Petite mise au point :
il est possible (mais peu probable) que le terme ''chef-d’œuvre''
se glisse une ou plusieurs fois entre les lignes qui vont suivre. Ce
qui pour certains paraîtra fort approprié (et là je m'adresse à
celles et ceux qui savent que derrière Vincent Dawn se cache
l'immense Bruno Mattei) sèmera le doute dans l'esprit des autres.
Autant dire, ceux qui ne connaissent du réalisateur, pas même ses
œuvres les plus (re)connues. Pour aller à l'essentiel, citons par
exemple, Virus Cannibale
ou Les rats
de Manhattan.
Derrière le titre Trappola
Diabolica,
lequel ne laisse aucun doute sur ses origines transalpines, se cache
la suite de l'un des films les plus célèbres de Bruno Mattei,
Strike
Commando...
Avant-propos : si vous ne savez pas ce qu'est un Nanar, je vous
conseille de vous reporter aux nombreux articles qui circulent sur le
sujet pour vous faire une idée très précise de ce à quoi il faut
s'attendre lorsque l'on s'y jette les deux pieds en avant. Après, je
peux vous donner une idée toute personnelle du genre même si elle
pourra prêter à polémique. Mais pour faire court et selon mes
propres critères, un Nanar est une œuvre généralement fauchée
qui par ses nombreux défauts mais aussi par son sérieux assumé en
font un film irrésistiblement drôle. Souvent mal doublé,
interprété et réalisé ''à l'arrache'', son auteur y met
cependant généralement toutes ses tripes. Ah ! Élément très
important qui permet de différencier le Nanar du Navet. Si ce
dernier fait souvent l'objet d'un ennui voire d'un rejet
rédhibitoire, le premier, lui, procure un immense plaisir. À
réserver tout de même en priori aux amateurs de Bis et donc de
séries B, voire pour les plus courageux, de séries Z... L'une des
particularités des Nanars (et notamment ceux qui proviennent
d'Italie) demeure dans le fait qu'il est très souvent judicieux de
les découvrir doublé en langue française. En effet, à film fauché
est souvent réservé un doublage à la hauteur de nos espérances.
Et autant dire que dans le cas de ce genre de long-métrage, il est
rare que le public français soit déçu ! Bon maintenant,
revenons à Trappola
Diabolica.
Réalisé très exactement au beau milieu de la carrière de son
auteur, la suite de Strike
Commando
démarre par une séquence étonnante. Non pas dans le fond mais dans
la forme. En effet, nous y découvrons l'acteur irlandais Richard
Harris dans le rôle du Major Vic Jenkins baignant avec ses hommes
dans des marécages alors qu'une pluie de bombes explose autour
d'eux. Rien que de très banal me direz-vous ? Mais déjà se
pointe tout le génie de Bruno Mattei, lequel nous fait bénéficier
de dialogues entre les soldats tandis que la scène se déroule au
ralenti. À lire ça n'a l'air de rien, mais à découvrir sur son
écran, ce détail s'avère très amusant...
Nous
pouvons tout d'abord constater une chose : L'image est plutôt
de bonne facture et le film semble s'éloigner des canons du genre
Nanar. Pour sa dixième apparition sur grand écran, Brent Huff prend
la place de l'acteur Reb Brown dans le rôle du sergent Michael
Ransom. Avant cela, on a pu notamment le découvrir dans Gwendoline
de Just Jaeckin ou Americain
Ninja
de Emmett Alston. Dans cette séquelle, le héros est chargé de
retrouver le Major Vic Jenkins qui vient d'être enlevé par des
ravisseurs qui exigent une très forte somme d'argent sous forme de
diamants. On constate ensuite assez rapidement que Bruno Mattei
retombe dans l'un des travers qui firent sa renommée : sa
propension à piller chez les autres ce que son manque ''partiel''
d'inspiration lui dicte. Ne nous fions cependant pas à l'affiche qui
promet un film de guerre puisque Trappola
Diabolica (ou
Mission
Suicide : Strike Commando 2)
ressemble davantage à un film d'action bourré de gunfights et de
combats au corps à corps ! Maître incontesté du pillage, donc
(Virus
Cannibale
s'employait de manière compulsive à reprendre certaines des
séquences emblématiques du chef-d’œuvre de George Romero Zombie
et ce, jusqu'à reprendre également la bande-originale du groupe de
rock progressif italien The
Goblin),
Bruno Mattei commence très fort en s'accaparant l'une des plus
célèbres séquences des Aventuriers
de l'arche perdue
de Steven Spielberg. Scène durant laquelle l'actrice Karen Allen
dans le rôle de Marion Ravenwood) participait à un concours de
boissons alcoolisées dans un bar népalais. Dans le cas présent,
c'est au tour de l'actrice Mary Stavin
de
se mesurer à un autochtone (l'action se déroulant aux Philippines)
lors d'une séquence qui ne laisse aucun doute sur celle qui inspira
le réalisateur italien. Et ça ne s'arrête pas là puisque débarque
ensuite un binoclard à lunettes rondes cette fois-ci accompagné par
des ninjas en lieu et place des soldats nazis d'origine ! Autre
source d'inspiration de Bruno Mattei : Predator
de John McTiernan. Sorti un an après, l’œuvre du réalisateur
italien n'hésite pas un instant à s'inspirer du chef-d’œuvre du
cinéaste américain. Pour exemples : Rosanna Boom (Mary Stavin,
donc) et Ransom se traînent à quatre pattes dans les fougères de
la forêt jusqu'à arriver dans les hauteurs d'un camps de
mercenaires retenant en otage le major Vic Jenkins. Une technique
d'approche employée un an auparavant par le major Alan ''Dutch''
Schaefer (Arnold Schwarzenegger) et ses hommes dans Predator.
