Entre le 14 juin 1962 et le 4 janvier 1964, le tueur en série Albert
De Salvo assassina treize femmes en les étranglant toutes chez
elles. Surnommé L'étrangleur de Boston par les journalistes Jean
Cole et Loretta McLaughlin du quotidien Record-American,
l'homme alors âgé d'une trentaine d'années avait pour habitude de
s'introduire dans leur appartement et d'agresser sexuellement ses
victimes avant de les tuer. Arrêté en novembre 1964, il passe aux
aveux et reconnaît l'effarant nombre de deux mille viols en l'espace
de cinq ans. Condamné à perpétuité, Albert De Salvo passera dix
ans derrière les barreaux avant d'être assassiné à son tour le 25
novembre 1973 par un co-détenu qui le poignarda plusieurs fois au
cœur... Si en 1968 le long-métrage L'Étrangleur de
Boston réalisé par Richard
Fleischer fera entrer le tueur dans la culture populaire en mettant
en scène Tony Curtis dans le rôle d'Albert De Salvo, certains
semblent avoir oublié qu'une œuvre inspirée de ses méfaits avait
déjà vu le jour trois ans auparavant sous le titre, The
Strangler (Le
tueur de Boston).
Si dans sa version originale le titre ne fait pas directement
références aux crimes perpétrés par Albert De Salvo, si le
personnage central porte un nom radicalement différent et si le
réalisateur Burt Topper et le scénariste Bill S. Ballinger prennent
de grandes libertés avec la vérité, il est difficile de penser que
le fait-divers et la fiction n'ont aucun rapport. D'autant plus que
le film verra le jour alors que le célèbre tueur en série aura été
jeté en prison seulement deux mois auparavant... Échafauder
l'hypothèse selon laquelle il s'agirait d'une coïncidence est donc
à écarter... Dans ce film tourné dans un somptueux noir et blanc,
le rôle principal du tueur ici nommé Leo Kroll est interprété par
l'acteur Victor Buono, lequel débuta véritablement sa carrière par
le classique de Robert Aldrich, Qu'est-il arrivé
à Baby Jane ? en
1962. Après être apparu dans divers longs-métrages dont
L'Étrangleur de Vienne
du réalisateur et scénariste italien Guido Zurli en 1971 et dans
lequel il incarnera une nouvelle fois le personnage principal en
1971, Victor Buono apparaîtra également dans diverses séries mais
demeurera célèbre chez nous pour avoir tenu à plusieurs reprises
le rôle du Docteur Schubert dans la série culte de Mayo Simon et
Herbert F. Solow en 1977, L'Homme de l'Atlantide.
Un
personnage excentrique, sorte de réminiscence de celui qu'il incarna
donc dans The
Strangler
et dont l'attitude très particulière finira par le rendre
rapidement soupçonnable. Le film de Burt Topper entre dans cette
catégorie de longs-métrages qui suivent les traces d'un tueur plus
qu'ils ne s'attachent en profondeur à l'enquête elle-même. Et si
le lieutenant Benson (David McLean) et le Sergent Clyde (Baynes
Barron) sont malgré tout très présents lors du récit, c'est bien
le personnage de Leo Kroll qui intéresse avant tout le réalisateur
et le scénariste.
The Strangler
partage donc un rapport ténu avec des œuvres aussi fondamentalement
importantes que Psycho
d'Alfred Hitchcock, Peeping
Tom
de Michael Powell, The
Collector
de William Wyler (même si dans ce cas, le sujet est quelque peu
différent), Angst
de Gerald Kargl, Henry,
Portrait of a Serial Killer
de John McNaughton ou encore Der
Goldene Handschuh
de Fatih Akın. Nettement plus sobre que ces trois derniers exemples,
The
Strangler met
en scène un Victor Buono époustouflant, dont le personnage est sous
l'emprise d'une mère alitée (l'actrice Ellen Corby) et dont les
motivations paraissent donc avoir un rapport direct avec elle. Un
fils et une mère aux rapports ambigus puisque l'attrait de cette
dernière semble très largement dépasser le cadre de l'amour
maternel pour ouvrir la porte à une relation incestueuse. Plus qu'un
simple drame policier, The
Strangler
dresse le portrait clinique d'un homme déséquilibré incapable
d'avoir des rapports normaux avec la gente féminine. Usant de
rituels qui en font la parfaite définition du tueur en série, il
demeure malgré tout certains détails qui pourraient laisser croire
que les meurtres commis par étranglement ne sont pas tous produits
par l'esprit trouble du sujet. Largement moins connu que le
long-métrage de Richard Fleischer, celui de Burt Topper n'en est pas
moins une très grande réussite, porté par d'excellents interprètes
(auxquels l'on ajoutera notamment l'actrice Diane Sayer qui incarne
l'une des deux employées féminines d'une fête foraine) mais
surtout par un Victor Buono saisissant. Notons qu'en 2009 Michael
Feifer mettra en scène le film
The Boston Strangler et
que dès 2023 Disney+
proposa Boston
Strangler
de Matt Ruskin dans lequel le réalisateur apportait une vision
différente du fait-divers en mettant en avant l'enquête des
journalistes Jean Cole et Loretta McLaughlin...
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