Nous débutons ce cycle
consacré à l'hypothèse d'attaques nucléaires à l'échelle
mondiale ou nationale avec le documentaire de Peter Watkins, The
War Game
ou, La bombe.
Un moyen-métrage d'un peu moins de cinquante minutes, en noir et
blanc et situant le début de son action sur le territoire
britannique le vendredi 16 septembre 1966. Ce jour-là, l'état
d'urgence est déclaré car l'Union Soviétique menace de faire usage
de la bombe atomique si jamais les États-Unis choisissent de ne pas
revenir sur leur décision consistant à faire usage de l'arme
nucléaire sur le territoire vietnamien afin d'en déloger
l'envahisseur chinois. Dès lors est organisée l'évacuation d'une
partie de la population de certains points supposés stratégiques
par un comité d'urgences et de conseillers qui prévoient le
déplacement de plusieurs dizaines de milliers de femmes, d'enfants
et d'infirmes qui seront relogés en lieu sûr. The
War Game
détaille point par point sous forme de docu-fiction la marche à
suivre en cas d'attaque ainsi que les conséquences d'une guerre
nucléaire engagée entre diverses nations. Sur un ton froid et
monocorde et une image en noir et blanc débarrassée de toutes
fioritures, Peter Watkins réalise une œuvre glaçante puisque
réaliste. Dans un contexte social difficile (''Les
préjugés raciaux et sociaux subsistent''.
''La pénurie de
logements et d'espace est une réalité'')
se pose la délicate question de la gestion de ces flux massifs qui à
court ou moyen terme devrait voir la migration de millions de
personnes. À travers une rigueur exemplaire, presque militaire, le
réalisateur filme des inconnus face caméra, des personnages de
fiction conscients de la présence de l'objectif afin
de souligner le caractère documentaire du projet. Il y a donc à
travers le style visuel et le naturel avec lequel les interprètes
s'agitent à l'image, un réel désir de marquer les esprits avec ce
qui n'est à ce jour encore qu'une fiction. The War Game
est construit de manière à respecter un certain ordre dans les
opérations menées par les responsables ou même dans l'attitude des
habitants qui comme dans la vie telle qu'elle est réellement, sont
parfois réfractaires au maintien de l'ordre et aux nouvelles règles
imposées par des situations telles que celle-ci.
Peter
Watkins ne choisi pas l'angle du pur divertissement auquel se
laisseront notamment aller les italiens à travers la vague de
Mockbusters
qu'ils réaliseront dans le courant des années quatre-vingt et parmi
lesquels nous retrouvâmes en outre, Les Rats de
Manhattan
de Bruno Mattei, Les guerriers du Bronx de
Enzo G. Castellari ou bien 2019 après la chute
de New York
de Sergio Martino. Des œuvres de série B souvent fauchées, mal
dirigées ou interprétées et qui d'une manière générale n'ont
absolument pas le ton éminemment sérieux du moyen-métrage de Peter
Watkins. Ce qui ressemblait jusque là à un docu-fiction à portée
éducative sur le comportement à adopter en cas de soupçon
d'attaque nucléaire va malheureusement prendre par la suite un
caractère beaucoup plus sombre et mortifère. Toujours sur un ton
monocorde et dénué de tout affect, le narrateur incarné par le
journaliste et animateur d'émissions de télévision britannique
Michael Aspel égrène ensuite froidement tous les aspects d'une
attaque nucléaire avec force images à l'appui. Le spectateur entre
alors de plain-pied dans l'horreur d'une guerre n'épargnant personne
et surtout pas ses enfants. Des images au réalisme parfois
insoutenable qui font parfois oublier qu'il ne s'agit que d'une
fiction, certes très efficace. Produit par la BBC,
The War Game
repose à l'origine sur d'authentiques drames étant notamment
survenu sur les sites de Nagasaki, Hiroshima, Dresde ou Darmstadt.
Peter Watkins brouille si bien les cartes que l'on ne sait plus ce
qui tient du réel de ce qui figure la fiction. Les badauds ne
sont-ils pas les simples témoins de leur propre ignorance lors des
micro-trottoirs directement menés par le réalisateur lui-même ou
bien participent-ils directement à cette grande œuvre pourtant
relativement courte mais qui marque profondément les esprits ?
Le futur auteur de Punishment Park
(1970) prouve d'emblée avec The War Game
qu'il est l'un des grands spécialistes du docu-fiction. Une œuvre,
réaliste, complète et qui fait froid dans le dos. Culte !
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