En 1991 sortait sur les
écrans, Barton Fink, le quatrième long-métrage des
frères Ethan et Joel Coen et sept ans plus tard, leur septième, The
Big Lebowski.
Deux œuvres parmi une flopée de très grands films qui peut-être
plus que ceux-ci se rejoignent et s'accouplent au sein même d'un
récit tournant autour de ce chanteur de folk s'abandonnant à une
certaine résignation. Il y a en effet chez Llewyn Davis, certains
gènes de ce dramaturge condamné à la page blanche dérivant dans
un univers fantasmagorique et déliquescent. Empruntant également la
route pavée d'embûches du Dude, ce paresseux amateur de bowling. Et
comme dans O'Brother,
la musique ici exerce une certaine fascination. Joel et Ethan Coen la
désignent sous l'une des ses formes les plus populaires dans le
courant des années soixante. Ça n'est d'ailleurs pas un hasard si
le film situe son action à l'orée de cette décennie qui vit éclore
des artistes tels que Bob Dylan auquel les deux scénaristes et
réalisateur finiront par rendre un court mais très vibrant hommage.
Inside Llewyn Davis,
c'est tout d'abord la rencontre avec l'acteur américano-guatémaltèque
Oscar Isaac. Une voix, une présence, pour cet artiste qui sans
mauvais jeu de mots possède plusieurs cordes à sa... guitare
puisqu'il y interprète lui-même la plupart des chansons entendues
dans le film. Une savoureuse collection de pépites folk qui
indépendamment du fait que Inside Llewyn Davis
soit un ''Coen Brothers''
de très grande tenue, renforce le sentiment de désespoir qui nous
étreint face aux galères incessantes qui poursuivent ce musicien et
chanteur auquel ne manque que le courage et la force de se battre...
La
cause ? Une blessure dont il semble incapable de se relever.
C'est ainsi que l'on pénètre l'univers de Llewyn
Davis. Entres cachets plus ou moins misérables et poursuite d'un
idéal inaccessible, nous suivons ses pas une semaine durant. Le
temps pour les spectateurs de s'attacher à cet homme que rien ne
semble devoir faire défaillir. Des rencontres étonnantes et parfois
impérieuses mais qui sous la houlette des frères Coen demeureront
lettre morte. En évitant de ménager leur personnage central, Joel
et Ethan Coen accentuent le misérabilisme ambiant. Le cadre de la
ville de New York s'y prête d'ailleurs particulièrement bien. L'on
retrouve au delà de son architecture, ce goût des frangins pour les
environnements improbables. Comme ce couloir disparaissant dans un
angle avec pour seule issue, deux appartements qui étrangement, font
se communiquer des locataires qui en théorie vivent en des quartiers
éloignés l'un de l'autre. La touche Barton Fink
dans sa plus délirante expression. Aux côtés d'Oscar Isaac
brillent par leur présence la délicieuse Carey Mulligan,
l'irremplaçable John Goodman ou encore Garrett Hedlund. Qui tout
comme notre héros incarnent des être déchirés. La première, du
nom de Jean Berkey, vit aux côtés de Jim (Justin Timberlake) mais
attend un bébé de Llewyn. Le second est jazzman et héroïnomane.
Quant au dernier, Johnny Five, il se pose en poète écorché vif.
Nimbé d'une photographie sublime et mélancolique signée du
directeur de la photographie français Bruno Delbonnel et magnifié
par la direction artistique de Jess Gonchor, Inside
Llewyn Davis insiste sur
le quotidien cafardeux du chanteur folk tout en cultivant un certain
optimisme qui transpire à travers cette indolence qui représente la
force de caractère de Llewyn. Une carapace qui aux yeux de ceux qui
le côtoient figure une certaine indifférence...
Beau
comme un jour d'automne, sans soleil, accentués par quelques rares
espoirs déçus, le seizième long-métrage de Joel et Ethan
transforme une descente aux enfers en un destin linéaire auquel son
personnage principal se laisse (semble-t-il volontairement) emporter.
C'est peut-être d'ailleurs dans cet ancien duo qu'il formait avec un
certain Mike que repose la clé de tout ce récit. Une fable sombre
et merveilleusement belle s'enfonçant dans la nuit, sous une brume
épaisse avant de revenir à la vie normale. Celle de Llewyn
Davis, justement. Joel et Ethan Coen semblent avoir mis toutes leurs
tripes dans Inside Llewyn Davis.
Au point d'avoir signé, sinon leur meilleur film, du moins l'un des
plus bouleversants. Si Oscar Isaac et Llewyn Davis nous chavirent, la
beauté de certaines séquences, elles, nous transportent
littéralement dans une autre dimension...
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