Si faire l'économie de
moyens est un pari risqué et parfois synonyme de désastre
artistique, il arrive en revanche que ce choix plus ou moins
volontaire soit payant. Certains l'ont bien compris à l'image du
réalisateur Sean Lahiff dont Carnifex
est le tout premier long-métrage après une série de courts
réalisés entre 2003 et 2017. Originaire d'Australie, ce premier
film n'excédant pas les quatre-vingt sept minutes démontre que la
nature même de notre planète peut suffire à créer un climat de
tension réellement palpable. Ici, point de zombies sortant décharnés
de leur tombe, de vampires ou de loups-garou, de xénomorphe
provoquant une hécatombe au sein d'un groupe de passagers se
déplaçant dans l'espace à bord d'un vaisseau ou de famille de
cannibales vivant dans un coin reculé de la campagne américaine.
Non, Sean Lahiff préfère concentrer le récit de Carnifex
en plein cœur du Bush australien. Mais pas celui que l'on a
l'habitude de découvrir en général sur grand écran. Le film évite
les grandes plaines arides, ces formidables paysages teintés de
terre rouge que l'on pu notamment découvrir dans Wake
in Fright
de Ted Kotcheff en 1971, Mad Max
de George Miller en 1979, Razorback
de Russel Mulcahy en 1984 ou bien Wolf Creek
de Greg McLean en 2005. Le réalisateur opte pour une forêt
luxuriante et grouillante de vie et va y plonger trois principaux
protagonistes ainsi qu'un chasseur (l'acteur Brendan Rock dans le
rôle de Gary), sa chienne (Holly dans celui de Goose) et le ranger
Matt que va interpréter Darren Gilshenan. Quant aux principaux
personnages en question, il va s'agir pour Alexandra Park, Sisi
Stringer et Harry Greenwood de rendre crédible cette terrifiante
aventure nocturne qu'ils vont faire vivre au spectateur durant un peu
moins d'une heure trente ! Carnifex
rappellera sans doute à certains un autre long-métrage métrage
horrifique situant son action en plein cœur de la nature
australienne. Le Solitaire
de Greg McLean, véritable réussite et sans doute l'un des tout
meilleurs films mettant en scène un crocodile/alligator agressant
des hommes et des femmes. Carnifex,
lui, joue sur la peur de l'inconnu et de l'invisible et de la faune
sauvage. Car non seulement les bruits produits par les animaux
sauvages ont réellement un impact sur la nature auto-protectrice de
l'homme mais le fait que le film se déroule en majeure partie de
nuit et que l'identité de la créature qui rode aux alentours nous
soit scrupuleusement cachée durant une bonne partie de l'intrigue
constituent des éléments fondateurs de nos peurs les plus
ancestrales.
Le
choix du titre pourra apparaître étonnant. Et même si les plus
curieux auront la désagréable sensation qu'il trahit les origines
de la bête qui traquera inlassablement les trois protagonistes
Bailey, Grace et Ben, que ceux-ci se rassurent. Si le carnifex est
une créature qui a bien vécu sur Terre, le fait qu'elle s'est
éteinte il y a près de cinquante-mille ans permet de préserver son
identité ou du moins son apparence jusqu'aux derniers instants.
D'ailleurs, si son origine est révélée plus tôt que prévu par le
héros masculin du récit, cela n'empêche absolument pas le film de
conserver son aura très particulière. Car si les zombies n'ont
jamais défendu quiconque d'aller déposer des fleurs dans un
cimetière ou si les méfaits d'un tueur en série n'ont jamais remis
en doute l'intérêt de visiter la ville ou le petit village où il
exécuta sa basse besogne, les forêts, qu'elles soient tropicales ou
non, ainsi que leur densité et la présence de nombreuses créatures
pourtant terrestres suffisent à rebuter même certains des plus
courageux aventuriers de s'y engager de nuit. Sean Lahiff parvient
sans mal à insuffler à son œuvre un réel sentiment d'angoisse qui
perdure jusqu'à la fin. Ses interprètes sont convaincants et
expriment avec réalisme se sentiment de terreur qui naît de
l'indicible. Les effets gore sont rares mais les assauts de la
créature relativement nombreux. L'ajout de quelques personnages
secondaires comme le chasseur ou le ranger permettent d'inclure
quelques attaques de la bête tout en conservant l'intégrité
physique de notre très attachant trio de personnages que le
réalisateur tient tout d'abord à caractériser. Ce qui explique
sans doute que durant une bonne partie de l'intrigue il semble ne
rien devoir se passer. Carnifex
n'est certes pas un chef-d’œuvre mais pour un long-métrage dont
l'un des buts principaux est de foutre la trouille aux spectateurs ou
du moins les indisposer dans une certaine mesure, en la matière, le
cahier des charges est parfaitement rempli...
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