Ancien membre de la
Troupe du Splendid, acteur
dans plus de cent-vingt épisodes de séries télévisées, courts et
longs-métrages, scénariste, producteur et réalisateur, la carrière
de cinéaste de Gérard Jugnot est on ne peut plus remplie. Avec
douze films en tant que réalisateur dont le dernier, Le
petit piaf,
est prévu pour décembre prochain, l'ancien compagnon de Michel
Blanc, Anémone, Thierry Lhermitte, Marie-Anne Chazel, Christian
Clavier et Dominique Lavanant, a souvent su séduire le public
français à travers nombre de comédies devenues cultes avec le
temps. Passant de la légèreté de ses premiers longs-métrages
Pinot simple flic
ou Scout toujours
à une certaine gravité comme dans Une époque
formidable
qui demeure sans doute à ce jour, le meilleur d'entre tous. Grave
car l'acteur/réalisateur/scénariste y aborde le thème de la
marginalisation. De la clochardisation d'un ancien cadre d'entreprise
spécialisée dans la vente de matelas. Gérard Jugnot est Michel
Berthier, époux d'une femme superbe (l'actrice espagnole Victoria
Abril dans le rôle de Juliette), beau-père de Vincent et Émilie
(Julien Harlay et Beryl Le Lasseur), qui du jour au lendemain perd
son travail et se retrouve à la rue après une dispute avec celle
qui partage sa vie. C'est le début de la déchéance. De la galère !
Mais heureusement pour Michel, la rencontre fortuite avec trois SDF
va lui permettre de surmonter cette épreuve...
Une époque
formidable,
c'est avant tout, le portrait plutôt réaliste de ce qui attend
quiconque risque de se retrouver à la rue. Avec clairvoyance mais
sans complaisance, avec pudeur mais sans misérabilisme, Gérard
Jugnot réalise l'une des œuvres les plus sincères sur le sujet. Ce
qui n'empêche pas le film d'être parfois émaillé de séquences
relativement amusantes. À ses côtés, tout un panel d'interprètes
parmi lesquels, les formidables Richard Bohringer et Ticky Holgado
auxquels on ajoutera le plus rare, Chick Ortega. Interprétant
respectivement les personnages de Toubib, Crayon et Mimosa, ces trois
hommes sont dépeints comme des individus plutôt débrouillards,
flairant l'hypothétique avantage de se lier à Michel. En effet,
celui-ci possède une voiture qui pourrait les abriter tous ensemble.
Drôle, touchant, émouvant même parfois,Une
époque formidable propose
une histoire d'amitié insolite entre un ancien cadre et des
individus auxquels sans doute, il n'aurait jamais jeté un seul œil
s'il avait conservé sa place dans son entreprise. Gérard Jugnot
traite également du chômage. De la honte d'avoir perdu son boulot.
Des mensonges qui en découlent et de la difficulté de retrouver un
emploi. Mieux, il montre avec quelle vitesse un individu peu passer
du statut de Col
Blanc
à celui de clochard, sans toit, sans chaussures et sans argent...
Parmi
les seconds rôles, nous retrouvons Zabou dans le rôle d'une
journaliste rudoyée par nos héros à l'entrée d'un centre d'aide
sociale. Bâtiment à l'entrée duquel nous reconnaîtrons également
Patrick Timsit, un an avant sa superbe autant que drôlatique
incarnation de Michou, le SDF de l'excellent film de Coline Serreau,
La crise.
Roland Blanche interprète le personnage de Copi, un marchand de
sommeil, Charlotte de Turckheim celui de la prostituée Rita, Laurent
Gamelon s'affiche en propriétaire de voiture victime d'un accrochage
et Chantal Ladesou en infirmière. Quant à Michèle Laroque et Guy
Laporte (une vielle connaissance de Gérard Jugnot), il incarnent
respectivement une employée chargée d'examiner des candidatures aux
postes de cadres et le clochard Parfum ! On pourrait comparer
Une époque formidable
à un véritable choc des civilisations. Car ce sont deux mondes bien
distincts qui s'affrontent tout d'abord. Des milieux sociaux qui en
général s'évitent, se regardent en chien de faïence ou se
méprisent mais qui dans le cas présent font contre fortune bon
cœur. L'acteur/scénariste/réalisateur signe une œuvre beaucoup
plus profonde que ses précédents longs-métrages et touche le
spectateur au cœur. Une manière de désacraliser cette marginalité
qui souvent fait peur ou laisse indifférent. Depuis, bien sûr, les
choses ont changé pour évoluer vers un contexte plus sombre et
dangereux que jamais. Qu'importe qu'aujourd'hui l'image de nos héros
ressemble presque davantage à celle d'un Épinal qu'à la réalité
violente qui sévit la nuit (et même le jour) dans les rues des
grandes villes. On sort de la projection sourire aux lèvres d'avoir
assisté à une véritable aventure humaine servie par d'excellents
interprètes... À noter que la bande musicale est l’œuvre de
Francis Cabrel...
Tu m'as donné envie, je vais essayer de le choper à un Cash à 3 € ou sur Rakuten... Merci.
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