Super Dark Times
évoque
d'emblée la fracture qui sépare les anciennes générations de
cinéphiles des nouvelles qui croient tout savoir. De celles qui ont
pour référence un certain Stand by Me,
superbe adaptation de la nouvelle The
Body écrite
par Stephen King dans le milieu des années soixante-dix et
transposée sur grand écran en 1986 par le réalisateur américain
Rob Reiner. Et de celles qui n'en ont peut-être jamais entendu parlé
et qui ont de leur côté comme point de référence la série
Stranger Things
créée en 2016 par les frères Matt et Ross Duffer. Quoiqu'il en
soit, l’œuvre de Kevin Philips partage effectivement avec ce
long-métrage et cette série pas mal de points communs. À commencer
bien évidemment par cette amitié qui lie plusieurs adolescents et
ce contexte qui semble toujours vouloir renvoyer à un temps révolu :
celui des années quatre-vingt. La présence du compositeur et
ingénieur du son australien Ben Frost faisant donc sans doute le
lien puisque la bande-son analogique du long-métrage renvoie
elle-même au temps passé. Certains petits détails semblent
d'ailleurs corroborer la chose. Comme ces vieux postes de télévision
à l'image neigeuse ou ce jeu vidéos d'un autre âge auquel jouera
l'un des jeunes héros du récit. Josh est son prénom et c'est
l'acteur Charlie Tahan qui l'interprète. Meilleur ami de Zach Taylor
(Owen Campbell), c'est surtout ce dernier que Kevin Philips mettra
en avant dans ce drame qui trouble moins pour la tragédie qu'il met
en place que pour ces quelques visions fantasmagoriques qui découlent
d'un traumatisme tout récent. En effet, c'est en s'amusant avec l'un
de leurs compagnons du quartier prénommé Daryl (Max Talisman) que
les deux adolescents vont devenir les acteurs principaux d'un drame
épouvantable. Alors que les trois garçons (les quatre même, si
l'on ajoute l'acteur Sawyer Barth qui interprète quant à lui le
rôle de Charlie Barth) jouent avec le sabre du frère aîné de Josh
parti faire son service militaire chez les Marines, une dispute
s'engage entre ce dernier et Daryl qui donne un coup de poing à
Josh. Lequel, en retour, blesse involontairement son camarade à la
gorge avec le sabre. Malheureusement, Daryl ne survivra pas à ses
blessures et ira mourir dans les bois à quelques centaines de mètres
de là. Cachant le corps de l'adolescent sous des feuillages et se
débarrassant de l'arme dans une faille rocheuse, Zach, Josh et
Charlie vont alors tenter de reprendre le cours normal de leur
existence...
Chose
pourtant bien incompatible avec tout sens de moral comme nous le
découvrirons par la suite car si le dernier des trois adolescents
semble parvenir à reprendre sa vie de tous les jours, pour les deux
autres, il en ira tout autrement. Sans être inoubliable, Super
Dark Times
se montre plutôt efficace et même parfois relativement marquant. On
pense notamment à ces quelques petites vignettes horrifiques mues
par l'esprit tourmenté de Zach qu'interprète très efficacement
Owen Campbell dont la première partie de carrière débuta en grande
majorité sur le petit écran avant que le jeune homme ne multiplie
les rôles au cinéma. On le retrouvera d'ailleurs dans le rôle de
RJ dans le beaucoup trop surestimé X
de Ti West en 2022 ! Ce qu'il y a d'étonnant chez Kevin Philips et
notamment avec Super Dark Times (qui
demeure son premier long-métrage après une série de
courts-métrages réalisés entre 2004 et 2015) est cette propension
qu'a le réalisateur à mêler le drame dans un contexte réaliste à
une certaine forme de fantastique reposant essentiellement sur des
visions funèbres interprétées sous la forme de cauchemars. Où
lorsque la conscience est si bien mise à rude épreuve qu'elle
entreprend même de saper les instants de chaleur ou de bonheur entre
Zach et celle qu'il découvre être attirée par lui (la jeune
Elizabeth Cappuccino dans le rôle d'Allison). Perturbant le cadre
foncièrement anodin de cette bande d'adolescents, du collège où
ils étudient et du quartier où ils vivent (ici, point d'élèves
sportifs s'en prenant aux plus faibles mais une bande de marginaux
s'agglutinant dans les angles morts des habitations), le réalisateur
instaure un climat de paranoïa perçu par Zach comme une authentique
menace. La grille de lecture émotionnelle y est décrite à
différents échelons même si, une fois encore, Kevin Philips semble
accorder une plus grande importance au personnage de Zach qu'à celui
de Josh dont il aurait sans doute été intéressant de percevoir
davantage le caractère et l'évolution psychologique. Durant la
seconde moitié environ, le réalisateur tentera de changer de
braquet en s'éloignant du pur drame et en allant investir le
territoire du thriller... Sympathique... !
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