Il y a encore deux
heures, le concept d'Elevated Horror
était un schéma de cinéma qui m'était relativement flou. Pour ne
pas dire totalement étranger. Et après une projection longue de
quatre-vingt quinze minutes, j'étais près à le bannir de mon
vocabulaire et de mes futures nuits cinéphagiques tant She
Will
de Charlotte Colbert m'apparut d'une inconsistance crasse.
S'intégrant dans le courant actuellement bien rôdé du cinéma
d'horreur post-Metoo dont font désormais parti Men
d'Alex Garland, Invisible Man
de Leigh Whannell, deux œuvres au demeurant tout à fait
satisfaisantes, ainsi que, paraît-il, Promising
Young Woman
d'Emerald Fennell sur lequel se sont penchés tant de critiques
virulents qu'il faudra bien qu'un jour j'y jette un œil, She
Will
est une immense déception... Bannir ? L'Elevated Horror ?
Peut-être pas finalement puisque après quelques recherches, je
découvrais que parmi une liste de films longue comme la Loire
s'inscrivaient notamment des œuvres telles que The
Witch
de Robert Eggers, Possessor
de Brandon Cronenberg, Midsommar
d'Ari Aster, Eraserhead
de David Lynch ou encore Under
the Skin
de Jonathan Glazer. Bref, que des petites merveilles (si l'on ne
tient évidemment pas compte de la merde que réalisa l'amateur
d'onanisme David Lowery en 2017, A
Ghost Story)
dont ne fait par contre absolument pas partie She
Will.
Je veux bien pardonner ce faux pas d'une réalisatrice qui là se
lance dans son premier long-métrage (après trois courts, format
qu'elle aurait également dû consacrer à sa dernière création)
mais mon dieu que She
Will
peut être insignifiant. Qu'il s'agisse du sujet du patriarcat évoqué
avec la finesse d'un hippopotame passant entre les rayons d'une
cristallerie ou de celui du traumatisme vécu par l'héroïne qui
pour le coup est remarquablement incarnée par Alice Krige, le
premier long-métrage de Charlotte Colbert est raté ! Produit
par le réalisateur italien Dario Argento qui s'y connaît pourtant
tout particulièrement en sorcellerie puisqu'il fut lui-même auteur
d'une trilogie formée autour de Suspiria
en 1977, Inferno
en 1980 et tardivement conclue avec La
Terza Madre
en
2007 !
N'étant
plus tout à fait une valeur sûre du cinéma d'horreur et
d'épouvante bien que son dernier film Occhiali
Neri
ne soit pas le plus mauvais qu'il ait mis en scène voilà deux ans,
il lui arriva de produire quelques très bonnes pellicules par le
passé comme le Dawn
of the Dead
de l'américain George Romero. Mais c'était il y a bien longtemps et
aujourd'hui l'on n'est jamais certain que Dario Argento puisse encore
nous faire rêver. En tant qu'auteur ainsi qu'en tant que producteur
puisque She
Will
est une proposition de cinéma horrifique auteurisant des plus
dispensable. Disposant d'un cadre exceptionnel (celui de l’Écosse)
et de techniciens de talent (décors et photographies sont absolument
remarquables), le scénario de Charlotte Colbert et Kitty Percy est
un panier percé qui a laissé s'échapper son contenu au fil du
récit. Alors oui, She
Will
est parfois magnifique. Des extérieurs jusqu'à certaines séquences
nocturnes véritablement flamboyantes (le sabbat autour du feu)
accompagnées par l'envoûtante partition du compositeur britannique
Clint Mansell, d'un point de vue artistique, esthétique, rien à
dire, c'est presque un sans fautes. Mais pour le reste, le film de la
réalisatrice n'est qu'un pompeux exercice de style auquel d'autres
se sont adonnés avec autrement plus de talent. Une coquille vide,
voilà ce qu'est She
Will,
une œuvre abusivement adoubée par celles et ceux qui ne souffrent
certainement plus de ce cinéma adolescent et bis qu'avaient toujours
représenté les œuvres horrifiques et qui aujourd’hui et plus que
jamais veut entrer dans la cour des grands. Mais pour cela, encore
faut-il avoir les épaules larges et le dos solide pour supporter un
tel challenge. Les prétentions et les ambitions de Charlotte Colbert
collent malheureusement assez mal au conflit qui oppose l'écriture à
l'esthétique. On pourra toujours arguer que dans le domaine de
l'Elevated
Horror She
Will
est mille fois plus ''vivant'' que la merde intégrale, hautaine et
arrogante de David Lowery. Mais cela ne suffit pas pour en faire un
bon film. En général, lorsque durant la projection l'on se demande
quand va vraiment démarrer l'intrigue et qu'en consultant notre
montre (ou notre smartphone) l'on s'aperçoit que le film a déjà
commencé depuis une heure, ça sent pas très bon. Et dans le cas de
She
Will,
cela sent même très mauvais...
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