Si l'on devait dresser un
top dix des plus belles histoires d'amour portées sur un grand
écran, il ne serait pas impossible d'y voir trôner en bonne place
Lisa e il Diavolo
du réalisateur italien Mario Bava. Une éventualité qui peut
effectivement paraître invraisemblable si l'on tient compte de
certains critères. Comme le fait, par exemple, que l’œuvre
reconnue par son auteur comme ayant été sa préférée est un film
d'horreur. Ce qui a priori devrait lui retirer toute chance de faire
partie des plus belles histoires d'amour cinématographiques. Et
pourtant, le spectateur qui n'a pas encore suivi les très
labyrinthiques aventures de Lisa qu'incarne à l'image l'actrice,
peintre et chanteuse allemande Elke Sommer est loin de se douter de
l'intensité avec laquelle Mario Bava va transposer en 1973 sur grand
format cette histoire qui très rapidement va pourtant rencontrer
d'importantes difficultés. Présenté à Cannes la même année,
Lisa e il Diavolo
n'intéresse aucun distributeur. Pire ! Alors que derrière ce
titre un brin racoleur et passe-partout se dissimule en réalité une
œuvre dont les arcanes dédaléennes sont parfaitement maîtrisées,
le succès outre-atlantique de L'exorciste
de William Friedkin pousse à l'époque le producteur Alfredo Leone
ainsi que le fil du réalisateur (Lamberto Bava) à tourner des
séquences supplémentaires sans l'aval de l'immense Mario Bava afin
de remonter le film et de lui donner un titre plus proche des
ambitions américaines que celles du réalisateur italien. Le
long-métrage ayant ainsi muté pour devenir La
Casa dell'Esorcismo.
Au grand dam de son auteur originel, c'est cette version qui verra le
jour en Italie en 1975 et dans les salles françaises deux ans plus
tard, le 28 septembre 1977. Depuis, les cinéphiles auront eu tout
loisir de découvrir la version séminale de Mario Bava mais pour
cela, ils auront dû faire preuve de beaucoup de patience puisque
Lisa e il Diavolo n'aura
été visible par le grand public dans sa version d'origine qu'à
partir de sa publication sur support DVD
dans les années quatre-vingt dix... L'histoire de Lisa
e il Diavolo
qui chez nous est logiquement sorti sous le titre Lisa
et le Diable
prend place en Espagne, dans une luxueuse demeure, après que Lisa,
une touriste américaine, se soit perdue dans les rues de la vieille
ville de Tolède.
Après
avoir assisté à la description d'une très vieille fresque
représentant le Diable, la jeune femme se sépare de son amie pour
flâner dans les rues étroites de la ville qui la mèneront jusqu'à
l'entrée d'une boutique où elle découvrira pour la première fois,
l'un des personnages centraux du récit (l'acteur gréco-américain
Telly Savalas), Leandro. Sa ressemblance avec le Diable représenté
sur la fresque effraie Lisa qui préfère alors s'en aller. En
chemin, la jeune femme croise à nouveau Leandro, s'en éloigne et
rencontre cette fois-ci un homme qui semble bien la connaître.
Fuyant de nouveau, elle croise beaucoup tard un couple et leur
chauffeur qui acceptent de la faire monter dans leur traction. Le
véhicule tombe en panne près d'une demeure dont la propriétaire
refuse de les accueillir. Contrairement à son fils Maximilien
(Alessio Orano) qui parvient à la résonner et dirige ses nouveaux
hôtes vers un petit pavillon où ils pourront passer la nuit... En
entame j'évoquais l'idée que le long-métrage de Maria Bava
pourrait faire partie d'un top dix consacré aux plus belles
histoires d'amour du septième art. Idée sans doute curieuse,
saugrenue, voire carrément bizarre, dérangeante et franchement
inopportune si l'on consacre quelques instants à l'une des
thématiques sur laquelle se penche le récit. Car plus que
l'histoire de cet amour fou qui unit deux des personnages du récit,
si en toile de fond l’œuvre évoque hypothétiquement l'inceste
entre une mère et son fils (Maximilien et sa mère aveugle, la
Comtesse interprétée par l'actrice Alida Valli), c'est bien le
sujet de la nécrophilie qui pose problème et écarte Lisa
e il Diavolo des
canons du cinéma romantique. Pourtant, plutôt que de verser dans
une approche morbide comme le fera avec nettement moins de finesse
Joe D'Amato lors de la mise en scène du glauquissime Buio
Omega (sorti
chez nous sous le titre Blue Holocaust)
en 1979, le film de Mario Bava est au moins aussi troublant que
l’œuvre de son compatriote et pourrait même n'être condensé que
dans cette seule séquence, aussi troublante que magnifique et lors
de laquelle le fils de la comtesse attire dans une chambre/mausolée,
Lisa, parfaite sosie de la défunte compagne de Maximilien, afin de
lui faire l'amour. Une séquence bouleversante magnifiée, en outre,
par le superbe Concerto
de Aranjuez
écrit par le compositeur espagnol Joaquín Rodrigo en 1939. Au
final, Lisa e il Diavolo est
une œuvre visuellement superbe qui très souvent déstabilise. La
mise en scène à tiroir et labyrinthique couplée à un récit qui
parfois paraît n'être qu'une hallucination peut provoquer une
certaine gêne empêchant la pleine compréhension de ce qui se
déroule à l'écran. De plus, sa thématique, aussi subtilement
abordée soit-elle pourra en déranger certains. Il n'empêche que
Lisa e il Diavolo
reste parmi les meilleurs films de Mario Bava, tous genres
confondus...
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