Traduisible chez nous
sous le terme Qui l'a fait ?,
le Whodunit est un
concept qui à l'origine semble être né en Angleterre à travers de
nombreux ouvrages littéraires dont ceux d'Agatha Christie demeurent
comme les plus célèbres d'entre tous. Reposant sur une structure se
répétant à l'infini, tout commence avec un cadavre dont il va
falloir identifier le meurtrier. Une sorte de cluedo dans lequel sont
conviés un certains nombre de protagonistes parmi lesquels, un
policier de réputation internationale auquel, on le sait d'emblée,
aucune énigme ne peut résister. Le Whodunit
réunira systématiquement certains critères propres au genre. Tout
d'abord, un cadre qui imposera qu'aucun des personnages ne puisse
s'en échapper avant la résolution de l'énigme. Dans le cas de
Glass Onion-A Knives Out Mystery,
il s'agit d'une île privée située en Grèce. Ensuite, des
personnages bigarrés, mais qui dans le cas de cette séquelle à
l'excellent Knives Out-À couteaux tirés
que réalisa déjà lui-même Rian Johnson, se connaissent tous pour
avoir formé un club de Perturbateurs.
La particularité de cette suite concerne tout d'abord l'enjeu du
récit puisque le richissime propriétaire des lieux, l'un des grands
pontes des nouvelles technologies Miles Bron qu'interprète Edward
Norton, vient de convier ses amis à participer à un jeu consistant
à élucider l'assassinat dont il va bientôt être la victime. À
dire vrai, le concept n'est pas tout à fait neuf puisqu'en 1976,
Robert Moore réalisa l'excellent Un cadavre au
dessert (Murder
by Death)
dans lequel le milliardaire Lionel Twain (l'acteur Truman Capote)
conviait dans sa luxueuse demeure les plus grands détectives du
monde afin de résoudre un meurtre qui allait être perpétré parmi
les convives quelques heures plus tard dans la soirée !
Les
fondations du meurtre reposent en général sur l'attitude des
invités, sur les rapports qu'ils entretiennent avec la future
victime et sur diverses justifications invoquées par le scénario
qui laissent supposer que tous ont une bonne raison d'avoir commis le
meurtre. Et c'est encore le cas ici même si l'on arguera que les
motivations sont parfois trop légères pour justifier un assassinat.
Glass Onion-A Knives Out Mystery convie
cinq principaux personnages, auxquels l'on ajoutera donc leur hôte
ainsi que le détective privé Benoît Blanc qui comme on le sait
déjà, était parvenu à résoudre l'énigme à l'issue du récit de
Knives Out-À couteaux tirés,
lequel est dans le cas présent invité par erreur, tout ce petit
monde étant accompagné d'assistants ou de proches pour un total
d'une dizaine de protagonistes. Ce qui apparaît tout d'abord comme
une évidence est le plaisir avec lequel Rian Jackson a réalisé
cette séquelle. Auteur du scénario, le réalisateur met en scène
un Whodunit
généreux, divertissant, drôle (Daniel Craig, dans le rôle de
Benoît Blanc, est impayable), doté de décors incroyables, œuvre
du décorateur Rick Heinrichs, qui donne au long-métrage l'allure
d'un Whodunit
de science-fiction situé dans un futur proche. Une hybridation des
genres étonnante qui pourtant n'oublie jamais d'aller à
l'essentiel. Parce qu'avant tout, ce qu'est venu chercher le
spectateur est une enquête crédible reposant sur des notions
solides du thriller et du film policier. Tout ceci
n'empêchant pas l'humour, Glass Onion-A Knives Out Mystery
est de ce point de vue là porté par un Daniel Craig qui cabotine à
fond.
Un
détective qui comme ses ancêtres ne se prend pas vraiment au
sérieux et en rajoute même avec, parfois, un brin d’excès. C'est
à se demander de temps en temps si Rian Johnson n'est
pas méprisant envers celui qui est ici censé représenter
l'autorité ! Et pourtant, alors que le doute subsiste,
patatras ! L'illusion disparaît et le caractère redoutablement
professionnel et aiguisé de Benoit Blanc se fait jour. Mieux,
ATTENTION SPOIL, le fameux détective résoudra le meurtre avant que
les cinquante premières minutes ne se soient écoulées FIN DU
SPOIL. Sachant que le film dure plus de cent-quarante minutes,
forcément, il y a un hic que le scénario résoudra à son tour de
manière magistrale. Sans se détourner de l'objectif principal,
revenons encore une fois sur l'humour. Ici, l'on n''est absolument
pas dans la caricature et pourtant, s'il fallait décrire l'attitude
de chaque personnage, leur caractérisation et les nombreuses
situations qui prêtent à rire, on se rendrait rapidement compte que
ces cinquante premières minutes contiennent pratiquement autant de
scènes humoristiques qu'il y a de plans. Du montage de Bob Ducsay
jusqu'à la photographie de Steve Yedlin en passant par
l'interprétation, l'écriture et la mise en scène, Glass
Onion-A Knives Out Mystery est
un pur joyau. Ce qui en revanche risque de faire tiquer certains
spectateurs se manifeste au sein même du script et de la réalisation
qui, aussi aventureux soient-ils, dénaturent et déconstruisent le
concept même de Whodunit.
Le récit semble échapper aux personnages, tous plus ou moins
caractérisés d'ailleurs (le scientifique Lionel Toussaint incarné
par Leslie Odom Jr y est tout simplement superficiel, voire...
''fantomatique'')
tandis que le récit part dans un délire assez inattendu jusqu'à un
final apocalyptique en forme de feu d'artifices qui trahirait presque
certaines faiblesses d'écriture. Mais ne boudons pas notre plaisir
car l'aventure demeure passionnante. Notons qu'actuellement le
troisième volet de la franchise pour l'instant sobrement intitulé
Knives Out 3
est en cours de développement et devrait voir le jour en 2025...
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