Le plus français des
acteurs belges est pour le moment réapparu sur grand écran une
seule fois cette année 2023. Au fil du temps, Benoît Poelvoorde
s'est en partie affranchi du cynisme qu'il revêtait à travers
certains de ses personnages. Comme Ben, le héros tueur en série deC'est arrivé près de chez vous
dont il écrivit le scénario et qu'il réalisa aux côtés de Rémy
Belvaux et André Bonzel ou le personnage central de la série
télévisée Les carnets de Monsieur Manatane sur
CANAL+.
Si tout au long de sa carrière l'acteur belge a persévéré dans la
comédie, on a pu notamment constater son immense talent à travers
des rôles plus sombres, plus durs, plus dramatique et dans lesquels
il semble particulièrement à l'aise puisque c'est bien à travers
eux que Benoît Poelvoorde a pu démontrer ses capacités
d'adaptation. Son compatriote belge, le réalisateur Fabrice Du Welz,
semble d'ailleurs être devenu son pygmalion en lui offrant nombre
d'occasions de s'exprimer à l'écran bien que l'acteur n'ait plus
rien à prouver depuis bien longtemps. Normale
n'est pas l’œuvre de Fabrice Du Welz mais celle du français
Olivier Babinet, auteur notamment de l'étonnant Poissonsexe
en 2019, lequel renoue avec la particularité de son cinéma. Drôle,
émouvant et poétique tout en descendant tout de même d'une marche
côté folie tout en conservant malgré tout l'émotion, allant même
jusqu'à la démultiplier grâce à l'impeccable performance de
Benoît Poelvoorde et de la formidable Justine Lacroix dont la courte
carrière est inversement proportionnelle à l'étendue de ses
capacités d'interprète. Ancienne footballeuse dans l'équipe
féminine de Saint-Avold, une commune française située dans le
département de la Moselle en Lorraine, puis au FC Metz, la jeune
femme âgée de vingt ans cette année n'en est pas à son premier
rôle puisqu'elle débuta sa carrière au cinéma en 2018 dans le
rôle de Frida Messina dans C'est ça l'amour
de Claire Burger. Suivront un court-métrage, deux téléfilms et une
série télévisée avant qu'elle n'apparaisse donc dans le dernier
long-métrage d'Olivier Babine. La jeune femme y interprète le rôle
de Lucie, jeune étudiante dont la mère et décédée dans un grave
accident de moto tandis que son père souffre de sclérose en plaque
à un stade très avancé. L'un et l'autre vivent dans un appartement
de classe très moyenne...
Lucie
se concentre sur sa passion pour l'écriture et son attirance pour le
bel Étienne qu'interprète Joseph Rozé. Un étudiant lui aussi, qui
se maquille les yeux et porte des vêtements dont se moquent ses
camarades. D'abord jugé d'homosexuel, Lucie et lui vont se
rapprocher peu à peu l'un de l'autre tandis que la vie
''tranquille'' du père et de sa fille risque de rencontrer de
grandes difficultés à l'issue de leur rendez-vous à venir avec
l'assistant social, Dominique Toussaint (l'acteur Steve Tientcheu).
Entre des séquences situées dans l'enceinte de l'établissement
scolaire peuplé par des cassos de très, très haute volée, et
d'autre se déroulant au sein même du foyer que partagent le père
et sa fille, Normale est
un véritable bain de jouvence dans un cinéma français délétère
qui a urgemment besoin d'un nouveau souffle pour se reconstruire. On
parle évidemment ici de cinéma où l'humour a une place
prépondérante. Mais comme le démontre à son tour l’œuvre
d'Olivier Babinet,il semblerait que seul le mélange des genres
parvienne à redorer le blason de la comédie hexagonale. Si quelques
séquences amusent et nous arrachent des sourires polis, l'émotion
prévaut sur le reste. L'émulsion entre Benoît Poelvoorde et
Justine Lacroix fonctionne à plein régime et du haut de ses vingt
ans, la jeune actrice ne se laisse pas émouvoir par la présence de
ce vieux briscard d'acteur belge qui au fil des décennies a pris de
la bouteille pour devenir l'un des interprètes les plus essentiels
du cinéma français. Le postulat de base de Normale
pourrait paraître des plus convenu. Mais plutôt que de traiter son
sujet sous une forme strictement scolaire, le réalisateur français
originaire de Strasbourg dissémine ça et là quelques très bonnes
idées qui poétisent l'ensemble et lui donnent un cachet tout
particulier. Sur la base d'une pièce écrite par le dramaturge et
metteur en scène écossais David Craig intitulée
Le Monstre du couloir
(Monster in the
Hall),
Olivier Babinet et ses scénaristes Juliette Sales et Fabien Suarez
nous offrent un joli moment de fraîcheur, poétique, drôle et
émouvant. À voir...
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