Comédies, thrillers,
drames, romances, Vincent Lindon est capable d'interpréter n'importe
quel personnage. Il a pu le prouver à de nombreuses reprises en
tournant pour Claude Lelouch, Coline Serreau, Alain Berberian, Pierre
Jolivet, Fred Cavayé ou encore Jacques Doillon, et aux côtés de
Sophie Marceau (L’Étudiante),
Gérard Lanvin et Béatrice Dalle (La Belle
Histoire),
Zabou et Patrick Timsit (La Crise),
ou bien Sandrine Kimberlain (Mademoiselle
Chambon).
En 2018, il est à l'affiche de quatre longs-métrages dont
L'Apparition de
Xavier Giannoli, cinéaste français de quarante-six ans qui réalise
ici son septième film. Un sujet délicat, magistralement interprété
par Vincent Lindon et par l'étonnante Galatéa Bellugi, dont il
s'agit ici de la septième apparition sur grand écran. Sujet délicat
puisque L'Apparition
aborde le thème de la jeune femme témoin de l'apparition de la
Vierge Marie, prise sous l'aile réconfortante du Père Borrodine, à
laquelle se retrouve confronté Jacques, grand reporter totalement
dévasté depuis qu'il a perdu son ami et photographe lors d'un
reportage en Syrie, et contraint de faire la lumière sur cette
affaire.
Xavier
Giannoli développe un récit exemplaire, sans fioritures, opposant
un journaliste 'croyant'
mais non pratiquant, face à une jeune novice au cœur d'une affaire
qui emportera au départ son principal personnage en plein cœur du
Vatican. Là même où lui sera confiée une tâche des plus ardue.
Sous la forme d'une enquête journalistique prenant des airs
d'enquête policière avec tout ce que le principe sous-entend
(interrogatoire, investigation, témoignages, etc...). Vincent Lindon
y est confronté à une communauté soudée autour d'Anna,
mystérieuse jeune femme qui à l'âge de quinze ans a vu apparaître
devant elle, la Vierge Marie.
L'Apparition décrit
alors le processus découlant de ce prodigieux événement. Entre la
ferveur des adeptes, l'extrême prudence du protecteur d'Anna, le
Père Borrodine, incarné par l'acteur Patrick d'Assumçao, ou la
méfiance des plus hautes instances du Vatican, la longueur du
métrage s'explique par la rigueur avec laquelle le cinéaste tente
d'apporter la lumière sur un fait (pas tout à fait) divers avec un
luxe de réalisme. On pense notamment aux questions posées à
la jeune femme, véritable interrogatoire durant lequel Xavier
Giannoli pose sa caméra devant le portrait d'une Anna perdue dans
des pensées dont la teneur demeure un mystère durant une très
grande partie du long-métrage. Au delà de la simple enquête, le
cinéaste évoque le passé trouble de son héroïne. Des questions
dont les réponses demeurent en suspend tandis que quelques éléments
viennent fugacement donner un sens concret au récit développé à
partir d'un scénario écrit à six mains par Jacques Fieschi, Xavier
Giannoli et Marcia Romano. L'autre côté du miroir, celui qui
s'oppose à la croyance, à la ferveur, à ces attroupements
d'adeptes venus chercher des réponses auprès d'une jeune femme
ayant à peine quitté le monde de l'enfance, c'est celui derrière
lequel se cache le héros incarné par Vincent Lindon. Celui qui
doute et restera d'ailleurs sceptique jusqu'au bout. Cette quête de
la vérité, c'est aussi quelque part la sienne. La recherche d'une
vérité perdue là-bas, en Syrie.
D'une
profondeur insoupçonnable, le film nous emporte plus loin encore que
sur le sujet du mystère entourant cette apparition qui donne son
titre au film. Une œuvre à la fois mystique et sociale sur le
mal-être, rattrapée ici par le consumérisme, la réappropriation
d'un événement mystérieux par d'opportunistes ambassadeurs
débarquant à seule fin d'en faire un business lucratif. Ici, ils
prennent le visage d'Anton (excellent Anatole Taubman), un homme d’Église aveuglé par
l'argent, transformant l'événement en commerce. Anna devient alors
une icône que l'on peut au choix se procurer dans des boutiques sous
forme de sculptures ou de peintures. Pour accompagner son œuvre,
Xavier Giannoli convoque les œuvres du compositeur estonien Arvo
Pärt et du français Georges Delerue. Le duo Vincent Lindon-Galatéa
Bellugi brille par sa présence à l'écran. Si L'Apparition
ne fera sans doute pas de nouveaux adeptes de l’Église, il a au
moins le mérite de dénoncer certaines dérives, et offre une
approche plutôt censée et habile d'un fait-divers hors du commun...
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