Il est des œuvres
cinématographiques qui vous bousculent. Non plus dans votre chair
mais dans votre âme. Parce qu'elles osent ce que la majorité
d'entre elles préfèrent ignorer. De ces pellicules au grain épais,
au cadrage approximatif, à la mise au point pas toujours très
nette. Des bobines aussi dépressives que sulfureuses. Parfois
totalement gratuites, de celles que l'on oublie généralement en
premier, mais parfois si déliquescentes qu'elles n'ont pas besoin
d'autre chose qu'un long discours pour faire accepter leur contenu.
Une histoire avec un tout petit h. De celle qu'il est de coutume de
cacher et qui libèrent un peu de leur monstruosité dans les
faits-divers qui nourrissent d'abord les médias, et ensuite le
public. Divided Into Zero
est de ces petites perles underground à l'esthétique crapoteuse qui
véhicule un message que d'aucun estimera sans doute d'insupportable.
Il est des discours qu'on aimerait ne pas entendre. Des sujets qu'on
préférerait voir interdits parce qu'ils nous ramènent à notre
nature d'être humain. Avec ses qualités, mais aussi ses faiblesses.
C'est
l'une d'entre elles que choisit d'aborder le cinéaste et producteur
Mitch Davis qui signait là, son seul et unique film. Un
court-métrage de surcroît qui dépasse à peine la demi-heure et
qui tout au long de son récit explore la psyché d'un homme à trois
étapes de son existence. Tout d'abord, à l'aube de devenir le
représentant de l'une des déviances sexuelles les plus
monstrueuses. A sept ans. A l'âge où lorsque l'on a perdu son père
(auquel le cinéaste prête avec un luxe de pudeur des pensées
contre-nature envers son enfant) et sa mère, on perd ainsi ses
repères. C'est là qu'intervient son goût du sang. Et celui pour
l'automutilation. La naissance du mal incarné par un gamin qui à la
mort de ses parents ne grandira plus intellectuellement même si ses
obsessions prendront, elles, une ampleur toute adulte.
Sans
vraiment juger le futur monstre tapit dans ce visage d'enfant, Mitch
Davis tente de percer le mystère qui entoure ces hommes attirés par
de jeunes enfants. Celui qu'il décide de mettre en scène est plus
que le simple violeur pédophile puisqu'il séquestre, mutile et
assassine enfin. Même si les actes de barbarie ne sont pas
clairement dévoilés (le spectateur ne subira notamment que les
derniers instants du calvaire subit par un enfant enfermé et
crucifié au mur d'une cave sordide) Divided
Into Zero dégage
un profond malaise. Le cinéaste ose une approche poétique et
morbide à travers des visions mystiques parfois difficiles à
décrypter. Un peu à la manière du Jörg Buttgereit de l'immonde
diptyque Nekromantik 1
et 2,
Mitch Davis déroule une intrigue ultra minimaliste et
inconfortablement financée.
Le
cinéaste parvient à transmettre le malaise de son héros à travers
sa lente litanie et la musique vraiment glaçante de David Kristian.
On rêve déjà de ce à quoi aurait pu ressembler avec un surcroît de
billets verts. S'il n'atteint pas l'excellence du Clean,
Shaven de
Lodge Kerrigan, le court-métrage de Mitch Davis ne peut laisser
indifférent. Sous sa forme d’œuvre d'art et d'essai, il provoque
un certain dégoût, viscéral, et un malaise, véritablement
palpable. Et ce n'est peut-être pas tant les actes pourtant
abominables perpétrés hors champ qui feront tourner de l’œil les
moins aguerris, mais peut-être l'approche clinique de Mitch Davis.
Son vieillard dérangeant, de même qu'un univers construit autour
d'objets hétéroclites qui réunis sous les projecteurs du cinéaste
laissent un sale goût dans la bouche et le sentiment d'avoir
assisté à une lente agonie...
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