Aujourd'hui, un petit
melting-pot d’œuvres horrifiques récemment découvertes et qui
valent très franchement le coup d’œil. On débute avec Mandrake,
premier long-métrage de la réalisatrice originaire d'Irlande, Lynne
Davison qui jusque là n'avait tourné qu'une dizaine de
courts-métrages et une série télévisée. De par ses origines, le
film bénéficie d'une aura dont n'aurait sans doute pas jouit une
œuvre issue d'Outre-Atlantique et dont les légendes irlandaises
nourrissent parfois l'imaginaire de certains cinéastes. Sans pouvoir
irrévocablement affirmer que la réalisatrice se soit inspirée d'un
quelconque récit issu de la mythologie gaélique, Mandrake
est
cependant parcouru de visions macabres qui n'ont d'autre explication
que la sorcellerie. L'une des particularités du long-métrage de
Lynne Davison est sa vision invariablement crépusculaire d'un récit
pratiquement dénué de tout mystère enrobant l'antagoniste. Du
moins, en ce qui concerne le caractère néfaste de son attitude.
Tout juste le spectateur passera-t-il le plus clair du temps à se
demander quels sont les enjeux pour cette vieille femme (Derbhle
Crotty dans le rôle de Mary Laidlaw) qui après avoir passé trente
années de son existence derrière les barreaux pour avoir assassiné
son mari, se lance dans des rites païens et mortifères. Le titre du
long-métrage fait directement référence à la mandragore, cette
plante légendaire de forme humanoïde couvrant un large spectre
historique et géographique. Si celle-ci n'est pas directement
évoquée bien qu'étant physiquement représentée, la sorcière en
question semble être ponctuellement accompagnée d'une créature
hybride et se rapprochant d'un croisement entre l'homme et la
végétation. DeirdreMullins incarne l'agent de probation Cathy
Madden dont le rôle va être de suivre l'ancienne prisonnière
durant son début de réinsertion. Lynne Davison ne ménage
absolument pas ses effets et ose ''tuer'' deux jeunes enfants selon
un rite obscure. Puissamment imagé, Mandrake
bénéficie d'une ambiance et de décors hypnotisant. L'atmosphère
pesante et anxiogène permet au spectateur de maintenir un certain
degré de concentration malgré un rythme relativement lent. Ce qui
paraît alors être engourdi par des choix artistiques risqués n'en
n'est que plus profitable. Le film évacue presque le concept de
héros tant chaque interprète participe à part égale au
déroulement de l'intrigue. Certains poncifs sans doute inévitables
dans ce type de longs-métrages s'invitent au sabbat. Comme le fait
que Cathy soit divorcée d'un homme (Paul Kennedy dans le rôle de
Jason) à nouveau marié et détenteur des droits de garde de leur
fils ou que la police semble être impuissante à agir face aux
événements. Notons que Derbhle Crotty incarne une Mary Laidaw
saisissante, caricature on ne peut plus crédible de la sorcière
souvent décrite dans les témoignages et romans portant sur le sujet
de la sorcellerie. Mandrake
se déguste en milieu ou fin de soirée et pourquoi pas, au beau
milieu de la nuit, seul et dans une totale obscurité. Une œuvre
dotée d'une superbe photographie, d'une bande-son prégnante et qui
prouve une nouvelle fois que la sorcellerie a encore de beaux jours à
vivre dans les salles obscures...
Après
l'Irlande, petit détour vers le Japon pour une œuvre étonnante qui
intéressera sans doute en priorité les amateurs de science-fiction
horrifique. À condition d'apprécier les films d'animation puisque
c'est bien de cela dont il s'agit ici. Réalisé par Hisayuki Toriumi
en 1987, Lily C.A.T
est un véritable objet de curiosité puisque étant inspiré par au
moins deux classiques du genre réalisés en 1979 et 1982. Le premier
d'entre eux, celui qui dans de très grandes proportions semble avoir
inspiré le cinéaste japonais, c'est Alien
de Ridley Scott. Quant au second, il s'agit de The
Thing de
John Carpenter. Certains pourront arguer que l'un s'inspira à son
époque de La planète des vampires
du réalisateur italien Mario Bava tandis que l'autre n'aura fait
qu'adapter en le modernisant sur grand écran, The
Thing from Another World
de Christian Nyby et Howard Hawks, lui-même inspiré du roman de
John W. Campbell, Who
Goes There?.
Plus que la vague de Mockbusters
réalisés dans les années quatre-vingt par d'opportunistes
réalisateurs transalpins, Lily C.A.T,
c'est du quasi copier-coller du long-métrage de Ridley Scott dans
lequel l'on retrouve un vaisseau dont les membres sont chargés
d'analyser les ressources naturelles d'autres planètes. La première
partie est par contre originale puisqu'elle se concentre sur ce que
l'on peut supposer avoir été l'objectif prioritaire des passagers
du Nostromo.
