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lundi 12 mars 2012

Alejandro Jodorowsky en 2 films: "El Topo" (1970) et "Santa Sangre" (1989)




El Topo d'Alejandro Jodorowski est le premier, et sans doute le seul, western ésotérique de l'histoire du cinéma. Une sorte de grand fourre-tout aux concepts divers et variés concentrés en deux heures et qui pourraient fournir l'essence d'une bonne dizaine de scénarios. Du western, le film retient surtout les grands espaces désertiques du Mexique et les costumes, les villages, très souvent abandonnés. Sans parler évidemment des indigènes qui les habitent ainsi que les montures sur lesquelles le héros mets le pied à l'étrier. Le film de "Jodo" passerait presque pour de la propagande pro-chrétienté tant l'image du Christ y est présente en toile de fond. On y retrouve la violence et la grandiloquence du "Caligula" de Tinto Brass mais sans les scabreuses scènes d'orgies culinaires et sexuelles ainsi que les provocantes mises en scène de certains Fellini tel son "Fellini Roma".

El Topo (Alessandro Jodorowski) est un pistolero que sa maîtresse à défié de tuer les quatre grands maîtres du désert. Il part alors pour une quête initiatique et hasardeuse qui l'amène à faire différentes rencontres mais qui surtout l'emmènera au delà du défi lancé dans une sorte de quête métaphysique qui l'emportera jusqu'au sommet d'une montagne. Peut-être celle, sacrée, du film suivant que réalisera Alessandro Jodorowski quelques années plus tard?

Ce qui saute aux yeux, c'est tout d'abord la piètre qualité de l'image. Comme si la pellicule avait été soigneusement passée entre les dents acérées d'un broyeur. En effet, elle est d'une crasse qui confère à son contenu une aura miraculeuse (la bobine faillit disparaître à jamais). L'image est hachée et parasitée par de très nombreuses poussières. Mais l'essentiel n'est pas là car si l'on accepte les nombreux défauts visuels inhérent aux maltraitances qu'à subit la bobine, on est face à un objet étrange, inclassable, difficile à comprendre et l'on se sent souvent perdus dans le cerveau labyrinthique mais génial du cinéaste. Le film fourmille fourmille donc d'idées tantôt géniales, tantôt absurdes mais qui toujours homogénéisent le récit. Alessandro Jodorowski, en dehors d'être un savant fou du septième art est aussi et surtout un artiste entier qui porte plusieurs casquettes: mime, romancier, poète et scénariste de bande dessinée, tous ses talents sont retranscrits dans ce film telle la scène d'ouverture dans laquelle le héros pénètre une cité mise à feu et à sang, sang qui confère à la scène la vision d'une toile peinte de manière grossière et rugissante. Ou encore celle, ou en plein désert, la taupe (L'el Topo du titre) accompagnée d'une jeune femme à l'agonie, trouve l'eau salvatrice dans une roche perdue sur une dune donnant à cet instant, la grâce et la beauté d'un poème. On se prends parfois au jeu et on attends après chaque victoire remportée par le héros face aux maîtres du désert mais aussi face à lui-même, de voir à quoi ressemblera le prochain défi. Mais ici, il n'est pas question de duels au pistolet. Tous les sens de la taupe sont mis en éveil afin de lui assurer la victoire sur ses concurrents. Le film nous apprends ainsi qu'il ne faut surtout pas se fier aux apparences et qu'il faut se méfier de l'eau qui dort...

Accompagné de ses amis Roland Topor et Fernando Arrabal, Jodorowski créa différentes performances dont Panique qui à travers sa divinité, "Pan", semble pousser le spectateur à une reconversion idéologique et religieuse tendant à l'écoute de soit et des autres.

Malgré des montagnes de défauts, "El Topo" porte en lui tellement de qualités mais aussi de sagesse qu'il efface les imperfections et comme à la suite d'une course folle après le temps, on se sent après deux heures passées devant l'écran, comme le cœur léger et l'esprit vidé, enfin prêts à affronter le monde qui nous entoure...


