Il serait presque désopilant de constater que certains distributeurs
préfèrent voir apparaître sur grand écran d'infâmes productions
que d'authentiques longs-métrages faits pour y être projetés si
cela n'était pas aussi affligeant ! Aussi prompt qu'à son
habitude de transformer l'origine d'un titre, Bisangseongeon
(formellement traduit par Déclaration
d'urgence) est sorti sur notre territoire sous celui de
Défense d’atterrir ! Reconnaissons que le titre
français est objectivement proche de la situation que connaîtront
les passagers du vol KI501 mais qu'il n'affecte cependant pas
l'opinion que l'on pourrait avoir sur l'intérêt principal qui
réside au sein du récit. Bisangseongeon est de ces
films qui méritaient une sortie nationale sur grand écran mais qui
au final sortira directement sur supports optiques et en Vidéo à la
Demande (ou VAD). Car malgré ses origines l'opposant
géographiquement et chronologiquement aux très lointains classiques
du cinéma catastrophe des années soixante-dix, le dernier
long-métrage du réalisateur sud-coréen Han Jae-rim ne sonne pas
autrement que comme le renouveau d'un genre qui connu sans doute ses
plus grands succès il y a une cinquantaine d'années. Qui oserait
prétendre aujourd'hui que sans les progrès technologiques actuels,
les derniers films catastrophe à avoir vu le jour pourraient
soutenir être à la hauteur des chefs-d’œuvre du genre que
demeurent par exemple La tour infernale
de John Guillermin, Tremblement de terre de
Mark Robson ou L'Aventure du Poséidon
de Ronald Neame et Irwin Allen ? Des films tournés ''en dur'',
sans l'apport des effets-spéciaux numériques qui n'étaient encore
à l'époque qu'une chimère. Surtout, Bisangseongeon
est une œuvre qui flirte avec un sous-genre du film catastrophe qui
''brilla'' lui aussi dans les années soixante-dix et qui fixait son
propos à bord des avions de ligne. La plus célèbre des franchises
fut constituée de quatre longs-métrages dont le premier, sobrement
intitulé Airport
sorti en 1970 avec à son bord Burt Lancaster, Dean Martin, Jean
Seberg, Jacqueline Bisset et bien entendu George Kennedy. Une série
de films tellement mythiques (bien que le contenu fut souvent
critiquable) qu'une parodie de l’œuvre (pas tout à fait) séminale
de George Seaton fut réalisée dix ans plus tard par les ZAZ
(réunissant les frères David et Jerry Zucker ainsi que Jim
Abrahams) sous le titre Y a-t-il un pilote dans
l'avion ?
Cinquante-deux ans après le Airport de George Seaton
est donc produit à plusieurs milliers de kilomètres du territoire
américain le dernier long-métrage de Han Jae-rim. Et comme le veut
d'emblée la tradition, et avant que l'avion de ligne ne prenne son
envol, le film débute par une longue séquence d'exposition nous
présentant certains des principaux personnages. À commencer par
Jae-hyeok (Lee Byung-hun), lequel est accompagné de sa gamine.
Affligé d'une peur panique des avions, il est l'un des personnages
centraux du récit. Tout comme l'acteur Im Si-wan qui incarne
Jin-seok, un terroriste psychologiquement perturbé. On s'étonnera
d'ailleurs que son attitude dans l'enceinte de l'aéroport n'ait pas
mis un terme immédiat et définitif à son projet (mais que fait la
sécurité?). Si dans certains termes, le long-métrage de Han
Jae-rim se rapproche peu ou prou de l'excellent Pont de
Cassandra que signa en 1977 George Pan Cosmatos, cette
fois-ci, le récit ne se déroule plus au sein d'un train lancé à
vive allure mais dans les airs, à bord d'un avion de ligne dont la
quasi totalité des passagers saura, somme toute, conserver son calme
malgré la situation désastreuse. Bisangseongeon dure
à peu près deux heures et vingt-minutes. Autant de temps durant
lequel les efficaces mise en scène et scénario de Han
Jae-rim ainsi que l'interprétation générale vont produire une
œuvre sous tension. Surtout durant les quatre-vingt dix premières
minutes. Le principe du genre voulant que les péripéties se
multiplient avec plus ou moins de crédibilité, le sud-coréen
parvient à maintenir la dite tension en ne se référant pas
uniquement à ses passagers, aux membres de l'équipage, au
terroriste et aux épreuves qui les attendent mais aussi à ce qui va
se dérouler au sol. Entre l'implication des autorités policières,
d'une ministre (Jeon Do-yeon dans le rôle de Sook-hee), le relais
permanent des médias et l'enquête menée par l'inspecteur In-ho
(qu'interprète le célèbre acteur sud-coréen Song Kang-ho), le
spectateur n'aura pas vraiment le temps de s'ennuyer. Le montage de
Han Jae-rim, Kim Woo-hyun et Lee Kang-il est aux petits oignons et
procurera autant de bienfaits que ces séries originaires de
Scandinavie parmi lesquelles l'on pouvait trouver la géniallissime
Forbrydelsen (The killing) Søren
Sveistrup. Une série totalement décomplexée qui quinze ans avant
les événements qui se produisent dans ce long-métrage osait
mélanger thriller, policier et politique ! Mais bien que
l’œuvre du réalisateur sud-coréen soit en tout point admirable
durant les quatre-vingt quinze premières minutes (la séquence de
l'avion piquant du nez est visuellement bluffante), l'ennuie
s'installe au delà de cette première heure et demi. Le rythme tend
à s'adoucir au détriment d'une tension qui disparaît peu à peu.
Avec, en jeu, ''l'abnégation'' presque invraisemblable de l'un des
personnages auquel l'on ne croit pas réellement. Mais d'une manière
générale, le film fait son petit effet dans le monde du film
catastrophe. Sans rejoindre tout à fait les classiques
outre-atlantiques du genre, les amateurs seront tout de même
comblés...
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