L'obsédé
(The Collector)
de William Wyler, c'est d'abord deux magnifiques interprètes, dont
les carrières respectives débutèrent sensiblement à la même
période. Deux comédiens d'origine britannique qui forment ici un
duo inoubliable. Un ''couple'' dont la bizarrerie n'a d'égal que la
puissance des échanges verbaux et comportementaux qu'ils n'auront de
cesse de multiplier l'un envers l'autre. Samantha Eggar incarne
Miranda Grey, une jeune et très séduisante étudiante en art,
entourée de très nombreux amis et qui un jour est la victime d'un
enlèvement. Séquestrée dans la demeure isolée d'un certain
Freddie Clegg, celui-ci est interprété par Terence Stamp. Avant de
devenir l'une des thématiques préférées des genres Torture-Porn
et Rape and
Revenge,
le film de séquestration coula de très beaux jours dans des œuvre
sensiblement moins portées sur l'horreur ou l'épouvante et donc
nettement plus ''raffinées''. S'exportant jusque sur le territoire
français, le réalisateur Pierre Granier-Deferre s'empara notamment
du sujet en 1975 avec l'excellent La cage
dans lequel le personnage de Julien interprété par l'acteur Lino
Ventura fut la victime de son ex-épouse Hélène (l'actrice suédoise
Ingrid Thulin) qui l'enferma dans la cave de sa demeure où elle
avait préalablement installé une cage... Dans un contexte
ornemental nettement moins sordide, William Wyler convie le public à
suivre les mésaventures d'une jeune femme tombée entre les griffes
d'un déséquilibré mental qui, incapable de l'aborder comme le
ferait n'importe quel autre homme psychiquement structuré, a choisi
de l'enlever et de la séquestrer dans un caveau attenant à la
propriété qu'il vient fraîchement d'acquérir. Reposant sur
l'ouvrage éponyme du romancier lui aussi britannique John Fowles,
l'écrivain quitte son poste d'enseignant pour se consacrer désormais
à sa carrière d'auteur. The
Collector
est son premier ouvrage et rencontre un franc succès lors de sa
sortie en 1963. Deux ans plus tard, le réalisateur William Wyler
s'approprie donc les droits du roman dont il confie alors
l'adaptation sous forme de scénario à son auteur lui-même ainsi
qu'à John Kohn et Stanley Mann.
Tout
en étant d'une remarquable limpidité dans son exécution, le récit
développe en contrepartie la relation trouble entre un homme et sa
proie. Chacun figurant l'archétype même d'un milieu social censé
ne jamais croiser le regard de l'autre. Et pourtant, sans cette
affreuse machination fomentée par l'un au préjudice de l'autre, les
deux protagonistes de L'obsédé
auraient pu passer pour un couple charmant, voire même très
glamour. Partant d'un postulat on ne peut plus embryonnaire (il
l'aime, il l'enlève. Elle veut fuir, elle le caresse dans le sens du
poil), le long-métrage de William Wyler développe tout au long du
récit la personnalité de Freddie et de Miranda. Laissant à la
pensée du spectateur le choix de faire personnellement son petit
bout de chemin à l'issue duquel les rapports, sans qu'ils ne
s'inversent jamais vraiment, permettent de temporiser le comportement
asocial de l'un et la détresse de l'autre. Au delà de la perversité
que véhicule le sujet de l'enlèvement et de l'obsession maladive
d'un homme pour une femme, il en est une autre que cultive le
scénario et à laquelle le réalisateur tarde véritablement
d'apporter une réponse définitive. Là où Freddie expose très
clairement ses sentiments l'on se demande dans quelles mesures
Miranda se joue de la fragilité de son ravisseur pour le manipuler
et ainsi pouvoir quitter sa prison dorée. D'une ampleur dramatique
et émotionnelle extraordinaire, L'obsédé
jouit en outre d'une écriture remarquable à laquelle rendent
formidablement hommage Samantha Eggar et Terence Stamp qui de leur
toute jeune carrière d'interprètes se hissent déjà au somment de
leur art. Beau et cruel, parfois glaçant mais aussi souvent (et
étonnamment) chaleureux, la beauté des sentiments, qu'ils demeurent
ou non en totale contradiction avec le statut des deux personnage,
tout permet à L'obsédé
d'afficher un caractère très particulier où le kidnappeur demeure
finalement attachant ou en tout cas, très difficilement haïssable...
Bref, en cette année 1965, William Wyler signait un authentique
chef-d’œuvre. Aussi considérable d'un point de vue
cinématographique que purent l'être quelques années auparavant
Psychose
d'Alfred Hitchcock, Le voyeur
de Michael Powell ou plus tard, Les Tueurs de la
lune de miel
de Leonard Castle...
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