L'œuvre toute entière d' Alessandro Jodorowsky est empreinte d' un profond mysticisme. Ses héros ont souvent l'apparence du Christ, portant sur le dos une croix dont ils ont du mal à se défaire. Le cinéaste règle ses comptes avec ceux qui bafouent la morale par la voie de la castration. "El topo" voit les hommes de dieu, humiliés et souillés, vengés par un Christ de pacotille punissant leur bourreau par l'entremise de cette jeune esclave rappelant de manière assez troublante Marie, la mère de Jésus, et qui castre le chef d'une bande de cow-boys minables et grand ordonnateur d'un massacre qui voit les habitants d' un village être décimés avant que la main vengeresse du héros pistolero ne vienne mettre un terme au bain de sang. Dans "Santa Sangre", c' est l' adultère qui est punit. Alors que dans "El Topo" elle est pratiquée par la voie de l'émasculation au couteau, dans "Santa Sangre", le mari adultère pêchant avec son assistante voit ses attributs brûlés à l'acide par sa femme avant que la main vengeresse ne soit à son tour malmenée à travers l'ablation de ses deux bras. Le Christ est ici encore un enfant prénommé Fenix et simple spectateur de l'horreur qui éclate au sein même du cocon familial. Dans les deux cas, c'est toujours la femme qui s'offre la possibilité de mettre un terme à la barbarie et à l'adultère dont elle est victime.



Fenix est un jeune homme perturbé au lourd passé. Aujourd'hui il va sortir de l'institut psychiatrique dans lequel il est enfermé depuis de nombreuses années. Depuis qu'il a été témoin d'un drame atroce dont les acteurs principaux furent son père, un lanceur de couteau violent et adultère et sa mère, prêtresse d'une église vénérant une sainte sans bras et qui défendait de manière acharnée l'église du village que le propriétaire du terrain sur lequel elle était construite tentait de faire raser. Le père de Fenix, après avoir été castré par sa femme à l'aide d'un acide lors d'un adultère se vengea d'elle en l'amputant des deux bras.
Pour la toute première fois depuis longtemps Fenix va enfin pouvoir sortir de l'univers psychiatrique dans lequel il vit, accompagné d'un groupe de handicapés mentaux. Ils croisent sur leur route, voyous et prostituées parmi lesquelles Fenix reconnaît celle qui fut il y a très longtemps la maîtresse de son père et qui fut en partie responsable du drame qui toucha ses parents. Après le retour du groupe à l'asile, Fenix prends la décision de fuir sa cellule afin de retrouver celle qui aujourd'hui vend ses charme dans la rue. Les ruelles sordides vont être le témoin du meurtre horrible de la jeune femme, assassinée par la main d'une autre femme.

Au petit matin, alors que la fête qui la veille battait son plein à laissé la place à un décor jonché de détritus, Fenix retrouve sa mère et participe dès lors avec elle à des spectacles en lui prêtant ses bras...

On retrouve dans "Santa Sangre" ce qui fait l'originalité du cinéma de Jodorowsky. Une boulimie qui transpire à chaque plan. Tellement inspiré que si le cerveau humain était capable de le suivre dans la totalité de ses délires, il lui faudrait morceler l'écran en différentes cases, de le splitter afin d'y inclure dans chacune l'histoire unique de personnages hauts en couleurs et fantasmés par l'esprit de ce génie du septième art. Tel le Fellini de "Roma", la caméra se ballade en longs travelling horizontaux dans un univers sordide, décadent et dans lequel seule la présence de Fenix semble faire tache. Dans ce monde de cauchemar il entretient avec sa mère retrouvée une relation ambiguë qui semble aller bien au delà des rapports "mère-fils". Plus le temps passe et plus les images du passé mêlées à d'effrayantes visions de mort nous font comprendre que l'esprit de Fenix est accaparé par les perpétuelles obsessions qui ont emmuré un jour son esprit jusqu'à l'enfermer dans un asile.
Santa Sangre est une formidable histoire d'amour. Celui d'un fils pour sa mère. Une mère qui l'honore de sa présence par la pensée car malgré les apparences, celle-ci est morte depuis le jour où elle a été "sacrifiée" par son mari. Elle vit cependant à travers l'esprit schizophrène de son fils Fenix, l'employant à se venger de ceux qui l'ont brisée. Elle qui est devenue l'image même de la sainte, celle qu'elle vénérait par le passé, est aujourd'hui pour moitié l'esprit de son fils qui finira par combattre ses mauvais démons afin de vivre par et pour lui-même.

C'est dans une débauche de sang et de sexe, dans un décor aux couleurs tantôt délavées mais majoritairement criardes que l'on suit ce conte pour adultes magistralement mis en scène par Alessandro Jodorowsky. Un chef-d'œuvre.

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