L'Amant Double est le dix-septième long-métrage du réalisateur et scénariste français François Ozon. Extension ombilicale du court-métrage Regarde la Mer tourné très exactement vingt ans auparavant, il y évoque une fois de plus la matrice nourricière, objet de fantasmes et siège de certaines angoisses toutes féminines. L'Amant Double porte plusieurs responsabilités dont la moindre d'importance demeure encore d'être une adaptation de l'ouvrage Lives of the Twins de Rosamond Smith (pseudonyme sous lequel se cache la new-yorkaise Joyce Carol Oates) édité en 1987. Si les jumeaux semblent avoir souvent servi de matière première à nombre de réalisations, certaines d'entre elles se détachèrent très clairement du lot et donnèrent lieu à d'authentiques chefs-d’œuvre. Même si les sujets évoqués semblent apparemment très éloignés du thème qu'aborde ici François Ozon, on citera tout de même le stupéfiant The Other de Robert Mulligan datant de 1972 et à l'origine duquel les réalisateurs autrichiens Severin Fiala et Veronika Franz donnèrent naissance au cauchemardesque Goodnight Mommy quarante-deux ans plus tard. Surtout, L'Amant Double a la lourde tâche de marcher sensiblement sur les traces de l'extraordinaire Faux-Semblants de David Cronenberg. LA référence en matière d'horreur/thriller psychologique...
Au cœur de cette affaire qui mêle allégrement suspens, gémellité, érotisme et fantastique (dont la référence absolue demeure toujours l’œuvre du cinéaste canadien), François Ozon explore la psyché d'une jeune et très belle femme amante de son ancien psychiatre et bientôt, de son frère jumeau. Deux caractères diamétralement opposés qui expliquent en partie l'absence de rapports que les deux hommes ont choisi de ne pas entretenir. Glacé comme du Haneke, aussi sulfureux que du Verhoeven, un suspens et une sensualité proches de De Palma, les références ''désirées'' s'accumulent tandis que le récit dénoue le fil de l'intrigue à pas de chat. Cette référence qui sert de toile de fond explicative afin de mieux intégrer cet étouffant concept entre fascination et répulsion. Ceux qui découvrirent Regarde la Mer vingt ans plus tôt et le discours d'une Marina de Van particulièrement sinistre ne s'offusqueront sans doute que de l'apparente transgression qu'aborde le dix-septième long-métrage de François Ozon. Une œuvre, sinon anecdotique, du moins presque anachronique dans sa manière d'aborder ses thèmes sous l'angle d'un érotisme déjà parvenu à son paroxysme des années auparavant...
L'Amant Double a beau être incarné par un Jérémie Renier charismatique et dédoublé, par une Marine Vacth sublime ou par une Myriam Boyer inquiétante, avatar bien vivant de la Madame Choule du traumatisant Le Locataire de Roman Polanski (sauf qu'ici, elle n'est plus tant celle que les voisin cherchent à remplacer mais plutôt l'initiatrice de cette machination), il manque à ce film de François Ozon, ce petit quelque chose difficile à définir et qui fait les grandes œuvres cinématographiques. Car ce n'est certes pas en exposant les corps nus de ses vedettes dans une majorité de séquences de sexe qu'il parviendra à retenir l'attention du spectateur. Du moins, pas celui qui aura su déceler le subterfuge consistant à noyer un manque d'imagination par l'emploi de séquences pillées ailleurs, là encore au Faux-Semblants de David Cronenberg (à titre d'exemple, la scène cauchemardesque lors de laquelle le personnage de Chloé se dédouble alors que les deux frères Paul et Louis lui font l'amour fait immédiatement référence à celle où les deux frangins Mantle (Jeremy Irons, lui aussi dans un double rôle) se joignent à la patiente/amante Claire Niveau interprétée par l'actrice Geneviève Bujold). Plus vraiment dérangeant ni vraiment sulfureux, L'Amant Double n'est presque plus qu'une succession de scènes érotiques faussement impudiques et sexuellement déviantes (pour certaines). Une expérience peut intrigante dont on ne ressort malheureusement jamais psychologiquement ''essoré''... Dommage...
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