Alors que son dernier
long-métrage As Bestas est sorti sur les écrans de
cinéma voilà quelques semaines, revenons sur l'une des œuvres
passées du réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen. Auteur en 2016
d'un Que Dios no perdone
imparable, celui-ci revenait deux ans plus tard avec un nouveau
thriller s'éloignant du cadre stricte de l'instruction judiciaire ou
policière pour s'intéresser au monde de la politique et des
magouilles concernant des détournements de subventions européennes.
En vedette, l'acteur Antonio de la Torre qui tenait le rôle de
l'inspecteur Velarde dans le précédent long-métrage de Rodrigo
Sorogoyen. Dans El Reino (à
ne surtout pas confondre avec la série argentine du même nom), il y
perd son bégaiement mais y gagne un surcroît d'assurance. Alors
qu'il y interprète le rôle de l'homme politique Manuel López
Vidal, membre du parti au pouvoir dans le pays, le voilà impliqué
dans une affaire de détournement d'argent et de corruption auquel
les principaux dirigeants du parti choisissent de faire porter le
chapeau. En effet, son ami et associé Paco Castillo étant le
principal responsable de magouilles liées à des compte bancaires
suisses mais étant protégé par José Luis Frías qui est à la
tête du conseil régional, lors d'une réunion organisée par la
cheffe du parti, il est décidé que Manuel sera le seul et unique
responsable de détournement et de corruption ! Marié et père d'une
fille, ce dernier veut pouvoir assurer l'avenir des siens et décide
finalement de faire peser dans la balance des éléments de l'affaire
dont il détient des preuves... Si Que Dios no
perdone démontrait
déjà le savoir-faire du réalisateur espagnol dans le domaine du
thriller policier, son efficacité n'est toujours pas mise à rude
épreuve avec ce second long-métrage réalisé en solo (après la
comédie romantique 8 Citas
en collaboration avec Peris Romano en 2008 et Stockholm
en compagnie de Borja Soler cinq ans plus tard)...
Et
pourtant, dieu sait si les intrigues politiques ne sont jamais une
mince affaire à mettre en scène. Toujours en compagnie de la
scénariste Isabel Peña qui demeurera fidèle jusqu'au bout
puisqu'elle participera aux écritures de Madre
en 2019 et de As Bestas
en 2022, Rodrigo Sorogoyen tricote une fois de plus une intrigue au
cordeau qui fait la part belle au réalisme sans pour autant mettre
de côté le divertissement. Car quelles que soient les allures que
prend le récit, profondément ancré dans un univers politique dont
les relents sentent de nos jours toujours aussi fort, l'espagnol
transforme l'intrigue en un thriller aux rebondissements permanents,
entre trahisons, doubles-jeux, enquêtes, mêlant à l'affaire les
médias, la famille et l'entourage du héros dont se détournent la
plupart des collaborateurs et dont certains seront les victimes
collatérales. Brillant de bout en bout, démarrant sous les allures
d'une comédie politique légère, le récit de El
Reino
enfonce peu à peu le personnage de Manuel jusqu'à l'engloutir. Un
personnage qui, disons le au passage, est interprété par un Antonio
de la Torre absolument remarquable. Face aux médias, face à ses
collaborateurs, face à ses amis, ses ennemis, face aux traîtres et
face même aux siens, le politicien ne craque pas, reste ''presque''
de marbre (avec, parfois, une très légère tendance à perdre son
sang-froid), mais surtout, demeure humble face à la curée générale,
pourtant ici discrètement mise à contribution. D'où la présence
d'esprit du réalisateur espagnol de ne jamais vouloir en mettre
plein les yeux à un public qui en déjà suffisamment l'habitude
avec le cinéma outre-atlantique. Ici, tout est dans la modération
sans pour autant être dans l'ennui. Passionnant, angoissant, ô
combien divertissant, El Reino
peut également compter sur la partition musicale du compositeur né
à Paris en 1979, Olivier Arson, qui tout comme la scénariste est un
fidèle de Rodrigo Sorogoyen et qui tout comme pour la bande son de
Que Dios no perdone signe
ici une partition toute en...''tachycardie''
qui colle parfaitement à l'action. Un must !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire