Lake Mungo
de Joel Anderson fait partie d'une catégorie de films qu'il est
assez inconfortable d'évoquer sans prendre le risque de divulguer
d'importantes informations concernant la forme que prennent les
événements. C'est pourquoi je conseillerai à celles et ceux qui ne
l'auraient pas encore découvert de cesser immédiatement la lecture
de cet article... Premier long-métrage produit, écrit et réalisé
par un cinéaste qui n'aura même pas eu l'excuse d'avoir travaillé
dans un certain domaine de l'information pour justifier ici les
qualités de son travail, Lake Mungo
est l'un des rares exemples de ''Documentaires''
qui prennent pour sujet une actualité tout à fait fictive. On parle
donc bien de ce phénomène qu'est le
Documenteur, type
de long-métrage mettant en scène de faux témoins et de fausses
images reléguant un fait plus ou moins extraordinaire mais
absolument imaginaire. Entre drame, manipulation et fantastique,
Lake Mungo nous
invite à pénétrer l'intimité d'une famille en deuil après le
décès de l'un de ses membres. Russel et June Palmer ont
effectivement perdu leur fille Alice, d'abord disparue avant d'avoir
été retrouvée noyée dans le Lac Mungo. À travers de nombreux
témoignages, d'images d'archives et de séquences de reconstitution,
Joel Anderson convie autant d'interprètes à se présenter devant la
caméra afin de raviver le souvenir de cette adolescente trop vite
disparue mais aussi celui des événements tragiques liés à sa mort
ou des étranges phénomènes qui se produisirent par la suite. Rosie
Traynor et David Pledger incarnent les parents éplorés de la jeune
Alice, le second remportant la médaille du vérisme. C'est bien
simple : la totalité des interprètes qui incarnent soit les
membres de la famille Palmer, soit les voisins, ou soit les amis de
la disparue sont tous plus crédibles les uns que les autres. Joel
Anderson semble avoir retenu l'essentiel des reportages criminels qui
pullulent sur les chaînes d'information ou dans les magazines à
sensations ainsi que les rapports d'enquête pour les digérer ici
avec un sens du réalisme absolument remarquable...
Si
l'on ne devine pas d'emblée que Lake Mungo
repose sur des faits inventés par le réalisateur lui-même, il
devient difficile de distinguer le moindre élément permettant de
découvrir le subterfuge. Joel Anderson est aidé en cela par la
photographie de John Brawdley ou par l'emploi de caméras et de
filtres vintages qui permettent une immersion totale dans ce récit
dramatique où des événements surnaturels viendront succéder à la
mort d'Alice. C'est en cela que Lake Mungo
s'inscrit dans des genres qui communément sont visibles à travers
ces longues listes de documentaires à sensation qui font la part
belle à la fantaisie. Visuellement, le spectateur se retrouve devant
un documentaire, entre témoignages, images d'archives ou vidéos,
tous parfaitement crédibles. Du cadavre épouvantablement dégradé
d'Alice repêché plusieurs jours après sa disparition jusqu'à
l'attitude des témoins, agents de police et présentateurs de
journaux compris, en passant par le travail rigoureux effectué sur
l'image, on tombe littéralement dans le panneau. À tel point que
même en sachant que tout n'est ici que fiction, l'on finit par
oublier ce détail pourtant d'une importance considérable pour
s'émouvoir devant la détresse des uns et des autres. Là où par
contre Joel Anderson aurait sans doute été beaucoup plus éclairé
aurait été de choisir un format plus court. Stoppant ainsi
l'étonnante progression de la tragédie entourant la famille Palmer
aux seuls événements liés au décès de l'adolescente et à ses
diverses apparitions sur des photos prises par son frère. Le concept
ayant de toute manière toujours des difficultés à justifier la
présence de telle ou telle entité sur des documents vidéos ou
photographiques, nous n'en aurions sans doute pas voulu au cinéaste
de mettre un terme au récit de façon brutale... Mais dans une
volonté d'en remettre une couche, et même plusieurs, Joel Anderson
part sur l'hypothèse d'une tromperie. Jusque là, ça peut encore
passer. Mais lorsque nous est révélée une situation qui avait
encore échappée aux différents témoins de l'affaire, on est en
droit de penser que Joel Anderson est peut-être allé un peu trop
loin. Une surenchère pas vraiment utile vue la puissance de la mise
en scène, du montage et de l'interprétation qui jusque là avaient
su nous convaincre que tout pouvait être authentique. Bref, Lake
Mungo
est une excellente surprise et l'un des meilleurs représentants de
sa catégorie...
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