Mais si un seul doute devait subsister, ce qui se produit une fois
l'otage libéré vient confirmer que Bruno Mattei a bien plagié le
long-métrage de John McTiernan. En effet, quelques instants plus
tard, le Major Vic Jenkins demande à Ransom de lui tourner le dos
et plante la lame d'un couteau dans l'abdomen d'une araignée qui
s'apprêtait sans doute à inoculer son venin dans le corps de notre
héros. Un quasi copier/coller d'une séquence visible dans Predator
et où une araignée remplace un scorpion, Bruno Mattei allant
jusqu'à demander à Richard Harris d'écraser ensuite la bestiole
comme le fit en 1987 l'acteur Carl Weather ! On pourrait
continuer sur le sujet puisque le film pille également le Rambo
2 de
George Pan Cosmatos. Mais bon...
S'il
fallait ensuite compulser la totalité des invraisemblances qui
émaillent le récit, ça n'est pas un article qu'il faudrait
consacrer à Trappola
Diabolica mais
bien un ouvrage tout entier. Des exemples ? Revenons à la
séquence située dans le bar : alors que Rosanna participe au
concours de boissons, Ransom, accoudé au bar, planque les diamants
au fond d'un verre rempli d'alcool. Alors même que le type à
lunettes n'est pas encore apparu à l'image. Notre héros portant
fièrement le cigarillo aux bords des lèvres aurait-il pressenti
l'arrivée prochaine de l'antagoniste du récit ? Ransom
serait-il doté d'une faculté d'omniscience ? Plus tard,
lorsque le Major vient d'être libéré, lui et Ransom quittent le
camp ennemi accompagné d'un otage. Ce dernier parvient à leur
échapper, dévalant en courant une pente, laissant sur place les
deux hommes. Une fois en bas, l'homme atterrit aux pieds de...
Jenkins. Oui, on parle bien du Major qui en toute vraisemblance est
donc capable de se téléporter d'un point A à un point B en à
peine une poignée de secondes. Ces défauts, innombrables, qui
peuvent paraître rédhibitoires participent en fait du charme de
Trappola
Diabolica.
C'est d'ailleurs tout ce qu'on demande au film. Comme ces doublages
en langue française, à se pisser littéralement dessus, je vous
jure. Brent Huff semble avoir été doublé par un adolescent
cherchant à dissimuler la mue de sa voix en tentant de descendre
dans les basses. En réalité, le doubleur cherche d'abord à imiter
la voix française officielle de Sylvester Stallone (Alain Dorval)
avec pour effet, un résultat qui frise le ridicule. Mary Stavin joue
comme un pied, emploie un langage de charretier et n'a pas le dixième
de l'élégance de Karen Allen. Pauvre Brent Huff qui mastique et
triture en permanence son cigarillo en se la jouant ''Clint Eastwood
période Wester sphagetti'' sans avoir un brin de charisme. Même
lorsqu'il manque de se planter la gueule en pleine forêt, Bruno
Mattei ne s'embête pas à retourner la scène. À quoi bon puisque
de toute manière rien ne pourra agrandir le peu d'aura que dégage
notre héros. Quant à Richard Harris, le pauvre lui aussi, c'est à
se demander si l'acteur n'aurait pas choppé la dysenterie tant il
semble psychologiquement et physiquement absent lors de la plupart
des séquences qui le mettent en scène. Bref, vous l'aurez compris,
Trappola
Diabolica est
un authentique Nanar sur lequel nous pourrions nous épancher durant
des heures. Mais mieux que les mots, laissez-vous plutôt porter par
le son et l'image...
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