Abordé trois fois en
2016 (Benny's Video,
La Pianiste,
Caché)
et une seule fois l'année dernière (Wolfzeit), l'autrichien Michael Haneke mériterait pourtant bien plus de
rigueur de ma part. De rigueur et de régularité dans la critique
d'une œuvre dont l'auteur n'a jamais cessé de manipuler l'image, et
ainsi donc le spectateur. Comment oublier l'une des plus incroyables
séquences de son traumatisant Funny Games
lors duquel le cinéaste prenait parti pour ses agresseurs au
détriment de leurs victimes et des spectateurs ? Ou comment
soulager ces derniers, en apnée depuis de trop longues minutes, pour
ensuite leur enfoncer une fois encore, la tête sous l'eau. C'est
avec hésitation que j'ai choisi aujourd'hui d'évoquer Le
Ruban Blanc alors
que bien d'autres avant lui dans la filmographie de Michael Haneke
méritaient de passer en priorité. Mais comme aucune chronologie ne
prévaut en ces pages, j'ai décidé de sauter plusieurs lignes pour
me rendre directement jusqu'à l 'antépénultième long-métrage
de l'un des auteurs les plus essentiels et les plus addictifs du
septième art. Il y a, Outre-Atlantique, des cinéastes de la trempe
de David Lynch. Chez nous, il s'agirait plutôt de citer Gaspar Noé.
Mais un peu plus vers l'est, au nord de la Croatie et à l'ouest de
la Hongrie, un pays, l'Autriche, et une ville, Wiener Neustadt, ont
vu grandir l'un de ces génies du septième art dont l’œuvre
génère spontanément des passions.
Le
cinéma de Michael Haneke vous surprend, vous saisit comme les
premières gelées matinales de l'hiver. Inattendues. Glaciales. Si
d'une manière générale, l’œuvre de l'autrichien peut être
souvent considérée comme l'anti-thèse du cinéma romantique,
l'émotion n'y est pourtant pas tout à fait absente. On pourrait
même affirmer que derrière l'extrême noirceur des univers qu'il
développe de manière rigoureuse, Michael Haneke est en perpétuelle
recherche d'émotion. Une quête qui débouche généralement sur des
réactions controversées.
On
pourrait donc supposer qu'avec le primé Le
Ruban Blanc,
Michael Haneke a choisit de se racheter une conduite... Et pourtant,
en réalité, l'autrichien ne fait que perpétuer l’œuvre qu'il a
entamé des décennies en arrière. Filmé dans un superbe noir et
blanc, si Michael Haneke nie toute ressemblance avec le fascisme qui
allait éclore avec la première guerre mondiale à venir (le film se
déroule à son approche), Le Ruban Blanc
ressemblerait-il
davantage volontiers à une métaphore tournant autour de l'Eglise et
des abus dont certains de ses membres se rendent ponctuellement
responsables ? Dans un petit village du nord de l'Allemagne
vivent en harmonie, nombre de paysans, un baron, son épouse et leurs
trois enfants, un médecin et son amante, une sage-femme, ainsi qu'un
régisseur, un pasteur et sa famille, et pour conclure, un
instituteur. Celui-là même qui revient sur de curieux événements
survenus alors que la première guerre mondiale est en approche.
Lorsque
le médecin est la première victime d'une série d'accidents
étranges, l'équilibre du village s'en trouve bouleversé. Les
humeurs changent. La corrosion des sentiments se fait de plus en plus
ressentir au cœur même des familles. Mais qui donc s'est amusé à
mettre en scène l'accident de cheval du Docteur ? Qui va, plus
tard, mettre le feu à la grange ? Et enfin, qui va oser s'en
prendre au fils handicapé mental de la sage-femme ?
Consciencieusement, Michael Haneke développe une intrigue au
dénouement dévastateur. Avec Le Ruban Blanc (symbole d'innocence et de pureté),
le cinéaste autrichien évoque SA version d'un Village
des Damnés
débarrassé de tout élément fantastique mais baigné d'une ferveur
chrétienne embarrassante. A ce titre, l'acteur allemand Burghart
Klaubner incarne à merveille ce pasteur-gourou effrayant.
Sermonnant. Punissant ses propres enfants rendus à l'état de
martyrs. Toutes les couches de la société sont ainsi touchées par
ce mal silencieux qui détruit la cohésion entre les membres d'une même
famille ainsi qu'entre les habitants du village. L’œuvre de Wolf Rilla ne semble pas être l'unique source
de ressemblance avec le film de Michael Haneke puisque semblent
imprégner le long-métrage de l'autrichien, des œuvres aussi
diverses que Le Village
de M. Night Shyamalan, à travers ce cloisonnement et le mystère qui
entoure les événements étranges qui dérangent la quiétude de ce
petit village allemand vivant reclus et en marge de toute
civilisation.
Si
Le Ruban Blanc
est visuellement superbe, on retiendra surtout le choc d'une mise en
scène et d'un scénario écrit par le cinéaste lui-même ainsi que
par Jean-Claude Carrière. La découverte effroyable débouchant sur
la conservation d'un secret inavouable fait bien évidemment écho à
nombre de problèmes rencontrés par l’Église et que ses
Haut-dignitaires choisissent en général d'étouffer. Magistralement
interprété, Le Ruban Blanc
mérite amplement sa palme d'Or au festival de Cannes 2009, l'une des
nombreuses que le film a remporté de part le monde...Glaçant !
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