Lorsque l'on n'a pas
d'idée précise, que l'on ne sait quel film choisir, et que l'on
pioche au hasard parmi l'immense filmothèque numérique mise à
disposition sur la toile, il arrive que l'on tombe sur d'authentiques
curiosités. De celles qui, à l'issue de la projection, laissent le
spectateurs avec une foule de questions. Pourtant, ici, pas de récit
bridé par l'esprit un brin tordu d'un David Lynch inspiré par on ne
sait quelles sombres pensées. Non, ici l'histoire est quasiment
anecdotique, le « quasiment » ne
faisant pas uniquement office de décorum. D'entrée de jeu, on est
saisit par les choix artistiques du directeur de la photographie
Geoff Boyle. L'éclairage est superbe, les ombres et lumières
zébrant la peau des deux rares protagonistes de ce Dark
Country
qui dénote franchement avec la plupart des thrillers.
Embarqué à bord de sa voiture en compagnie de Gina qu'il vient d'épouser à
Las Vegas pour la modique somme de cinquante euros, Dick roule à
vive allure sur une route désertique lorsque le couple tombe nez à nez avec le corps d'un
homme victime d'un très grave accident. Défiguré mais encore en
vie, Dick prend la décision de placer l'homme inconscient à
l'arrière du véhicule. En chemin, l'homme reprend conscience mais se
révèle agressif. Tenant des propos incohérents, il tente
d'étrangler Dick qui se défend et tue l'homme à l'aide d'une
pierre. Un fois mort, le couple l'enterre dans le désert et
reprennent la route. Parvenus jusqu'à une aire de repos, Dick
constate que dans sa précipitation, il a perdu sa montre...
Le
spectateur peut d'ors et déjà imaginer les nombreuses possibilités
offertes par un tel synopsis. Un cadavre récalcitrant, un couple
qui s'engueule, une route désertique, une aire de repos jonchée
d'épaves de voitures, un flic bizarre (l'acteur Ron Perlman). Mais
si Dark Country
dénote par rapport à la production habituelle, c'est de par son
approche visuelle. Difficile de dire si l'on est face à une œuvre
volontairement esthétisante ou devant un long-métrage
artistiquement ringard. En fait, le film de l'acteur/réalisateur
(aux deux postes sur Dark Country)
Thomas Jane est clairement un « hommage »
au film noir et aux bandes dessinées EC
Comics (maison
d'édition américaine de bande dessinée accordant une place
privilégiée à l'horreur, l'aventure, l'humour et la
science-fiction). D'où un résultat à l'écran assez déconcertant.
Comme les cases d'une BD prenant vie. Le film oscille entre plans
superbes, cadrages bancals, couleurs post-années quatre-vingt...
quand certains visuels semblent issus de vieille pellicules victimes
des outrages du temps (effets-spéciaux numériques totalement
surfaits)
Résultat :
difficile de prendre position. De nier la valeur artistique de Dark
Country
tout en prenant radicalement fait et cause pour l’œuvre de Thomas
Jane. Thriller, humour, mais aussi fantastique forment un mélange
(d')étonnant qui ne conviendra malheureusement pas à tout le monde.
D'autant plus que le réalisateur ne s'embarrasse d'aucune
explication quant à cette boucle temporelle (aïe ! J'ai vendu
la mèche!) tombant comme un cheveu sur la soupe dans ce néo-noir
sorti presque pile-poil dix ans après le Dark
City d'Alex
Proyas et un peu plus que le Lost Highway
de David Lynch. Ni un nanar, ni un chef-d’œuvre, Dark
Country
est bourré d'idées, visuellement délirant, (in)volontairement
drôle, bizarrement interprété (on a quand même du mal à croire
au jeu du couple formé par Thomas Jane et l'envoûtante Lauren
German) et parfois mis en scène avec les pieds (l'aventure est bien
moins cauchemardesque que le voudrait le scénario)... pourtant,
l'approche, une fois encore, du réalisateur est telle que l'on est
littéralement happé. Encore faut-il être en mesure d'excuser les
faiblesses qui émaillent ce long-métrage atypique...
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