I hate your guts
(également
connu sous le titre The Intruder)
est une œuvre étonnante, magistrale et donc indispensable à plus
d'un titre. D'abord parce qu'elle s'inscrit dans un style et un
courant qui l'éloignent drastiquement de ceux auxquels nous avait
habitué jusqu'ici le réalisateur et producteur Roger Corman et
ensuite parce que celui-ci signait en cette année 1962, un véritable
brûlot politique dont les engagements sont très clairement du côté
des opprimés. Une prise de risque alors insensée si l'on tient
compte du fait qu'en ce début des années soixante, il faudra
attendre encore quelques années pour que l'abolition de la
ségrégation raciale soit définitivement acquise sur le territoire
américain. Une mise en place forcément de longue haleine et contre
laquelle s'élèvent sans doute encore aujourd'hui certaines voix.
Pour mieux comprendre le phénomène à l'échelle de l'homme, Roger
Corman fait le déplacement en compagnie de l'équipe technique et
des interprètes dans le Missouri pour y tourner son film en décors
naturels dans une petite localité fictive des États-Unis. Là-bas
se concentre une population très majoritairement (pour ne pas dire
exclusivement) constituée d'hommes et de femmes blancs refusant les
lois sur l'intégration qui viennent d'être votées. En partie
interprété par des figurants du cru, certains réagissent assez mal
à la lecture du scénario. L'on ne s'étonnera pas que I
hate yours guts
soit alors empreint d'un tel réalisme. Passons sur la pléthorique
carrière de Roger Corman pour strictement nous pencher sur ce joyau
qui malheureusement ne connut pas le succès qu'il mérita lors de sa
sortie. Non pas que ses qualités fussent remises en question mais le
film souffrit d'une distribution calamiteuse et en raison de son
propos particulièrement délicat, il connut les affres de la
censure ! Alors qu'il n'est pas encore devenu le célèbre
Capitaine James T. Kirk de la nom moins populaire série de
science-fiction Star Trek,
William Shatner arrive dans la petite localité de Caxton dans le
rôle d'Adam Cramer. Vêtu d'un costume blanc et portant une paire de
lunettes et une cravate noires, l'homme se sait suffisamment
séduisant pour d'emblée apprivoiser quiconque se trouvera sur son
chemin.
Le Diable existe. Il est séduisant, machiavélique et porte les traits d'Adam Cramer...
C'est
ainsi que cet étranger plutôt affable et au discours rassurant se
fond tout d'abord au sein de la population en approchant au plus près
les personnalités les plus en vue de Caxton. Du maire Verne Shipman
interprété par l'acteur Robert Emhardt en passant par le
propriétaire du journal local Tom McDaniel (Franl Maxwell) et
jusqu'à la jolie serveuse Ella qui n'est autre que la fille de ce
dernier et qu'interprète l'actrice Beverly Lunsford. Dans un premier
temps, Roger Corman se concentre sur la population dite blanche. Le
caractère raciste s'y exprime volontiers en des termes que l'on
n'oserait plus imputer aux gens de couleur de nos jours. L'homme noir
y est effectivement traité de négro. Installé à l'hôtel, Cramer
fait la connaissance du vendeur Sam Griffin (Leo Gordon) et de son
épouse Vi (Jeanne Cooper) et le soir-même, alors que la nouvelle
loi vient d'autoriser les jeunes noirs à venir étudier dans l'école
locale jusqu'ici réservée aux blancs, Adam Cramer montre enfin son
vrai visage. ET dans le domaine, Roger Corman et le scénariste
Charles Beaumont nous ont concocté l'un des pires représentants de
l'espèce humaine. Tout d'abord décrit comme un individu à
l'opinion bien tranchée et partagée par la population locale dans
son ensemble, l'homme se révèle négrophobe et antisémite tandis
qu'il apparaîtra plus tard lâche et veule. À ce titre, William
Shatner épouse littéralement les traits de son personnage et celui
qui bientôt deviendra le pacifiste commandant de l'Enterprise se
montre pour l'instant très inquiétant. Véritable gourou révélant
la nature profondément raciste des habitants de Caxton, ceux-ci vont
marcher derrière lui et se trouver un nouveau ''courage'' afin
d'oppresser ceux qu'ils continuent de considérer comme des
étrangers. Authentiquement angoissant, I hate
yours guts
décrit une humanité sauvage et barbare, qui n'hésite pas à se
regrouper en masse lors de réunions de type Ku
Klux Klan
afin de brûler des croix ou pour lyncher l'homme noir, et même le
blanc, lorsque celui-ci ose entrer en contradiction avec les opinions
de ses voisins. Véritable uppercut, la résonance du long-métrage
demeure encore aujourd'hui fulgurante. Les scènes consacrées aux
familles noires sont par contre relativement rares. Ce qui n'empêche
pas l'émotion d'être narrée à travers les quelques occasions
qu'auront les spectateurs de découvrir à l'image ces opprimés qui
ne demandent rien de plus que d'être intégrés à la population.
C'est du Roger Corman mais bon dieu, on n'a pratiquement pas fait
mieux depuis sur le sujet. Une œuvre à voir, à méditer et à
partager...
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