Il y a deux ans sortait
sur les écrans le second long-métrage du réalisateur irlandais
Lorcan Finnegan, Vivarium.
Une œuvre pleine de promesse qui au final se fit intellectuellement
moins pénétrante que prévu. Un film au concept inédit dont le
principal défaut entrait directement en corrélation avec l'un de
ses principaux objectifs. L'on y découvrait un couple s'installant
dans un immense (et sinistre) lotissement flambant neuf, le couple
devenant ainsi prisonnier des lieux sans pouvoir jamais s'en
échapper. Un espace en forme de boucle infinie que l'on pouvait
matérialiser sous le symbole ''∞'' créé par John Wallis en 1655
(apparu pour la toute première fois dans l'ouvrage ''De
sectionibus conicis'').
Un cauchemar qui allait malheureusement se révéler être redondant
et décevoir toutes nos attentes. Si Lorcan Finnegan fut l'auteur du
scénario aux côtés de Garret Shanley, ce dernier sera seul en
charge de l'écriture du script de son nouveau long-métrage Nocebo.
L'irlandais passe un cap. Non pas celui de l'originalité puisque de
ce point de vue là, tous les espoirs sont permis à travers un récit
qui une fois de plus n'imite pas le voisin mais s'approprie diverses
thématiques pour les faire siennes. Sans qu'il n'y perçoive la
complaisance latente qui parfois peut pourrir la matière même d'un
récit, Lorcan Finnegan vise la fusion entre horreur épidermique,
épouvante mystico-ethnique et drame social. Nocebo
déploie une histoire comme les éléments d'un puzzle renversés sur
une table avant que celui-ci ne soit reconstitué. L'on imagine alors
le travail d'écriture de Garret Shanley et la composition du montage
de la part de Aaron McGurgan et Lara Stewart. Une complexité
apparaissant si fluide à l'écran que le récit en gagne en
intensité ainsi qu'en clarté. Nul besoin pour le spectateur d'aller
chercher telle ou telle clé enfouie dans la tête du réalisateur ou
du scénariste. Tout est limpide et révèle la perversion et la
cruauté du drame qui se déroule sous nos yeux. Mais quelles sont
donc les surprises que nous réserve le film de Lorcan Finnegan. Et
surtout, est-il parvenu cette fois-ci à atteindre son but jusqu'à
l'ultime seconde ?
La
réponse à cette dernière question est oui, sans conteste. Si
Vivarium
s’essoufflait sur la longueur, Nocebo,
lui, parvient non seulement à maintenir l'intérêt jusqu'au bout
mais se permet d'accentuer au fil du récit la tension qui s'installe
au sein de la famille de Christine, jeune femme interprétée par
l'actrice Eva Green, en mode conceptrice de vêtements pour enfants
atteinte d'un mal que les médecins semblent être incapables de
soigner. L'irlandais nous épargne d'ailleurs toute séquence
parasite située dans un quelconque cabinet de médecin et intègre
presque immédiatement cette jeune philippine venue ''soulager'' la
mère de Bobs (Billie Gadsdon) et épouse de Felix (l'acteur Mark
Strong). Le film entre dans le vif du sujet et l'on comprend assez
rapidement que le réalisateur ne vise très clairement pas l'humour
familial mais plutôt ces drames du quotidien qui peuvent en un
instant chambouler une existence. [!!!ATTENTION SPOIL!!!] :
Pour la faire courte, lorsque les éléments sont en grande partie
rassemblés, on comprend que dans ses grandes lignes, Nocebo
se rapproche sensiblement du chef-d’œuvre de Brad Anderson, The
Machinist.
Mais alors que le réalisateur américain embrassait folie, remords
et ''conspiration'', l'irlandais, lui, implique des concepts faisant
appel au fantastique. Légende originaire des Philippines, pratique
comparable au vaudou, l'on pourrait réduire le long-métrage de
Lorcan Finnegan à une vague histoire de sorcière, de démon ou de
possession alors que Nocebo
est bien plus que cela. Quelques visions horrifiques venant émailler
l'intrigue pourraient n'apparaître qu'accessoires alors qu'elles
sont des éléments essentiels qui permettront au récit de prendre
tout son sens. Que les flash-back nous fassent craindre une vérité
plus cruelle que celle de la simple implication de la magie au cœur
du récit est une certitude. Pour le malheur des protagonistes mais
surtout, pour le bonheur du spectateur qui entrevoit ce que veut
alors nous raconter Lorcan Finnegan...
Œuvre
somme réunissant divers courants, le public français n'aura sans
doute pas la chance de découvrir le film sur grand écran comme cela
fut pourtant le cas en Irlande dès le 9 décembre dernier. Une
erreur de jugement qui comme avant lui toucha, au hasard,
l'incroyable Prédestination
de Michael et Peter Spierig en 2014. Si aucun écho ne semble avoir
résonné sur une hypothétique sortie du film, pour son malheur,
Nocebo
aurait de toute manière été probablement programmé quasiment à
la même date ou aux alentours que celle du mastodonte Avatar
2 : la voie de l'eau
de James Cameron. Pourtant, si un film, un seul, mérite de ne pas
être mis sous le tapis de l'indifférence, c'est bien celui de
Lorcan Finnegan. Irréprochable jusque dans sa tension permanente,
l'effroi qu'il génère aux moments fatidiques, son impeccable
interprétation (Eva Green et l'actrice et chanteuse philippine, Chai
Fonacier), sa mise en scène au cordeau, son scénario imparable, son
message social très contemporain mais jamais démagogue, Nocebo
assène des visions proprement cauchemardesques que son public n'est
pas prêt d'effacer de sa mémoire. Bref, déjà un classique...
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