C'était il y a treize
ans et je me demande encore par quel miracle j'ai pu embarquer ce
jour là ma chère et tendre qui n'était à l'époque pas
particulièrement emballée par ce genre de programme ! En
dehors des vieux classiques de l'épouvante et de l'horreur qui me
confortaient dans l'idée que le meilleur de ces deux genres
cinématographiques étaient déjà derrière nous, je me demande
également ce qui a personnellement pu me pousser à aller assister à
la projection du Esther
du réalisateur espagnol Jaume Collet-Serra. D'autant plus que je
savais déjà ce qui m'attendait. Du moins, en partie puisque ce
genre de film, je le sais, a plutôt tendance à m'agacer au point
que je me ronge les ongles jusqu'au générique de fin alors même
que le projet initial de ses auteurs fut logiquement de foutre le
trouillomètre à zéro à leurs spectateurs. Je m'étais juré de ne
plus jamais le revoir. Comme je m'étais bêtement promis de ne plus
revoir non plus le E.T de
Steven Spielberg. Pour des raisons qui n'appartiennent qu'à mes
souvenirs d'enfants, de ce traitement infligé à cette créature
pourtant si attachante par l'homme, spectacle auquel je ne voulais
surtout plus être témoin. C'est avec scrupule et méthode que
j'évite ainsi tout film d'horreur traitant de l'enfance diabolique.
Qu'ils revêtent ou non un quelconque aspect fantastique. Surtout de
nos jours où une telle pratique sur grand écran semble faire le
parallèle avec l'enfant-roi qui règne en les demeures de parents
qui adoubent tout ce qu'entreprend leur progéniture ! D'une
certaine manière, on peut d'ailleurs remonter très loin dans
l'histoire du septième art et y trouver des œuvres visionnaires
(quoique plus ou moins crédibles) parmi lesquelles Le
village des damnés
de Wolf Riffa en 1960, Les Révoltés de l'an
2000
de Narciso Ibáñez Serrador en 1976 ou plus près de nous, Demain
les mômes
de Jean Pourtalé... !
Des
œuvres qui par le passé évoquent ce qu'endurent désormais nombre
de familles. Oui, sans doute avec moins du dureté mais au fond,
qu'en savons-nous ? Avec son visage d'ange, son intelligence et
sa rapidité d'adaptation, Esther est l'enfant parfaite. Celle dont
rêve tout parent. Surtout ceux qui comme le couple Coleman a perdu
le sien lors de l'accouchement. Basé sur un authentique fait divers,
Esther
repose sur un scénario écrit par David Leslie Johnson adapté
lui-même du roman d'Alex Mace qui depuis, est passé de l'écriture
à la production de longs-métrages et de séries télévisées.
Jaume Collet-Serra prend le spectateur en otage mais aussi et surtout
à témoin des ''activités'' de la gamine tout en faisant porter le
poids de la responsabilité à sa mère adoptive. Un point de vue
relativement dérangeant si l'on tient compte du fait que l'on sait
très exactement quel est le caractère de la gamine et quelles sont
les tentatives par sa mère de s'en rapprocher (du moins jusqu'à ce
que sa méfiance la pousse à aller consulter une psychologue qui,
comme on s'en doute bien évidemment, n'arrangera pas la situation).
Le réalisateur nous positionne en tant qu'observateur d'un fait
divers dont la coupable est reconnue comme victime et l'innocente
comme la principale source du problème. C'est en cela que le film
révèle son potentiel horrifique plus que dans les actes perpétrés
par cette psychopathe... cette sociopathe en souliers vernis...
D'une
exceptionnelle durée approchant les cent-vingt minutes, Esther
égrène la liste des perversités dont est capable de se rendre
coupable une jeune enfant formidablement interprétée par la jeune
Isabelle Fuhrman qui à l'époque du tournage n'avait que douze ans.
On retrouvera l'actrice cinq ans plus tard dans le premier volet de
la franchise Hunger Games,
puis dans le très mauvais After Earth
de M. Night Shyamalan, dans l'adaptation du roman Cell
Phone
de Stephen King et bien sûr, cette année dans la suite des
aventures d'Esther réalisée cette fois-ci par William Brent Bell.Si
Jaume Collet-Serra paraît pressé de révéler à la mère adoptive
la véritable nature de sa fille, quelques bonnes idées viennent
relancer un récit somme toute très classique. Embarquant la plus
jeune fille des Coleman dans ses jeux morbides, Esther la séduit
mais lui fait aussi très peur, intégrant ainsi une nouvelle donnée
dans la recherche de l'effroi de la part du réalisateur. La
contrainte d'opposer une simple gamine à un couple d'adultes étant
ainsi résolue par la présence de la toute jeune Aryana Engineer qui
interprète Maxine Coleman et qui à l'époque n'avait que huit ans.
Symbole du père protecteur, Peter Sarsgaard incarne un John Coleman
totalement aveuglé, manipulé, que l'on devrait logiquement
comprendre mais sachant pertinemment qu'il fait fausse route, le
réalisateur parvient une nouvelle fois à appuyer là où ça fait
mal. Quant à Vera Farmiga (la franchise Conjuring)
elle incarne une Katherine Coleman brillante et bouleversante, qui
peu à peu se retrouve seule, paraît sombrer, Esther usant alors de
tous les artifices mis à sa disposition (les bouteilles d'alcool,
notamment) pour la décrédibiliser. Par couches successives, le film
touche au but : créer un climat d'angoisse tel qui touche à la
psychologie des personnages et des spectateurs tout en transformant
cette peur de manière totalement viscérale. Une brillante
réussite...
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