Alors que le Royaume-Unis
et les États-Unis ont récemment ressuscité l’œuvre de la
romancière Agatha Christie à travers deux Remakes/Adaptations des
classiques Le Crime de l'Orient-Express en 2017 et Mort
sur le Nil en 2022 tout deux signés du réalisateur
britannique Kenneth Branagh, en France l'on a choisi de faire revivre
celle de l'écrivain Georges Simenon. Le pantagruélique univers du
Commissaire Maigret dont le tour de taille de son dernier
représentant Gérard Depardieu est égal à la somme incroyable
d'ouvrages littéraires et de fictions cinématographico-télévisuelles
qui depuis presque un siècle nourri l'imaginaire des amateurs
d'enquêtes policières à la française. Ici, pas de police
scientifique vêtue de combinaisons intégrales blanches relevant
poils, cheveux ou fluides corporels à des fins de recherche d'ADN.
Nous sommes encore dans les années cinquante et il faudra attendre
encore trois décennies avant que le laboratoire du chercheur
britannique Alec Jeffreys qui en compagnie de son équipe travaillait
sur la transmission héréditaire de certaines maladies génétiques
ne découvre tout à fait par hasard, le concept d'empreinte
génétique ! Oui, pantagruélique que la carrière de ce personnage
de fiction qui naît timidement en 1929 à travers quatre romans
avant de devenir le héros de plus de soixante-dix romans et d'une
trentaine de nouvelles tous écrits de la main de Georges Simenon. Le
premier des romans sort en mai 1931 sous le titre Pietr-le-Letton
tandis que le dernier Maigret et Monsieur Charles
sera édité pour la première fois en juillet 1972. Le plus célèbre
des commissaires français de fiction fait alors ses adieux sur le
papier tandis que sa carrière au cinéma et à la télévision a
déjà à cette époque débuté il y a quarante ans en arrière avec
La Nuit du carrefour de Jean Renoir en 1932. Interprété par Pierre
Renoir qui n'est autre que le frère du réalisateur, il sera le
premier interprète de Maigret. Suivront sur grand écran Abel
Tarride, Harry Baur, Albert Préjean, Michel Simon, Maurice Manson
mais aussi et surtout Jean Gabin qui à trois reprises acceptera de
porter la célèbre gabardine du commissaire dans Maigret tend
un piège et Maigret
et l'Affaire Saint-Fiacre de
Jean Delannoy en 1958-159 et Maigret voit rouge
de Gilles Grangier en 1963...
L'hexagone
coopérera également trois fois avec l'étranger afin de réaliser
autant de projets. L'Homme de la tour Eiffel de
Burgess Meredith en 1949, Maigret à Pigalle de
Mario Landi en 1967 et Maigret fait mouche d'Alfred
Weidenmann l'année suivante, les trois longs-métrages ayant été
respectivement et principalement interprétés par Charles Laughton
(acteur, mais également réalisateur de l'immense chef-d’œuvre La
nuit du chasseur
en 1955), l'italien Gino Cervi ainsi que l'allemand Heinz Rühmann,
tous dans le rôle du commissaire... Concernant le
petit écran, compiler la présence de Maigret à travers ses
différentes apparitions semble être encore plus hasardeux puisque
le personnage apparu dans des pays aussi étonnants que le Japon
(Tôkyô Megure Keishi,
en 1978), l'Union Soviétique (avec quatre téléfilms dont Megre
i Chelovek na Skameyke
en 1973) ou la Tchécoslovaquie (trois téléfilms dont Obavy
komisare Maigreta
en 1971). Mais chez nous, l'on se souviendra bien évidemment tout
d'abord des brillantes incarnations de Jean Richard dans Les
Enquêtes du commissaire Maigret
entre 1967 et 1990 et du charismatique Bruno Cremer dans Maigret
entre 1991 et 2005. Entre sa dernière apparition sur les écrans de
cinéma sous les traits de l'allemand Heinz Rühmann en 1968 et son
tout récent retour, il aura fallut patienter cinquante-quatre ans
avant de retrouver le commissaire et sa célèbre pipe. Oui, plus
d'un demi-siècle. Et pour fêter son retour sur grand écran quatre
ans après que l'acteur britannique Rowan Atkinson ne l'ait incarné
à quatre reprises sur le petit, il fallait un acteur de ''poids''.
L'un des plus grands d'entre tous : Gérard Depardieu. Et à la
mise en scène, le réalisateur aux vingt-neuf longs-métrages
cinématographiques, Patrice Leconte. Sobrement intitulé Maigret,
ce long-métrage de 2022 est l'adaptation du roman Maigret
et la Jeune Morte
qui fut publié pour la première fois en 1954 par Les
presses de la cité
et qui sera ensuite adapté à quatre reprises sur le petit écran
entre 1959 et 1973 par les britanniques Gilchrist Calder et Campbell
Logan, dans une version néerlandaise sous le titre Maigret
en de blauwe avondjurk
et en France par Claude Boissol avec Jean Richard dans l'une des plus
célèbres incarnations du commissaire...
Vue
l'austérité qui règne en général dans l'univers de ce flic
débonnaire mais bienveillant, un climat qui notamment transpirait
littéralement dans la série interprétée par Bruno Cremer, sous la
houlette du réalisateur français, la capitale française n'a jamais
parue aussi triste et belle. Cette beauté froide et hivernale, ces
rues presque désertes traversées par quelques silhouettes dont le
statut social ne se distingue jamais des autres à travers les tenues
vestimentaires. Qu'elle soit de mœurs légères ou de la Haute, la
femme ici reste toujours séduisante et distinguée. Les quais des
bords de Seine donnent envie de s'y promener la main de son (ou sa)
conjoint(e) enfermée dans la notre. Il demeure quelque chose de
rassurant dans les décors de Loïc Chavanon ou la Photographie
d'Yves Angelo. Pourtant, un meurtre a bien été commis. Mais par
qui ? Et pourquoi ? Seule la seconde question semble
vraiment intéresser le réalisateur qui aux côtés du scénariste
Jérôme Tonnerre imprime à Maigret
le même rythme que celui des versions télévisées. Se pose alors
la question de la pertinence d'aller découvrir la chose sur grand
écran alors même que le film, en comparaison des séries et
téléfilms, n'a d'autre attrait que la seule présence de Gérard
Depardieu à l'écran. Et encore, celui-ci s'économise tant qu'il
faut parfois tendre l'oreille pour percevoir cette petite note
d'humour qu'il assène aux trois quart du récit, faisant ainsi pour
les connaisseurs, référence à la peinture à l'huile de René
Magritte, ''La
trahison des images''...
Sous ses faux airs d'anachronisme, Maigret
distille pourtant une aura fascinante et une émotion palpable
transmises par le jeu tout en finesse mais parfois essoufflé de
Gérard Depardieu. Revenu de tout, l'acteur en impose physiquement et
dans ses silences, son personnage touché lui-même par la mort de
cette gamine révèle une part d'ombre de sa propre existence. Notons
qu'outre les quelques personnages féminins interprétés par Jade
Labeste, Mélanie Bernier, Aurore Clément ou Clara Antoons apparaît
à l'écran l'acteur André Wilms, fameux second rôle au nom si peu
évoqué mais à la présence tant appréciée dans des dizaines de
longs-métrages. Incarnant le personnage de Kaplan, l'acteur n'aura
pas eu le temps de découvrir le film sur grand écran puisqu'il
décédera le 9 février 2022, soit deux semaines exactement avant la
sortie de Maigret
dans les salles...
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