L'odyssée de l'aède
Homère fut à l'origine une épopée de la Grèce Antique qui
contait le voyage d’Ulysse qui après la Guerre de Troie mit dix
années à retourner auprès de ses proches Pénélope et Télémaque.
Les arts, dans leur globalité, s'inspirèrent de ce récit remontant
à la fin du septième siècle avant J-C. Chacun le parcourant et
l'adaptant avec plus ou moins de fidélité et de liberté. Les
adolescents que furent les quinquagénaires se souviennent sans doute
encore de Ulysse 31,
cet excellent dessin animé franco-japonais créé par Jean Chalopin
et Nina Wolmark, réalisé par Bernard Deyriès et diffusé pour la
première fois au début des années quatre-vingt. Une alternative
intéressante situant son action au trente et unième siècle à bord
du vaisseau l'Odysseus et dans laquelle, Ulysse s'attirait les
foudres de Zeus après que le héros ait tué le Cyclope... Récit
intemporel, Les frères Joel et Ethan Coen s'en emparèrent à leur
tour mais en le transposant cette fois-ci dans les années 1930, au
Sud des États-Unis. C'est là que nous retrouvons trois criminels
tout juste échappés de prison et donc, en cavale. Ulysses Everett
McGill, Pete et Delmar O'Donnel poursuivent un but : mettre la
main sur un magot dont seul le premier connaît la cachette. Mais les
trois hommes n'ont que quelques jours pour arriver à destination,
déterrer le trésor et se le partager. En effet, la zone où se
situe l'argent risque d'être prochainement inondée. Mais pour
Ulysses, plus que l'argent, l'essentiel est surtout de retrouver
celle qu'il aime et à laquelle il a donné six enfants : son
épouse Penny...
Deux
années après leur formidable The Big Lebowski,
Joe et Ethan Coen nous revenaient une fois de plus en grande forme
avec la comédie O'Brother,
''cartoon'' délirant, dans la veine du Grand
Saut,
ou les réalisateurs et scénaristes s'en donnaient à cœur joie et
développaient un récit fourmillant de trouvailles. Des rencontres
par dizaines et des situations cocasses qui empêchent l'ennui de
s'installer. En route, Ulysses et ses comparses feront la rencontre
d'un vieil homme aveugle, pendant de Démodocos de L'Odyssée, ou
peut-être plus simplement d'Homère puisque les Anciens affirmaient
que le célèbre poète était lui-même atteint de cécité. Nos
trois pieds nickelés assisteront à une procession et croiseront en
chemin, trois délicieuses sirènes, le blues-man Tommy Johnson
(authentique chanteur et guitariste ayant vécu au Mississippi entre
1896 et 1956) ou des centaines d'adeptes du Ku
Klux Klan
à la tête duquel, Ô surprise, trône un candidat aux prochaines
élections ! Deux truands, également. L'un est incarné par le
fidèle John Goodman (ici, dans le rôle de Big Dan Teague, également
adepte de la ''fameuse'' société prônant le suprémacisme blanc)
et le second par Michael Badalucco qui lui, interprète le personnage
de George Nelson (dont le véritable nom était Lester Joseph
Gillis), lui aussi authentique, connu sous le pseudonyme de Baby
Face (les
spectateurs comprendront très vite les origines de ce sobriquet que
le truand, au passage, déteste copieusement), et qui dans les années
trente se rendit coupable de meurtres et de plusieurs braquages de
banques...
Si
John Turturro (et son irrésistible expression ahurie), John Goodman
(toujours aussi imposant), Holly Hunter (craquante en jeune femme
stérile dépressive dans Arizona Junior
des frères Coen en 1987) ou encore Charles Durning ont de manière
plus ou moins importante participé à la grande œuvre des frères
Coen, c'est en 2000, une première pour George Clooney, encore tout
auréolé de sa présence dans la série télévisée à succès
Urgences.
Un acteur dont les fans de cinéma se souviendront d'abord notamment
pour sa participation au film culte de Robert Rodriguez, Une
nuit en enfer
en 1996. Jusqu'à son arrivée sur le tournage de O'Brother,
on ne peut pas dire qu'il ait accumulé les rôles dans des comédies.
Drame, film de super-héros (Batman et Robin
de Joel Schumacher en 1997), action, thriller ou film de guerre,
O'Brother
ferait presque figure de contre-emploi. Il incarne le ''valeureux''
Ulysses, savoureux bras cassé voyageant auprès de ses deux
complices vers une chimère avec pour objectif principal et comme
décrit plus haut, retrouver son épouse. Les frères Coen nous
offrent une superbe reconstitution de l'époque. Mise en scène et
photographie (signée du Roger Deakins qui travailla notamment auprès
des deux frangins sur l'extraordinaire Barton
Fink et
sur le non moins remarquable Fargo)
absolument sublimes. Le spectateur baigne dans une ambiance
parfaitement bien reconstituée où, malheur, la ségrégation
raciale était encore de mise aux États-Unis. Du Ku
Klux Klan
jusqu'aux travaux forcés donnant naissance à la musique Blues,
cette dernière fait partie intégrante du projet puisque Joel et
Coen, non contents de nous offrir une épopée incroyablement drôle,
nous gratifient également d'une bande musicale remarquable. À
voir.... ou à revoir...
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