Libération titrait
récemment ''Nuit bleue, Peste brune'' quand la gauche (extrême)
dénonçait de son côté et à la suite du match France-Maroc, des
ratonnades dans plusieurs villes françaises. Si Orange
mécanique
de Stanley Kubrick se voulait une vision pessimiste et pourtant ô
combien réaliste du monde de ''demain'' (nous sommes alors en 1971),
quatre ans plus tard, et à une toute autre échelle, Yves Boisset
signait un Dupont Lajoie
qui quarante-huit ans après sa sortie dans les salles françaises se
ferait encore l'écho d'actes (certainement) et de fantasmes (plus
sûrement) d'une partie de la politique hexagonale friande de tout ce
qui peut permettre à ces détracteurs de l'autre parti de l'extrême
(droite) d'appuyer là où ça fait mal. Pas au portefeuille, non.
Encore moins au garde-manger. Mais à ces femmes et ces hommes qui
craignent pour leur avenir et burent il y a encore quelque mois,les
paroles idéologiques d'un certain Eric Zemmour ! Dupont
Lajoie
où la théorie du triple R
selon laquelle le français est Râleur,
Raciste
et Ringard !
Se plaignant de tout, et surtout de la présence des noirs et des
arabes auxquels on osait à l'époque sur grand écran doter de
''sobriquets'' qui aujourd'hui feraient scandale, faisant ainsi
bander ceux qui montent au créneau dès que la parole dépasse plus
ou moins la pensée ! Ringard, oui ! Car si chacun à bien
sûr le droit de passer ses vacances comme il l'entend, Yves Boisset
décrit une France plus ou moins prolétarienne qui vit d'habitudes
auxquelles elle ne déroge jamais. Une France entre blancs,
ritualisant la consommation d'alcool et de charcuterie, retrouvant
ses semblables au camping lors du banquet annuel dressé sur trois ou
quatre tables en formica posées côte à côte...
On
y constate entre deux gorgées de rouge ou deux bouts de saucisson
l’afflux des étrangers qui dérange moins la jeunesse que les
ancêtres ancrés dans leurs bonnes ou mauvaises habitudes de
français moyens. Une France que certains voudraient nous faire
croire être revenue en force en 2022 à l'heure où Avatar
2 : la voie de l'eau
inonde (sans mauvais jeu de mots) les écrans de cinéma hexagonaux !
Meuh non, le monde a changé. Drame ordinaire qui semble plus souvent
toucher les couches populaires, la seule erreur qu'ait commise
Brigitte Colin (Isabelle Huppert, alors âgée de vingt et un ans)
est d'avoir voulu se mettre à l'écart des festivités estivales du
camping ''Caravaning
Beau-soleil''
pour prendre le soleil dans un champ. Passe alors Georges Lajoie
(Jean Carmet), cafetier parisien libidineux, époux de Ginette
(Ginette Garcin) et père de Léon (l'acteur Jacques Chailleux qui un
an auparavant interprétait le rôle de l'ex taulard Jacques Pirolle
dans le film culte de Bertrand Blier, Les
valseuses).
Ce bon père de famille s'approche de la jeune femme et tente un
baiser, une caresse qui malheureusement finiront mal. Et quelle
meilleure occasion y-a-t-il pour ce français moyen xénophobe que
d'aller déposer le corps de Brigitte près d'un campement abritant
des immigrés d'origine maghrébine ? On devine alors la suite.
Ce relent de racisme qui transpire quasiment à chaque plan, de la
séquence d'ouverture dans le café des Lajoie, en passant par ce bal
populaire lors duquel aura lieu une rixe entre ces ''bons français''
et des arabes venus simplement participer à la fête et jusqu'à
cette expédition punitive dont on sait déjà que ceux qui en seront
les victimes ne sont pas les véritables coupables...
Dupont Lajoie
passe l'épreuve du temps tout en collant véritablement à son
époque. Image d'une carte postale un brin désuète, voire ringarde
d'une population qui une fois l'an se regroupe en troupeau amoncelé
sur un terrains envahi qui par des caravanes, qui par des tentes. Une
communion de mœurs et de ''petits''
esprits où l'on retrouve notre famille de cafetiers, certes, mais
également un huissier de justice (excellent Michel Peyrelon), un
couple de vendeurs de sous-vêtements (Pascale Roberts et Pierre
Tornade dans le rôle des Colin, les parents de la victime) ou un
excité du bocal, causeur d'embrouilles, regrettant sans doute la
''grande époque'' de la Guerre d'Algérie (génial Victor
Lanoux) ! Tout ici est pourri dès lors que l'on affiche ses origines
françaises. L'italien ou le pied-noir ne sont ici pas au centre du
sujet, servant surtout à temporiser la situation. Comme quoi, hein,
on peut être raciste mais se faire des amis parmi des personnes
issues de l'immigration. Tout est pourri, donc, comme en témoignent
les représentants de l'autorité intervenant lors du bal. Et puis,
il y a ces quelques personnalités du monde de la justice ou du petit
écran qui viennent se greffer au récit : Jean Bouise, dans le
rôle de l'Inspecteur Boulard, rare français de ''souche'' comme
l'on dit, décrit de manière positive par le réalisateur puisque
lui seul parmi ''ses semblables'' cherchera véritablement à faire
la lumière sur ce fait divers sordide (mais jusqu'à quel point?).
Quant à Jean-Pierre Marielle, égal à lui-même et aussi
savoureusement opportuniste que délicieusement hypocrite, en
animateur tantôt affligé par la mort de la jeune Brigitte, puis
s'assurant d'être plein cadre devant la caméra lorsqu'il présente
ses condoléances aux parents de la victime, mais sachant entre ces
deux séquences reprendre son ton d'animateur (il incarne Léo
Tartaffione et présente le jeu ''Inter-camping'').
Et puis, tout part en vrille et l'humanité montre un visage emprunt
de bêtise et de bestialité... jusqu'à ce que la politique s'en
mêle, comme de bien entendu... En somme, rien d'inattendu ou
d'inédit. Yves Boisset signait là l'un de ses longs-métrages les
plus marquants. Une œuvre glaçante, réaliste et parfois
embarrassante que l'on rangera notamment aux côté de Le
Prix du danger,
Canicule
ou encore Radio Corbeau
pour ne citer que ces quelques exemples d'une filmographie
exemplaire...
Film très caricatural et idéologique, style qui a depuis fait florès et on voit où se trouve le cinéma français à l'heure actuelle : au niveau de son école, c'est-à-dire dans le caniveau...
RépondreSupprimerLe tag c'est "Années 70".
En tous cas, voila un film qui n'a rien à craindre de la "cancel culture" des "woke", ce doit même être leur maître-étalon et le film de chevet de Camélia Jordana... MDR
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