Avant
de devenir l'un des plus importants réalisateurs américains à
l'échelle mondiale, Brian De Palma s'est illustré à travers
quelques longs-métrages qui auront patienter des décennies avant de
pouvoir débarquer dans les chaumières. Des courts-métrages tout
d'abord, signés entre 1960 et 1966, puis plusieurs longs-métrages,
Murder a la Mod
et Greetings
en
1968, The
Wedding Party
en 1969 ainsi que Dionysus
in '69
et Hi'Mom !
l'année suivante. C'est sur ce dernier que nous allons nous pencher
dans cet article avant de revenir, pourquoi pas dans un temps
prochain, sur ses œuvres précédentes. La valeur que revêt le
quatrième long-métrage de Brian de Palma est on ne peut plus
considérable. D'abord parce que tout objet portant sa griffe est
forcément d'importance. Ensuite, parce que contrairement à la
physionomie quelque peu vieillotte de ce film de fin des années
soixante et début des années soixante-dix, celui-ci s'avère
étonnamment prophétique. Alors qu'Internet n'est pas encore entré
dans nos foyers et que les réseaux sociaux ne sont sans doute encore
dans l'esprit de certains qu'un fantasme loin d'être encore envisagé
autrement que sous la forme littéraire, Brian
de Palma
crée un personnage qui sans doute se serait merveilleusement fondu
dans l'univers du paraître où se livrent une guerre sans merci
influenceurs et autres colporteurs de bonnes et de mauvaises
nouvelles. Alors que l'on a longtemps collé à l'image de Robert de
Niro celle du cinéaste Martin Scorsese qui lui offrit parmi ses plus
grands rôles à commencer par Mean
Streets
en 1973 ou Taxi
Driver
trois ans plus tard, on peut considérer qu'après Marcel Carné et
Norman C. Chaitin, c'est bien Brian de Palma qui offrit à l'acteur
ses tout premiers vrais rôles au cinéma. Robert de Niro tourne ici
sont troisième long-métrage aux côtés du réalisateur américain
qui lui confie donc le rôle principal de Jon Rubin, jeune cinéaste
amateur, ancien vétéran de la guerre du Vietnam (il rendossera
d'ailleurs le costume de soldat qu'on lui voit porter sur le dos à
la fin du récit pour le futur Taxi
Driver),
dont l'ambition est de se lancer dans le cinéma. Une idée en tête,
le voilà qu'il fait le tour des producteurs de films pornographiques
afin d'exposer son idée. En effet, Jon vient tout juste de
s'installer dans un appartement totalement délabré. Pourquoi ?
Parce que l'une des fenêtres donne directement sur l'immeuble d'en
face où il peut épier et filmer à sa guise et grâce à sa caméra
de fortune, les activités de celles et ceux qui y vivent. L'occasion
pour Jon d'expliquer son projet consistant à filmer à leur insu ces
voisins d'en face jusque dans leur plus secrète intimité.
C'est
donc sur ce postulat de base que repose Hi'Mom !
Et par extension, sur les ambitions d'un individu en outre mythomane
s'inventant des récits dont l'un aura notamment pour but de séduire
l'une des habitantes de l'immeuble en question. Des années avant que
les chaînes de télévision se laissent aller à la dérive, Brian
de Palma se positionne en observateur d'un monde perverti par la
luxure (le quartier dans lequel s'installe Jon est gangrené par la
prostitution, les peep-shows et les cinémas pornographiques). Le
long-métrage s'inscrit également au centre du mouvement Black
Panther né
quelques années auparavant sous l'impulsion des afro-américains
Bobby Seale et Huey P. Newton. C'est ainsi que le héros intègre une
troupe de comédiens noirs qui vont très rapidement faire parler
d'eux à travers des spectacles revendiquant les droits du peuple
afro-américain. Si Hi'Mom !
a
plutôt vieilli, il conserve cependant le charme de son époque et
rejoint parfois le cinéma ''scorsesien'' dans sa vision de
l'Amérique d'alors. L'on décèle déjà la passion de Brian de
Palma pour l'emploi du slipt-screen ou ce qui deviendra rapidement
l'un de ses leitmotivs : le voyeurisme (thème qu'il magnifiera
en outre à travers le formidable Body
Double
en 1984). Hi'Mom !
s'inscrit également dans la recherche d'un cinéma du réalisme à
travers des micro-trottoirs effectués auprès de badauds ou par
l'emploi d'une caméra portée à l'épaule, rendant l'ensemble
extrêmement réaliste d'un point de vue visuel même si certaines
séquences débordant de folie viennent tempérer le propos. On pense
notamment à sa relation avec la voisine Judy Bishop qu'interprète
l'actrice Jennifer
Salt que le réalisateur avait déjà dirigé dans deux de ses
précédentes œuvres mais que l'on retrouvera surtout dans le
premier vrai classique de Brian de Palma en 1972, Soeurs
de sang !
Extrêmement à l'aise, le personnage qu'incarne Robert de Niro y
ment comme il respire avec un saisissant aplomb. Ce qui laisse
augurer des séquences absolument savoureuses comme celle lors de
laquelle il affecte de s'être trompé de personne lors d'un
rendez-vous pour pouvoir séduire la charmante Judy ou le passage
lors duquel ils conversent au restaurant. Divertissant, drôle,
politique, tourné en couleur mais aussi en noir et blanc, parfois
techniquement intéressant, Hi'Mom !
est une œuvre que tout fan de Brian de Palma se doit de découvrir...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire