Pour la 600ème parution, démarrage d'un nouveau cycle dont les articles n'apparaitront pas forcément à la suite les uns des autres. Cela dépendra de ma prédisposition à regarder ces œuvres que je ne parviens pas à me convaincre de cantonner à des genres habituellement aisés à identifier...
Le voilà donc ce premier
long-métrage du poète, romancier, essayiste, dramaturge et cinéaste
espagnol Fernando Arrabal. En partie autobiographique et adapté du
roman Baal Babylone qu'il a
écrit de ses propres mains, Viva La Muerte
dénonce le fascisme et la religion catholique au temps de la guerre
d'Espagne. Tout comme son père en fut la victime, celui de son
héros, le jeune Fando, est lui aussi dénoncé, enfermé, torturé
pour avoir osé prôner l'antifascisme. Un « rouge »
comme on dénommait ceux qui comme lui faisaient partie des
républicains espagnols et des partisans et défenseurs de la
République.
L'aura qui entoure ce premier effort de Fernando Arrabal, vieil ami
d'Alejandro Jodorowsky, lui-même scénariste de
bandes-dessinées, cinéaste, acteur, mime, romancier, essayiste et
poète, et de l'illustrateur, dessinateur, peintre, écrivain, poète,
metteur en scène, chansonnier, acteur et cinéaste français Roland
Topor (mes doigts reprennent leur souffle), et avec lesquels il créa
l'anti-mouvement actionniste Panique,
peut se comprendre. Surtout si l'on se replonge à l'époque de sa
sortie, en 1971. Le Salo
de Pasolini n'est pas encore sur les écrans, tout comme
La Grande Bouffe de Ferreri. Quand
aux acteurs du Themroc
de Claude Faraldo, on ne les entendra grogner que deux ans plus tard
en 1973 et ceux du Sweet Movie
de Dusan Makavejev ne se complairont dans le vomi, la pisse et la
merde qu'en 1974. Autant de films (parmi d'autres) qui provoquèrent
chacun à leur manière autant de rejet que de fascination.
Qu'en
reste-t-il désormais, à une époque où Internet permet
l'éclatement des frontières entre bon et mauvais goût ? Ou
tout peut-être visible d'un simple clic et sans qu'aucune instance
ne veille à la bonne intégrité morale de nos chères petites têtes
blondes ? En réalité, j'ose le dire, pas grand chose. Fernando
Arrabal, derrière la légitimité qui semble être la sienne, n'est
rien de plus qu'un gamin qui s'amuse d'un peu de sable pour
construire un château qui se casse la gueule presque à chaque plan.
Si son comparse Alejandro Jodorowsky peu s'enorgueillir d'avoir
enfanté des œuvres authentiquement stupéfiantes (de beauté, de
magie, de surréalisme), Arrabal maîtrise peut-être son sujet, mais
pas le matériel qu'il a entre les mains. On pourra dire ce que l'on
veut, que son film est beau (ouais, la berceuse, le générique
constitué de dessins surréalistes, œuvre de Roland Topor, mais à
part ça?), qu'il est choquant (jouer à découper un scarabée à
l'aide d'un cutter, arracher la tête d'un lézard à coups de dents,
ou égorger quelques moutons et même un bœuf, ça ne fait pas
forcément du bon cinéma), d'autres savent faire mais avec un
surplus de style.
Celui
d'Arrabal est triste, monté comme l'on passe de vieux documents
super 8 sur le mur d'un salon entièrement peint en blanc. Viva
La Muerte est-il
choquant ? Oui et non. Fantasmagoriquement productif son
personnage ? Oui et non. En fait, on a bien saisi une partie du
spectacle que veut nous faire bouffer le cinéaste. Cet enfant, c'est
lui. Dénué de père, forcément ça rime, foutent le camp les
repères. La morale elle aussi. Reste la mère. Aimée, mais
également haïe. Fantasmée. Inceste ? Oui et non.
Pipi-caca-vomi-sang-orgie-mort. Petite ovation, tout de même, pour le jeune Mahdi Chaouch qui a eu le courage d'endurer les caprices du cinéaste. Une belle performance de sa part.
Viva la Muerte !
Rappelons-nous
que ce cri de ralliement fut créé par le militaire espagnol José
Millán-Astray. Une page d'histoire que certains considéreront comme
mise en lumière par Arrabal. Cet article consacré à Viva
La Muerte
manque totalement d'objectivité. Nous sommes en 2016, pas en 1971.
La désillusion est immense. Mais alors, que vaudra donc la suite,
J'Irai Comme un Cheval
Fou... ?
Je ne connais pas ce film... mais tu évoques Salo ou les 120 journées de Sodome, La Grande Bouffe et c. et je note tout de même que, depuis un certain temps, le cinéma et surtout les séries télé qui flirtaient voire forniquaient de plus en plus avec un certain rejet du "bon" goût et de la morale ont tendance à revenir un peu sur leur pas et à rejouer sur les bons sentiments. Je ne serais pas étonné que dans cinq, six ans ces films qui auraient pris de l'âge pour notre mentalité actuelle redeviennent choquants à l'avenir. Il suffit de voir comment certains mouvements critiques et comiques comme le pastafarisme ou certains films comme La Vie de Brian provoquent la colère de certains croyants...
RépondreSupprimerMaintenant, un film comme Salo de Pasolini est étrange : la première vision m'a laissé bouche bée de fascination et d'admiration ; la seconde m'a quelque peu dérangé ; et la troisième est incomplète, comme si de savoir à l'avance jusqu'où Pasolini irait m'avait freiné dans mon premier enthousiasme.
La Grande Bouffe, en revanche, m'a bien fait rire... (et j'imagine qu'il y avait de l'humour dans ce film)