Jusqu'à aujourd'hui, la
réalisatrice française Céline Devaux était l'auteur d'une poignée
de courts-métrages. La jeune femme débutait donc sa carrière sur
grand écran l'année passée avec Tout le monde aime Jeanne...
Un titre qui aurait pu être prophétique si seulement ce premier
long-métrage n'était pas parcouru d'aussi nombreux défauts. Car si
effectivement l'on appréciera peu ou prou Blanche Gardin qui
interprète la Jeanne en question, la mise en forme de cette première
incartade pour l'actrice dans l'univers de la réalisatrice déçoit
quelque peu. Sans attendre de l'humoriste qu'elle y déploie tout son
talent pour le trash et le décalé qu'on lui connaît et sans même
espérer qu'elle y tienne LE rôle de sa vie, on reprochera surtout à
Céline Devaux d'avoir tardé à exploiter ses capacités puisque
durant cinquante bonnes minutes et même peut-être davantage, le
personnage qu'incarne Blanche Gardin ne fait rien d'autre que subir
son entourage et reste désespérément muette. Il faudra donc lors
d'une très large partie du long-métrage se farcir une succession de
séquences sans intérêt ou presque. L'arrivée inespérée de
Laurent Lafitte dans le rôle de Jean n'étant pas encore tout à
fait synonyme d'espoir. Rencontre inopinée entre une jeune femme
dont l'entreprise environnementale a fait faillite et Jean, un ancien
camarade don Jeanne n'a apparemment conservé aucun souvenir. Un
cleptomane à la philosophie de vie très particulière mais non
dénuée d'une certaine rationalité. Sauvé in extremis dans ses
derniers retranchements, Tout le monde aime
Jeanne
prend toute sa saveur lorsque Blanche Gardin ''ose'' enfin
s'exprimer, laissant de côté le mutisme dans lequel la plongeait
jusque là son personnage. Sans être véritablement avare en
paroles, le long-métrage exploite en fait les failles de son héroïne
dont les signes de la dépression s'expriment justement à travers
ses silences et son apparente inaptitude au bonheur...
L'on
découvre alors ce qui taraude véritablement Jeanne. Non pas
seulement ce projet écologique qui s'est effondré mais aussi et
surtout, la disparition de sa mère. Plongeant sa principale
protagoniste au sein d'une œuvre finalement peu divertissante,
l'action est surtout plombée en raison d'une voix-off (celle de
Céline Devaux elle-même) relativement crispante et de passages
animés qui n'apportent absolument rien au récit. Celle dont on
attendait sans doute un peu trop les dérapages verbaux abandonne son
statut d'humoriste caustique au profit d'un Laurent Lafitte qui
déborde de théories fumeuses mais non moins amusantes. Si la forme
est agaçante (l'intégration permanente des animations commentées
par la réalisatrice), le fond s'avère au final parfois
miraculeusement convaincant. Reste que Céline Devaux s'appesantit
avec un peu trop d'application sur son concept, lequel rompt sans
cesse avec la linéarité du récit. Si à l'origine l'idée est
plutôt séduisante, le résultat n'atteint pas le degré d'intérêt
sans doute espéré par la réalisatrice. Tout
le monde aime
Jeanne
semble pourtant avoir majoritairement conquis le public et les
critiques. Le film a cependant le cul entre deux chaises. Et même
entre trois ! D'un côté, le comportement neurasthénique de
Blanche Gardin qui, à force d'apparaître lymphatique, pourra
contaminer une partie du public lui-même. De l'autre, un Laurent
Lafitte savoureux en ''parasite'' exploitant les failles du système.
Et enfin, comme dit plus haut, l'insertion de scénettes animées qui
rompent un peu trop régulièrement le récit... Original, curieux,
mais au final assez peu satisfaisant...
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