sur une durée
de cinq jours va connaître un certain nombre de soucis qui ruineront
tous les espoirs de Werner Herzog. A commencer par un malentendu
entre le capitaine du bateau et l'ingénieur du son qui ont bien du
mal à s'accorder sur l'éventualité de changer le moteur de
l'embarcation...
Incident at Loch
Ness
suit donc les péripéties d'une équipe de tournage qui va connaître
déconvenue sur déconvenue, la caméra suivant les membres de
l'expédition et captant les réactions de chacun. Mais très vite,
quelque chose cloche. Et même si dans un premier temps le pathétique
et les inaptitudes de certains s'invitent au voyage, il est
pratiquement impossible de conserver son sérieux malgré la tragédie
qui tisse sa toile sur l'écran. En effet, quoi de plus absurde que
la présence d'une Kitana Baker en spécialiste des sonars qui sous
sa combinaison (que seul Werner Herzog refusera d'ailleurs de porter)
planque un bikini ridicule aux couleurs de l'Amérique ? Ou
encore ce capitaine de bateau incapable de gérer les avaries ?
Ou ce producteur qui avec la complicité de Gabriel Beristain accepte
de tourner des séquences supplémentaires sans l'aval de Werner
Herzog ? Si dans un premier temps on est saisi par l'ampleur de
la catastrophe et de l'incompétence généralisée, c'est lors de la
seconde moitié du long-métrage que se profile l’inéluctable
réalité : en fait de documentaire, Werner Herzog et Zak Penn
ont en réalité réalisé ce que l'on a aujourd'hui coutume de
nommer sous l'appellation « documenteur ».
En bref, le documentaire promis n'est qu'une fiction prenant des
allures de cinéma-vérité. Tout y est donc faux. Et si la déception
peut se lire ensuite sur le visage du spectateur, force est de
reconnaître que durant un certain temps, celui-ci s'est fait bêtement
piégé. Les deux auteurs poussent le concept dans ses derniers
retranchements et réalisent l'un des tout meilleurs found
footage
de l'histoire du cinéma. Rien que ça. A voir donc pour le principe,
mais surtout pour la présence de l'immense Werner Herzog...
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