L'intrigue se déroule dans le courant du vingt-troisième siècle et
alors que les membres du Saldes
s'apprêtent
à effectuer un long sommeil en étant plongés dans un état de
cryogénie, un incident provoqué par l'impact d'un astéroïde quis'est retrouvé à l'intérieur du vaisseau remet le voyage en
question. Tous les membres sont réveillés et bientôt, l'un d'entre
eux est découvert étendu sur le sol, décédé. Visuellement, Lily
C.A.T
reprend les sombres coursives du Nostromo,
la présence d'un ordinateur de bord nommé ''Mother'', celle d'un
personnage afro-japonais dont l'apparente similitude physique avec
l'acteur Yaphet Kotto n'est sans doute pas qu'une coïncidence ainsi
que celle d'un chat. Ce qui différencie le long-métrage d'animation
de Hisayuki Toriumi de celui de Ridley Scott outre le fait qu'il
s'agisse d'un dessin animé s'inscrit dans l'absence de créature de
type xénomorphe
physiquement commune avec celle créée par le plasticien suisse Hans
Ruedi Giger la décennie précédente. Ici l'on a plutôt droit à un
monstre de type polymorphe
comme cela était le cas cinq ans auparavant avec The
Thing.
La ressemblance est frappante entre les deux classiques que le
réalisateur aime malmener et son œuvre qui outre le fait qu'il les
plagie se permet malgré tout quelques messages relativement profonds
comme l'évocation des conséquences temporelles dues à la
cryogénisation. N'étant pas féru de films d'animations, je ne
saurais comment évaluer les qualités visuelles de Lily
C.A.T. Disons
qu'il se rapproche de ce que connurent les enfants et adolescents des
années soixante-dix et quatre-vingt lorsque furent diffusés à la
télévision française les dessins animés Albator
78
& 84,
Goldorak
ou encore Ulysse 31.
Une curiosité...
Pour
finir, nous prendrons place à bord d'un vol à l'aéroport de Tokyo
pour atterrir quelques heures plus tard à plus de trois-mille
kilomètres de là sur le sol finlandais afin d'y découvrir Sauna
d'Antti-Jussi Annila. L'action se situe alors que la guerre entre la
Russie et la Suède qui débuta en 1590 vient de s'achever. Eerik,
son frère Knut et trois autres hommes sont envoyés afin de
circonscrire de nouvelles frontières entre les deux nations. Après
avoir fait une halte pour se restaurer chez un homme et sa fille,
Eerik tue le père tandis que Knut enferme l'adolescente dans la
réserve afin de la préserver de la mort. Une fois que les cinq
hommes ont repris la route, ce dernier est hanté par des visions. En
effet, il aperçoit à plusieurs reprises ce qui semble être le
fantôme de la fille qu'il enferma mais que son frère avait promis
de libérer avant leur départ. Pris de remords, Knut aimerait faire
chemin inverse mais Eerik le convainc de continuer. Après plusieurs
jours, les membres de la commission arrivent dans un petit village
situé très exactement au centre d'un marais se situant lui-même au
beau milieu de la nouvelle frontière. Eerik, Knut et les autres
décident d'y faire une halte. Pour son second-long métrage deux ans
après Le guerrier de Jade,
Antti-Jussi Annila se penche sur une partie trouble de l'histoire
scandinave et l'exploite sous un angle moins inattendu qu'il n'y
paraît puisque la guerre semble désormais devoir être l'une des
cibles du cinéma d'horreur et fantastique. À ce titre, précisons
que Sauna
n'est pas véritablement un film d'horreur à proprement parler.
Plutôt une œuvre historique dont la forme est quelque peu
horrifique effectivement. Son ambiance excessivement pesante, sa
photographie et ses décors participent également au climat délétère
auquel aucun plan ne semble devoir échapper. L'intrigue paraît
moins importante que le cadre dans lequel elle se situe. Une ambiance
moite et mystérieuse et une énigme liée à une inquiétante
bâtisse partiellement submergée sous les eaux saumâtres du marais.
Le réalisateur finlandais multiplie les zones d'inconfort. Qu'il
s'agisse des différents lieux parcourus par les protagonistes ou du
comportement de ces derniers, le film baigne dans un climat de
méfiance permanent renforcé par un grain et une colorimétrie qui
accentuent le malaise. L'ambiance mystique de Sauna
le renvoie directement vers le remarquable Black
Death
que réalisera le britannique Christopher Smith deux ans plus tard et
qui lui situait son action lors d'une épidémie de peste bubonique
au cours du quatorzième siècle. Ville Virtanen campe un Eerik
authentiquement flippant tandis que Tommi Eronen incarne son frère
Knut. Outre Viktor Klimenko, Rain Tolk et Kari Ketonen qui les
accompagne l'on retrouve Sonja Petäjäjärvi qui pour son tout
premier rôle à l'écran interprète l'androgyne Poika. Sans effets
outranciers, Sauna
s’intéresse finalement moins au contexte historique qu'il
abandonne quasiment dès l'arrivée de la commission au village qu'au
mystère qui entoure le village, ses habitants et le sauna. Sur la
base d'un scénario écrit par Iiro Küttner dont la carrière débuta
en 1992 avec l'écriture du script du Fils
Prodigue
de Veikko Aaltonen, Sauna
bénéficie de dialogues méticuleusement étudiés bien que
demeurant parfois obscures. Une œuvre qui tout comme Mandrake
se vivra dans des conditions similaires. Remarquable...
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