Si Le soleil ne
revenait pas... Derrière cette phrase aussi poétique que
préoccupante se cache tout d'abord un roman de l'écrivain et poète
suisse Charles Ferdinand Ramuz datant de 1937. Année même lors de
laquelle se déroulent de curieux événements se situant dans le
petit village de Saint-Martin-en-Haut localisé à 730 m d’altitude
dans le département du Rhône en région Auvergne-Rhône-Alpes.
C'est là que le vieux guérisseur Antoine Anzevui va un jour faire
une terrifiante prédiction reposant sur des calculs qu'il confiera à
l'un de ses patients : Prédisant qu'au prochain printemps le
soleil ne reviendra pas, l'homme jette la torpeur et l'inquiétude
parmi les villageois qui avec effroi vont attendre ce jour fatidique
où l'obscurité s'imposera définitivement au sein du village mais
également de la planète toute entière... Derrière ce sujet ô
combien fascinant se cache également une adaptation signée du
réalisateur, scénariste et producteur suisse Claude Goretta,
surtout connu pour avoir rendue célèbre l'actrice Isabelle Huppert
avec La dentellière en
1976 que pour avoir mis en scène Si Le soleil ne
revenait pas,
œuvre dont l'austérité ne quitte pas un seul instant ses
personnages et cette région où le village est implanté entre deux
flancs de montagnes empêchant les rayons de soleil de baigner les
lieux de sa clarté. Sous un décor enneigé et une brume presque
permanente offrant parfois une aura quasi mystique, le long-métrage
de Claude Goretta repose sur un rythme et une ambiance propre à ces
villages d'antan où le temps semblait s'être suspendu. Charles
Vanel, qui endossa le costume du détective Alfred Fichet dans Les
diaboliques
d'Henri-Georges Clouzot, celui du faux dur à cuir Jo dans
Le Salaire de la peur
du même réalisateur ou l'horrible professeur Brézé dans Sept
morts sur ordonnance
de Jacques Rouffio est ce prédicateur/guérisseur qui après de
savants calculs va prédire ce que l'on pourrait considérer comme la
fin du monde et de toute trace de vie sur la Terre. Face à lui des
habitants désemparés mais visiblement près à accepter leur
sort...
Parmi
eux s'en trouve un qui n'acceptant pas de laisser derrière lui le
moindre bien à Satan a choisi de tout vendre et d'en boire le
bénéfice ! Cet homme, c'est Arlettaz. Personnage détruit par
l'alcool et par la disparition de sa fille qu'il désespère jour et
nuit de retrouver. Est-elle morte ou a-t-elle simplement choisi de
quitter cette existence d'austérité ? Le film semble conserver
une certaine ambiguïté à ce sujet. Se soutenant les uns les autres
jusqu'à ce jour ultime prédit par le vieil Antoine Anzevui, il en
est également une qui elle a choisi de garder l'espoir. Elle, c'est
Isabelle Antide qu'interprète l'actrice Catherine Mouchet. Véritable
bouffée de chaleur dans un contexte relativement sinistre, aussi
froid que le blanc manteau qui recouvre les toits et les chemins de
terre du village de Saint-Martin-en-Haut ! L'on retrouve
l'ambiance calme mais parfois troublante des superbes Retour
de Martin Guerre
de Daniel Vigne et de Cœur de verre
de l'allemand Werner Herzog. Cette âpreté et cette rudesse qui
n'appartiennent qu'aux habitants isolés des campagnes ou ici des
montagne n'ayant visiblement aucun relais avec le monde extérieur.
D'où ces croyances qui remontent aux temps ancestraux, ces pratiques
de prescience reposant sur un seul homme faisant office de médecin
guérisseur et de propagateur de mauvaises nouvelles (sa prédiction
survenant au moment même où le prêtre interprété par René
Bériard annonce qu'il ne reviendra pas au village avant le printemps
prochain). Une chape de plomb enveloppe littéralement le village,
ses habitants ainsi que le récit. Suspendant le temps au rythme des
dialogues et d'une mise en scène languissante (prenant parfois le
temps de filmer toute une série de visages comme l’examen d'une
toile peinte par un artiste), l’œuvre est portée par
l'angoissante et minimaliste partition d'Antoine Auberson,
l'optimisme de Catherine Mouchet/Isabelle Antide et par le visage
marqué par les excès du toujours habité Philippe Léotard qui
interprète le personnage d'Arlettaz. Une œuvre envoûtante, prise
dans un étau où l'optimisme le dispute au pessimisme. Des deux,
lequel l'emportera ? Seule la fin du récit nous le dira...
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