Qu'ils soient de droite,
de gauche, qu'il s'agisse de politiciens, d'un maire, d'un
député-médecin, tous passent à la moulinette dans ce qui demeure
l'une des charges les plus virulentes de Jean-Pierre Mocky. Bien
avant que sa carrière ne s'effondre d'un point de vue qualitatif, le
réalisateur français signe en 1974 avec Un linceul n'a pas de
poches
une jolie réussite dans laquelle il tient le rôle principal de
Michel Dolannes, journaliste pour qui toute vérité est bonne à
dire. Même au risque d'y perdre son boulot ou la vie. Entouré d'une
belle brochette d'interprètes parmi lesquels l'on retrouve notamment
Jean-Pierre Marielle, Jean Carmet, Michel Constantin, Michel
Serrault, Michel Galabru, Michael Lonsdale ou encore Daniel Gélin,
l'acteur/réalisateur/scénariste s'entoure également de quelques
interprètes féminines. Telle Myriam Mézières qui interprète
Myrrha Barnowski, secrétaire russe débarquant en plein tourbillon
et travaillant désormais aux côtés de Michel Dolannes ou l'actrice
et mannequin Sylvia Kristel, connue pour avoir tenu le rôle
d'Emmanuelle dans le célèbre film érotique éponyme de Just
Jaeckin la même année. Jean-Pierre Mocky profitera de la présence
de la jolie néerlandaise pour la désaper devant l'objectif de la
caméra à plusieurs reprises. Mais là n'est pas l'essentiel puisque
Un linceul n'a pas de poches s'intéresse
avant tout à la corruption qui gangrène notre pays jusqu'au sommet
des institutions. Et à ce titre, Jean-Pierre Mocky ne prend pas de
pincettes et fonce dans le tas en évoquant le chantage, la censure
et autres menaces afin de faire plier le journaliste qui ne se
laissera cependant pas dicter son comportement. Même au péril de
son existence. Poursuivi par des hommes de main, trahi par son nouvel
employeur, Monsieur Laurence (Daniel Gélin) et par le syndicaliste
Culli (Michel Constantin), Dolannes va dénoncer par l'entremise de
son nouvel hebdomadaire Cosmopolite
les
avortements pratiqués clandestinement par le député-médecin
Carlille (Jean-Pierre Marielle) et qui ont déjà fait trois victimes
ou le meurtre d'un cheminot par le maire de la ville après que
celui-ci ait couché avec le fils de ce dernier âgé de seulement
quatorze ans !
Avec
l'aide du scénariste et dialoguiste Alain Moury, Jean-Pierre Mocky
adapte le roman de l'écrivain américain Horace McCoy No
Pockets in a Shroud
édité en 1937 sur le territoire américain et qui chez nous fut
publié dans la collection Série
Noire
neuf ans plus tard. Si Un linceul n'a pas de
poches
reprend une bonne partie des enjeux du roman, il diffère sur
certains points. Situant logiquement son action aux États-Unis, No
Pockets in a Shroud évoquait
notamment un groupuscule d'extrême-droite formé autour de notables
dont les méthodes furent proches de celles du Ku
Klux Klan. Évocation
d'un suprémacisme blanc qui disparaît donc du long-métrage au
profit d'une société ne naviguant plus au cœur des années trente
mais quarante ans plus tard sur le sol français. À égale distance
de sa dénonciation des politiques, du sport et des médias
corrompus, le réalisateur évoque également la liberté de la
presse et d'expression, ici, muselée par des politiciens à travers
de juteuses promesses financières et aborde le sujet de la
pédophilie à travers ce maire qui coucha avec un adolescent avant
de faire tuer le père du jeune garçon. Habitué du genre et
endossant une fois de plus le costume du héros cherchant à dénoncer
l'hypocrisie de la France à l'époque ou Valérie-Giscard d'Estaing
était au pouvoir, Jean-Pierre Mocky signe une œuvre très
ambitieuse dont la durée (plus de deux heures) étonne. Un
linceul n'a pas de poches demeure
au sommet d'une carrière bordélique où le meilleur se confondait
souvent avec le pire mais au cœur de laquelle, jamais le réalisateur
ne fit le moindre compromis. Alors, bien sûr, le film n'est pas
dénué de défauts. À commencer par ces troisièmes-rôles
incapables d'aligner deux phrases sans regarder l'objectif de la
caméra ou cette post-synchronisation généralement imparfaite. Mais
que faire de ces menus défauts qui furent nettement plus visibles
dans d'autres circonstances et qui ici s'effacent au profit d'un
récit sous haute tension dont le dénouement est d'ors et déjà
écrit. Coup de chapeau à Jean-Pierre Marielle qui interprète un
député-médecin bien pourri et à quelques séquences rondement
menées...
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