Avec
un titre tel que Atragon
(ou Kaitei Gunkan
dans sa version originale) et vue la réputation du réalisateur
japonais Ishirō Honda, on espérait (quand certains, sans doute,
craignaient) encore un énième long-métrage incluant un ou
plusieurs monstres gigantesques. Et d'une certaine manière, c'est
bien le cas. Mais celui dont on parle dans cette œuvre sortie en
1963 et produite par la maison de production de cinéma japonaise
Tōhō
n'est pas une créature de chair et de sang mais une machine conçue
par l'homme : un prototype de sous-marin , ouvrage grandiloquent
pensé et conçu par le capitaine de la marine nationale
officiellement disparu, Hachiro Jinguji (l'acteur Jun Tazaki). L'une
des spécificités de ce sous-marin est entre autres facultés
habituelles, de pouvoir voler dans les airs. Mais l'origine de sa
conception n'est pas de sauver le monde comme l'entendent celles et
ceux qui vont faire appel au soutien du capitaine mais bien de rendre
au Japon tout son lustre et lui offrir une arme capable de défier
les pays étrangers. Ce que ne parviennent évidemment pas à
accepter sa fille Makotto (l'actrice Yôko Fujiyama) qui comme tout
le monde le croyait mort depuis vingt ans ou l'ancien amiral de la
marine japonaise Kusumi (Ken Uehara). Ils vont devoir ensemble
convaincre Hachiro Jinguji d'utiliser son puissant sous-marin face à
la menace qui gronde. En effet, l'empire Mu qui depuis douze mille
ans n'avait plus fait parler de lui depuis que son continent avait
disparu englouti sous les océans, est désormais prêt à anéantir
la planète tout entière. Écrit par le scénariste Shinichi
Sekizawa, Atragon
est à l'origine un roman écrit par Shunro Oshikawa et paru au tout
début du vingtième siècle sous le titre de The
Undersea Warship: A Fantastic Tale of Island Adventure.
Sur la base d'un récit où l'auteur évoquait les ambitions
impérialistes des concepteurs du sous-marin, le film se situe, lui,
dans le présent. Celui des années soixante puisque le film est
alors réalisé en 1963. L'aspect fantastique est propre au
long-métrage puisque les antagonistes du récit sont remplacés par
le peuple Mu, une vision alternative de la civilisation de
l'Atlantide visant le règne à l'échelle mondiale, lequel s'inspire
en fait surtout de l’Égypte des Pharaons d'un point de vue
architectural et vestimentaire...
Pressé
par la Tōhō
qui espère que le film sortira dans les salles avant les fêtes de
fin d'année, Ishirō Honda partage avec le directeur des effets
spéciaux Eiji Tsuburaya la réalisation du film afin de réduire le
temps de tournage. Atragon n'est
donc pas le Kaiju
eiga
tant espéré et ne renouvelle pas un genre auquel le réalisateur a
de toute manière déjà offert ses lettres de noblesse. Oh, il y a
bien une créature gigantesque du nom de Manda dont il s'agira ici de
la première apparition à l'écran mais ce serpent des mers demeure
sans doute comme l'un des Kaiju
les plus ridicules qui aient été présentés sur grand écran et ne
sera visible que très peu de temps. On a droit aux sempiternels
journalistes, aux enquêteurs de la police nationale japonaise, aux
militaires, mais aussi à un espion du peuple Mu qui se fond
malheureusement assez mal parmi les hommes, grillant sa couverture
auprès des spectateurs après seulement quelques secondes. On a
droit à une séquence d'archives expliquant les origines de la
civilisation Mu à travers quelques photogrammes maladroit comme
l'emploi d'une image montrant très clairement les fameux gardiens de
l'Île de Pâques. Rien à voir donc avec ce peuple de muans tout à
fait fantaisiste. Côté destructions de masse, Atragon
se
révèle désespérément rachitique, ne se donnant parfois même pas
la peine de mettre en scène les attaques du peuple Mu. Le film
emballe l'idée d'une double destruction ayant visé les villes de
Hong Kong et de Venise sans autre forme que celle du monologue !
Autant dire que la déception est grande. D'autant plus que Ishirō
Honda nous assène encore et toujours ces séquences de célébrations
lors desquelles l'on découvre un peuple prier devant la
représentation symbolique de la créature qui les protège. Ici, le
concept se traîne sur la longueur et devient rapidement pénible
malgré le soin apporté aux décors et aux costumes. Bref, en se
voulant quelque peu original et en renouvelant vaguement le concept
du Kaiju eiga tout
en ne lui consacrant qu'une toute petite partie du récit,
Atragon
s'avère parfaitement anecdotique...
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