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samedi 20 mai 2023

Guilty of Romance de Sion Sono (2011) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Décidément, Sion Sono ne cessera jamais de nous étonner. Derrière Guilty of Romance se cache le parfait descendant du remarquable Strange Circus que le réalisateur et scénariste japonais réalisa six ans auparavant. Une nouvelle fois l'on est confrontés à des personnages complexes, dont certaines valeurs morales vont être perverties par une approche du sexe et de l'amour déviants. Guilty of Romance atteint cette même intensité qu'à l'époque où son auteur osait aborder le difficile sujet de l'inceste. Il en demeure d'ailleurs ici quelques stigmates qui vont tracer la route de l'une des héroïnes féminines du récit. Car ce sont bien les femmes qui sont mises à l'honneur dans ce long-métrage fleuve disponible dans un montage original de plus de cent-quarante minutes. Une durée en forme de test de résistance au style si particulier d'un Sion Sono aux anges lorsqu'il s'agit de ponctuer son œuvre de visions sinistres, nihilistes et surtout, très graphiques. Sous forme de chapitres et intervenant à diverses échelles du temps, des destins semblent se croiser dans un univers où le sexe sans amour se tarifie selon les désirs ou les moyens du client. On pourrait pratiquement comparer le japonais à l'indo-américain M.Night Shyamalan tant les deux hommes aiment surprendre leur public en invoquant des twists parfois fort surprenants ! Chacun conservant bien entendu son propre style. Il y a dans le cas de Guilty of Romance des évidences qui sautent immédiatement aux yeux et d'autres qui n'interviennent qu'en dernier recours. Histoire de frapper une dernière fois l'esprit du spectateur qui pourtant est déjà au sol depuis deux bonnes heures. Après un premier chapitre qui honore à sa manière très lumineuse, humide et parfois ouatée tout un pan du cinéma érotique japonais des années soixante et soixante-dix, Sion Sono change le moteur qui fait avancer sa principale héroïne (l'actrice Megumi Kagurazaka, qui est également l'épouse du réalisateur, dans le rôle d'Izumi Kikuchi) dans sa passion pour son époux écrivain d'ouvrages romantiques. Employée d'un supermarché, faisant quotidiennement la promotion d'une nouvelle marque de saucisses (un signe avant coureur ?), Izumi rencontre un jour une femme qui devant la beauté de son visage lui propose de participer à une séance-photos...


Alors que Strange Circus était facilement comparable au chef-d’œuvre d'Alejandro Jodorowsky Santa Sangre, certains rapports familiaux de Guilty of Romance tendent à se rapprocher de l'univers propre à celui du réalisateur polonais Andrzej Żuławski et notamment celui de l'héroïne de La femme publique. Si ce dernier s'imprégnait du sujet entourant l'ouvrage Les possédés de l'écrivain russe Fiodor Dostoïevski, le long-métrage de Sion Sono évoque à son tour Le château du romancier austro-hongrois Franz Kafka dans lequel le héros K cherchait à entrer en contact avec les autorités d'un village sans pour autant parvenir à accéder au Château en question. Le réalisateur ne tergiverse pas longtemps sur la question du sexe en employant les grands moyens dans cette descente aux enfers enivrante où la passion et l'amour laissent la place au sexe tarifé et à la jouissance (im)pure. Comme à son habitude, Sion Sono transforme le matériau brut dont il est lui-même l'auteur et le confond à une intrigue policière mettant en scène l'inspectrice Kazuko Yoshida (l'actrice Miki Mizuno) lors d'une enquête sur la mort et la mutilation d'une femme dont nous ignorerons l'identité jusqu'au terme d'un récit foisonnant où la luxure est très explicitement décrite. À ce titre, nous retiendrons les performances corporelles du trio d'actrices principales que complétera Makoto Togashi qui interprète le rôle de Mitsuko Ozawa. Si Sion Sono semble vouloir donner une image licencieuse de la femme, la plaçant dans des postures et un désir entièrement voués au plaisir de la chair, certaines d'entre elles témoignent d'un désir beaucoup plus profond. Disparition du père, absence de contact charnel de la part de l'époux, aimé et même admiré. Photographié par Sōhei Tanikawa, Guilty of Romance projette sur le visage des héroïnes diverses lumières, selon leur état émotionnel et fait de l'authentique quartier des Love Hotels de Tokyo, un lieu de luxure qui prend toute sa mesure la nuit tombée. Entre frustration et sexualité totalement débridée, l’œuvre de Sion Sono perpétue le grand œuvre cinématographico-musico-littéraire de son auteur. Pénétrant et foisonnant...

 

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