On le sait, ça n'est pas
nouveau, mais le cinéaste allemand Werner Herzog n'explore pas le
monde qu'à travers la fiction. Il lui arrive parfois d'emprunter le
chemin du documentaire. Une grosse quinzaine depuis son tout premier,
Pays du silence et de l'obscurité,
qu'il réalise à la suite de sa seconde fiction Auch
Zwerge haben klein Angefangen
et juste avant l'un des ses plus célèbres long-métrages, Aguirre,
la Colère de Dieu qui,
s'il est lui-même une fiction, prouve d'une certaine manière la
fascination qu'exerce la nature sur ce cinéaste décidément pas
tout à fait comme les autres. Car c'est bien ce réalisateur courageux
qui a essuyé plusieurs tempêtes en faisant appel par cinq fois à
l'instable Klaus Kinski (pour vous en convaincre, jetez donc un œil
à l'effarant documentaire Mein Liebster Fiend
daté de 1999). C'est lui qui mit à l'honneur une tribu de nains en
1970, plus de dix ans avant le cinéaste britannique Terry Gilliam et
son Time Bandits.
C'est également lui qui a signé une suite inutile au chef-d’œuvre
d'Abel Ferrara, Bad Lieutenant,
et c'est encore lui qui signa donc l'excellent documentaire
La Grotte des Rêves Perdus (Cave
of Forgotten Dreams)
en 2010. Un documentaire consacrant merveilleusement la Grotte
Chauvet située dans la commune de Vallon-Pont-d'Arc, dans le
département de l'Ardèche.
La Grotte des Rêves
Perdus
est un documentaire exceptionnel à plus d'un titre, mais surtout
parce que sa visite y est devenue strictement interdite. On
comprendra pourquoi en découvrant ce fascinant voyage au cœur de
notre histoire puisque les peintures rupestres (exécutées sur des
parois rocheuses) datent de trente-deux mille ans.
L'intérêt
de Werner Herzog pour la grotte de Chauvet remonte tout d'abord à la
lecture d'un article écrit par l'écrivaine Judith Thurman,
(notamment auteur d'une biographie sur Karen Blixen, ayant inspiré
le film Out of Africa
de Sidney Pollack) intitulé « First
Impressions ».
Bien que la visite de la grotte Chauvet soit interdite au public, le
cinéaste acquière l'autorisation d'y pénétrer auprès du ministre
de la culture française de l'époque. Comme le révèle très
rapidement le cinéaste, La Grotte des Rêves Perdus est
tourné dans des conditions un peu particulières puisque le cinéaste
et l'équipe réduite que fera partie de l'aventure doivent se
soumettre à d'importantes dispositions. Werner et les autres sont
contraints de porter une combinaison et des chaussures spéciales et
ne doivent surtout pas poser le pied hors de la plate-forme
métallique fixée au sol. C'est l'occasion pour le spectateur
d'apprendre en outre que si la grotte Chauvet est devenue interdite à
la visite, c'est parce que la seule respiration des visiteurs causa à
l'époque de son autorisation le développement d'un champignon sur
les surfaces rocheuses !
Les
restrictions sont nombreuses. La visite ne peut être effectuée que
par quatre personnes maximum en simultané. Les lumières employées
pour éclairer la grotte ne doivent pas dégager de chaleur trop
importante. Werner Herozg est autorisé à tourner durant quatre
heures quotidienne et ce, durant six jours. Bien entendu, il est
formellement interdit d'entrer en contact avec la surface rocheuse.
Accompagné d'archéologues, de gardiens et de spécialistes de la
grotte, Werner Herzog réalise un documentaire fascinant, qui dégage
un peu de cette atmosphère que partagent bon nombre de ses
longs-métrages. Une œuvre apaisante, un voyage dans le temps, des
images superbes et surtout, des peintures rupestres dont la
préservation demeure incroyable. Une richesse qui s'explique par la
fine couche de calcite (minéral chimique ou biochimique composé de
carbonate naturel de calcium) qui recouvre les murs mais aussi les
nombreux ossements d'animaux découverts au sol. Un superbe
documentaire, témoignage désormais unique d'une grotte qui
malheureusement ne pourra plus être visitée. Un bon moyen de faire
le voyage sans bouger de son fauteuil...
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