Avant d'évoquer la toute
première aventure du Docteur Orloff, évoquons donc cette franchise
relativement bordélique à laquelle les complétistes névrosés
rattacheront quelques œuvres qui n'ont de rapport avec elle que la
simple évocation du personnage. Tout commence en 1962 avec Gritos
en la Noche du
réalisateur espagnol Jesús Franco. Un titre qui n'évoque pas
d'emblée la présence du médecin en question. Il faudra donc tout
d'abord pour cela, se tourner vers le titre français, L'horrible
Docteur Orloff.
Trois ans plus tard, Jesús Franco reprend le personnage et
l'intègre cette fois-ci au titre original puisque ce long-métrage
datant de 1965 s’intitule El Secreto del Dr.
Orloff.
La version française, elle, fait tout le contraire de ce qu'on lui
demande et reprend le patronyme beaucoup plus célèbre d'un autre
médecin rencontré dans le cinéma d'épouvante à maintes reprises
en la personne du... Docteur Jekyll ! Ça s'appelle Les
Maîtresses du docteur Jekyll
et devinez quoi ? Pas la moindre trace du Docteur Orloff
autrement que cité à plusieurs reprises. Quant au Docteur Jekyll à
proprement parler, le prénom Henry du roman L'Étrange
Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de
Robert Louis Stevenson disparaît au profit de... Conrad !
1967. Jesús Franco abandonne un temps son ''iconique'' personnage
et laisse le champ libre à son compatriote, le réalisateur espagnol
Santos Alcocer, lequel réembauche à cette occasion l'acteur Howard
Vernon qui interprétait en 1962 le rôle titre. Plus confus encore
lorsque l'on détaille le film dans la chronologie du mythe, le titre
original de ce troisième long-métrage est El
Enigma del Ataúd (titre
se désignant littéralement sous la traduction de ''L'énigme
du cercueil'').
Et si Howard Vernon y apparaît à nouveau dans le rôle principal,
c'est sous le nom de Dam Gaillimh !
Une
œuvre qui a priori n'a rien à faire dans la franchise si ce n'est
son titre français qui opportunément renvoie toujours au même
personnage : Les orgies du docteur Orloff.
En 1970, le réalisateur français originaire du Calvados Pierre
Chevalier semble vouloir remettre les pendules à l'heure puisqu'il
réalise à son tour un long-métrage autour du personnage du Docteur
Orloff. Au choix, deux titres : Orloff et
l'homme invisible
ou La vie amoureuse de l'homme invisible.
Une fois encore, c'est l'acteur Howard Vernon qui reprend le rôle
dont le véritable nom est cette fois-ci respecté. Tout se gâte
encore davantage en 1972 lorsque Jesús Franco ose reprendre l'un des
personnages emblématiques révélé sur grand écran par l'un des
maîtres de l'expressionnisme allemand, Fritz Lang : Le Docteur
Mabuse. Créé par l'écrivain luxembourgeois Norbert Jacques et
publié sous forme de roman en 1921 sous le titre de Dr.
Mabuse, der Spieler
(Docteur Mabuse le
joueur).
Comme si les choses n'étaient pas suffisamment compliquées... Un
personnage qui fut donc sublimé par l'auteur, entre autres
chefs-d’œuvre, de Metropolis,M
le Maudit ou
encore Fury.
Un individu dont se sont d'ailleurs également emparés par la suite
d'autres cinéastes parmi lesquels Werner Klingler (Das
Testament des Docktor Mabuse,
en 1962), Claude Chabrol Docteur M,
1990) et donc, Jesús Franco en 1972 avec La
Venganza del Doctor Mabuse
(La Vengeance du Docteur Mabuse).
Dans ce film, les deux Docteurs s'affrontent. Mabuse est incarné par
Jack Taylor et Orloff, cette fois-ci par Siegfried Lowitz. Bon, nous
évoquerons les cinq autres longs-métrages dans un prochain article
puisque l'essentiel est pour l'instant d'évoquer l’œuvre
séminale...
Comme
l'officialisera Jesús Franco quatorze ans plus tard à travers sa
version de Jack
L'éventreur
intitulée Jack the Ripper – Der Dirnenmörder
von London,
il est dès 1962, difficile de ne pas voir un lien entre le plus
célèbre des tueurs en séries ayant réellement existé et le
Docteur Orloff, ce personnage de fiction imaginé par l'un des
réalisateurs les plus prolifiques du cinéma espagnol avec pas moins
de deux-cent sept œuvres dont une grande majorité de
longs-métrages. Sous divers pseudos, Jesús Franco a participé à
la gigantesque élaboration du cinéma d'horreur et d'épouvante en
signant des longs-métrages qui ne sont malheureusement pas demeurés
dans les mémoires pour leurs qualités artistiques mais plutôt pour
leur désœuvrement à tout point de vue ! Mais nous pouvons
respirer un grand coup puisque L'horrible
Docteur Orloff
n'est pas le pire de tous et peut même se vanter d'être très
recommandable pour quiconque désirerait découvrir le cinéma de cet
artisan du cinéma bis (voire Z) espagnol et se faire la main sur
l'une de ses créations. La source d'inspiration la plus évidente du
réalisateur espagnol est ici l'un des classiques du cinéma
fantastique français sorti seulement deux ans avant L'horrible
Docteur Orloff.
Il s'agit des Yeux sans visage
de Georges Franju dont Jesús Franco reprend la trame de base puisque
dans ce dernier, un chirurgien tentait de greffer la peau du visage
de jeunes femmes sur celui de sa propre fille défigurée à la suite
d'un accident de voiture. Dans le cas de L'horrible
Docteur Orloff,
Jesús Franco invoque un docteur ayant apparemment perdu tout ou
partie de la raison après que sa fille ait été atrocement brûlée
dans l'incendie de son laboratoire. La particularité du personnage
de Melissa, la fille du Docteur Orloff, est que la jeune femme est
incarnée par l'actrice Diana Lorys. Cette même Diana Lorys qui
endosse également le rôle de Wanda Bronsky, la compagne de
l'inspecteur Tanner (l'acteur Conrado San Martin) qui enquête sur
plusieurs disparitions de femmes... Filmé en noir et
blanc, le film bénéficie d'un travail sonore tantôt méticuleux,
tantôt désarmant de naïveté. Entre mélodies moog poussiéreuses
et expérimentations sonores, la bande musicale paraît parfois
étonnamment novatrice pour l'époque. Côté ambiance, le spectateur
sera servi par quelques séquences nocturnes situées dans des
ruelles mal éclairées rappelant les coins les plus malfamés du
Whitechapel
où sévit Jack l'éventreur à la fin du dix-neuvième siècle. Sans
être un chef-d’œuvre, L'horrible Docteur
Orloff est
une entrée en matière dans la carrière du réalisateur espagnol
parmi les plus recommandables...
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