Une quarantaine d'années
après que le réalisateur américain John Guillermin ait mis en
scène l'adaptation cinématographique de l'un des plus célèbres
ouvrages de la romancière britannique Agatha Christie, ce fut au
tour du réalisateur kenneth Branagh d'en proposer une version
nettement plus intéressante que celle qu'il proposa en 2017 du Crime
de l'Orient Express.
Le film dont on parle ici concerne évidemment Mort
sur le Nil
qui plutôt que de scrupuleusement suivre les faits tels qu'ils
furent relatés dans le roman éponyme ou à travers son adaptation
datant de 1978, se permettent quelques libertés. Le réalisateur,
scénariste et producteur qui incarnait déjà le rôle du détective
Hercule Poirot dans sa précédente adaptation explique d'emblée la
signification de cette belle paire de moustaches
en croc qui
demeurent aussi célèbres que l'homme qui les porte. Une explication
qui demeure bien différente de celle d'Agatha pour qui cet attribut
fut d'abord un apparat permettant à Hercule Poirot de scruter les
suspects et ainsi les manipuler une fois qu'il eu donné
l'opportunité à ceux-ci de rire de lui. Pour Kenneth Branagh, leur
signification sera bien plus dramatique puisqu'en ouverture de son
Mort sur le Nil
situant tout d'abord son action lors de la première guerre mondiale,
il sera gravement mutilé au visage. Sa femme Katerine l'encouragera
alors vivement à se faire pousser la moustache afin de camoufler ses
terribles blessures... Lesquelles, sommes-nous contraints de le
préciser, couvrent à l'origine le philtrum (partie située entre le
bas du nez et la lèvre supérieure) ainsi que la joue droite dans
une grande proportion. À ce titre, il aurait été de bon ton que
l'histoire nous révèle le nom du chirurgien du détective puisque
deux décennies plus tard, Hercule Poirot réapparaît nanti de ses
fameuses moustaches (qui ne couvrent donc que le dessus de sa bouche
et ne débordent que de très peu sur ses joues), sa joue droit ayant
miraculeusement guéri au point de n'avoir conservé aucune séquelle
physique des blessures qui lui furent infligées en 1914...
Ce
que l'on retiendra davantage de ces premières séquences, entre le
front et l'arrivée du détective dans un bar de Londres où se
rencontreront la plupart des protagonistes du récit, sera ce très
beau noir et blanc flingué par des d'épouvantables CGI
(l'explosion)
puis des décors, des costumes et une bande musicale qui entrent
parfaitement dans le contexte chronologique du récit. Situant
ensuite son action entre l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, soit
en Égypte, sur le Nil, ses berges et dans deux des plus majestueux
sites du pays dans son versant Antique (les pyramides de Gizeh puis
un peu plus tard, l'impressionnant Temple d'Abou Simbel), le récit
reprend le déroulement de l’œuvre de John Guillermin que j'ai
choisi en priorité de prendre comme référence plutôt que le roman
d'Agatha Christie. C'est un fait, mais celles et ceux qui ont encore
en mémoire le casting de 1978 devront accepter la présence
d'interprètes qui n'auront cette fois-ci pas toujours le même
charisme ou la même ''présence à l'écran'' qu'un George Kennedy
dans le rôle de l'avocat et oncle de Linnet Ridgeway, Andrew
Pennington (remplacé ici par l'acteur indien Ali Fazal qui dans le
cas présent interprète désormais le rôle d'Andrew Katchadourian)
ou qu'une Angela Lansbury qui dans le rôle de Salome Otterbourne
était très clairement sous l'emprise de l'alcool tandis que
l'actrice afro-britannique Sophie Okonedo édulcore quelque peu cet
aspect de sa personnalité dans cette version 2022. Moins intimiste
que dans la version de 1978, cela est en partie dû au fait que le
Karnak,
nom auquel est donné le bateau comme dans le film de John Guillermin
(lequel fut à l'origine inspiré à Agatha Christie par un
authentique engin à vapeur connu sous le nom de Steam
Ship Sudan)
est nettement plus imposant que l'original...
Accueillant
de plus tout un tas de personnel employé à son fonctionnement,
l'intimité y est forcément moins prononcée et l'environnement
moins restreint. Un détail au regard de séquences entièrement
tournées aux Longcross Studios dans le Surrey, non loin de Londres,
lesquels font la part belle à la luxuriance. Comme de coutume,
chaque passager est décrit comme un suspect potentiel. Celui non pas
d'un meurtre unique, mais de plusieurs comme nous le découvrirons au
fil de l'intrigue. Lourde est alors la charge du détective,
contraint de résoudre un mystère qui, des décennies plus tard,
demeure toujours aussi passionnant. Non dénué de défauts (la
révélation finale est on ne peut plus bâclée), Mort
sur le Nil
version 2022 possède par contre de nombreux atouts qui dépassent de
loin la bande musicale (parfois trop envahissante) les costumes ou
les décors égyptiens particulièrement enchanteurs. On l'oublie
parfois trop rapidement mais des thématiques comme l'homosexualité
étaient sobrement évoquées dans l’œuvre originale tandis qu'en
2022, la chose est déjà désignée de manière beaucoup plus
frontale. Et lorsque est inscrite une telle démarche, celle qui veut
que l'on évoque également le racisme n'est jamais très loin.
Maintenant, à chacun de se faire sa propre opinion. Concernant le
casting, entre pros et anti, choisir entre Peter Ustinov et Kenneth
Branagh, Mia Farrow et Emma Mackey (plutôt insignifiante en
comparaison), Bette Davis (exceptionnelle, comme toujours) et
Jennifer Saunders ou Jack Warden et Russell Brand paraîtra sans
doute comme une évidence pour les plus anciens. Nous noterons tout
de même que Kenneth Branagh parvient à humaniser son personnage en
le sortant de son image de détective strictement fictif. Sans
parvenir à faire oublier le long-métrage de John Guillermin, le
réalisateur britannique réalise cependant une mouture très
convenable qui, malheureusement, retombe comme un soufflé au moment
crucial de révéler l'identité du tueur...
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