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mercredi 17 mai 2023

Himizu de Sion Sono (2011) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Comment se relever au lendemain d'une catastrophe qui a tout détruit, tué des amis ou tout ou part d'une famille, fait disparaître tous vos biens et changé radicalement le paysage ? Certains font comme ils ont toujours eu l'habitude de faire : ils continuent à se noyer dans l'alcool et battent leur fils sans raison apparente. D'autres ont choisi de relever les manches et de se remettre au travail histoire de construire des baraques de fortune à partir des vestiges du passé. Si les plus anciens tentent de donner l'exemple, la jeune Keiko Chazawa, poussée par sa passion pour la poésie et par l'attirance qu'elle éprouve envers Yuichi Sumida, fait montre d'un optimisme que même la catastrophe de Fukushima ne semble pas avoir ébranlée. Démarrant sous l'air du sublime Adagio pour cordes du compositeur américain Samuel Barber (1910-1981), la caméra de Himizu (traduisible sous le titre ''Le feu et l'eau'') traverses un champ de ruines. Un territoire dévasté par un tsunami ayant réellement eu lieu le 11 mars 2011. C'est à dire l'année précise du tournage et de la sortie dans son pays de ce long-métrage signé du réalisateur japonais Sion Sono. Une vision mortifère s'accompagnant d'un message très clair : existe-t-il encore un semblant d'intérêt à vouloir poursuivre son existence ? C'est la question que semble poser ce rêve que fait le jeune Yuichi (l'acteur Shōta Sometani) qui dans les décombres et à l'intérieur d'une vieille machine à laver à trouvé une arme. Œuvre multicouche, Himizu questionne non pas seulement sur cet état de fait qui semble miner l'état d'esprit du jeune héros au point qu'il pourrait avoir envie de s'ôter la vie mais également sur quoi faire de ce père qui le bat comme l'on fume simplement une cigarette après une longue journée de travail. Quitte à repartir de zéro, autant se débarrasser de tout ce qui pouvait entraver son existence passée. Survient alors Keiko (l'actrice Fumi Nikaidō), jeune et jolie camarade de classe de Yuichi, rêveuse, qui connaît par cœur le poème Ballade des menus propos du poète français du Moyen-Âge, François Villon.


Jeune fille apparemment pleine de vie mais qui cache des blessures similaires à celles de Yuichi. Deux âmes sœurs qui s'attirent et se repoussent comme les deux pôles d'un aimant. Ça n'est plus tant la catastrophe qui est au centre du récit que la lente désagrégation psychologique d'une partie des habitants d'un pays dans la tourmente, balayé par des vents grésillant au son des radiations nucléaires. La folie s'empare d'une partie de la jeunesse qui emploie le couteau comme seul discours. Des meurtres de masse en série, une révolte qui prend le goût et la couleur du sang. On retrouve là la patte de Sion Sono, cette maîtrise totale de la mise en scène partant d'un postulat complexe débouchant sur une œuvre ''boursouflée'' par d'innombrables sous-intrigues qui pourtant trouvent toutes leur place et leur justification. Il aura, pour cela, fallut bien deux bonnes grosses heures pour que le japonais développe un récit touffu basé sur le manga éponyme de Minoru Furuya. Au vu du contexte, on pouvait s'attendre à ce que Sion Sono fasse preuve d'un peu plus de ''pudeur'' dans sa mise en scène qu'à son habitude. Mais chassez le naturel et il revient au galop, comme on dit. Derrière cet hommage aux victimes de la catastrophe de Fukushima se cache aussi et avant tout, l'un de ces récits dont l'auteur de Guilty of Romance ou de Strange Circus est familier. Le drame est rude, cruel et parfois même, nihiliste. Sion Sono dépeint des tableaux qui parfois soulèvent le cœur, des attitudes que certains trouveront peut-être parfois hypertrophiées. Le voyage ne sera évidemment pas de tout repos. Ici, le cinéaste laisse peu de place à l'imaginaire fertile qui habite son esprit et traite le sujet avec davantage de réalisme et donc nettement moins de fantaisie. Sombre comme le sol fangeux de la baraque à bateau dont Yuichi devient le gérant au départ de ses parents, Himizu tétanise par sa vision pessimiste quasi permanente que n'arrivent qu'en de très rares occasions à contrebalancer certains passages. Comme ces séquences qui montrent une Keiko enjouée malgré les horreurs qu'elle vit au quotidien dans son propre foyer. Ailleurs, des individus se repaissent de la tragédie en faisant leur beurre sur ceux qui n'ont d'autres solution que de se laisser asservir. Mais surtout, Himizu est une formidable histoire d'amour, peu évidente à dénicher au premier abord, laquelle soulève elle aussi le cœur, mais pour des raisons bien différentes. Bouleversant, parfois choquant, entre cauchemar et romantisme, drame et thriller, Himizu prouve une fois encore l'importance du cinéma de Sion Sono non seulement à l'échelle de son pays mais aussi de la planète toute entière. Brillant...

 

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