Comment transformer une
joyeuse soirée en instant de torpeur mal assumé ? En
promettant à sa conjointe de découvrir la dernière comédie en
date du réalisateur espagnol Alex de la Iglesia, Veneciafrenia.
C'était il y a quelques jours, et j'avoue avoir été moi aussi
surpris par son contenu. Car en effet, l'auteur des excellents Acción
Mutante,
El Día de la Bestia,
La Comunidad
ou Crimen Ferpecto change
de ton et s'éloigne de la comédie trash à laquelle il s'est
attaché depuis maintenant trente années pour explorer les sombres
recoins du thriller et du slasher qui s'accouplent ici pour former un
tout relativement homogène d'où l'humour parvient malgré tout à
se faire une petite place. La conception du scénario n'est pas
strictement due à l'imagination déliro-débordante d'Alex de la
Iglesia mais à un fait-divers qui en 2019 fut à l'origine d'une
vidéo virale qui survint en 2019 et dans laquelle un bateau de
croisière hors de contrôle sema la panique à Venise en entrant en
collision avec le port MSC
Opera
ainsi qu'un bateau de tourisme, causant ainsi plusieurs blessés. Un
accident qui inspirera donc le réalisateur, au même titre que le
phénomène d’afflux touristique qui dans cette ville voit de
nombreux appartements se vider de leurs locataires au profit des
vacanciers toujours plus nombreux. Un terrain fertile pour l'espagnol
qui se voit donc à l'époque apparemment ''contraint'' d'adhérer à
la cause vénitienne en intégrant dans son récit des touristes
espagnols, héros d'un slasher certes original d'un point de vue
géographique mais néanmoins très en dessous de ce qu'à pu nous
proposer jusque là celui qui employait généralement son art dans
le domaine de la comédie noire. Filmé en pleine pandémie du
Covid-19,
Veneciafrenia
met donc principalement en scène trois femmes et deux garçons
d'origine espagnole lors du carnaval de Venise. Une période durant
laquelle les habitants de la ville portent sur le dos leurs plus
beaux atours. De quoi noyer nos personnages au beau milieu
d'autochtones tous plus menaçants les uns que les autres vis à vis
de ces étrangers irrespectueux, bruyants, venus faire la fête au
détriment de la valeur ''respect'' que l'on se doit en général de
respecter. Quelques meurtres sanglants, voire même très gore, une
mise en scène qui, comme à son habitude, ne fait pas l'économie
d'une certaine énergie, et surtout, une Venise belle mais aussi
parfois anxiogène...
Alex
de la Iglesia semble prendre le parti de ces vénitiens littéralement
envahis par le tourisme et parmi lesquels un groupe de certains
représentants ont choisi de se révolter afin de terroriser les
''envahisseurs'' et les contraindre à l'avenir de choisir un autre
lieu de destination. Le côté typiquement délirant de l’œuvre du
réalisateur se ressent moins ici que dans ses longs-métrages
précédentes. C'est à croire que lorsque Alex de la Iglesia ne
tourne pas dans son propre pays, celui-ci semble moins à l'aise.
C'est d'autant plus flagrant que son The Oxford
Murders
de 2008 était déjà porteur de faiblesses scénaristiques et de
mise en scène malgré son sujet passionnant. Ici, le véritable
héros du récit n'est certainement pas ce groupe de touristes venus
faire la fête au détriment des éventuels dangers (quelle drôle
d'idée que d'accepter de suivre cet inconnu affublé de l'inquiétant
costume d'un docteur de la peste), ni même ce groupe de terroristes
masqués beaucoup moins intéressés par les profits que pourrait
générer le tourisme que par le bien-être de leurs concitoyens.
Non, la véritable star de Veneciafrenia
n'est rien moins que la ville de Venise elle-même. Ses ruelles, ses
canaux et surtout, ce théâtre immergé, véritable fulgurance
visuelle qui renvoie à certains grands noms du cinéma fantastique,
et peut-être notamment au classique de Michele Soavi, Deliria
(chez nous, Bloody Bird),
qui sorti sur les écrans près de trente-cinq ans en arrière. Des
meurtres et des courses-poursuites entraînants. Des assassinats qui
réjouiront les amateurs de gore (la femme-pantin du théâtre
abandonné reste anthologique), une Venise et des ''indigènes''
véritablement terrifiants, deux jumeaux frappadingues, une enquête
policière bizarrement routinière, mais une fin qui déçoit. Une
conclusion moins grand-guignolesque qu'elle n'y paraît. Le
jusqu’au-boutiste réalisateur espagnol hésite... fait un pas en
arrière... et plutôt que de réveiller les mauvais démons du
terrorisme et leurs horribles exécutions mises en images préfère
en ''adoucir'' le concept. Au final, on ne crachera pas sur le
dernier long-métrage d'Alex de la Iglesia car même si en
comparaison de la plupart de ses œuvres Veneciafrenia
s'avère faiblard, il n'en demeure pas moins un sympathique
divertissement...
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