Comme un enfant un peu
trop pressé d'ouvrir ses cadeaux de Noël, le réalisateur et
scénariste français Édouard Molinaro jette Emanuelle Béart,
sublime et sensuelle, entre les bras de Daniel Auteuil et ce, en
moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Daniel Auteuil... qui très
rapidement semble bien moins convainquant dans la peau de Marc Delmas
qu'il ne le sera quatre ans plus tard dans celle de Martial Pasquier
du formidable Quelques jours avec moi de
Claude Sautet. Moins fin dans son approche des relations entre hommes
et femmes, Édouard Molinaro a dans L'amour en
douce,
choisit une certaine légèreté de ton qui paraît bouffer la
passion commune entre Marc et la délicieuse Samantha Lepage quand le
sujet aurait sans doute mérité un surcroît de tragédie. Comme en
témoigne sans doute la chanson qui ouvre les hostilités et les clôt
quatre-vingt dix minutes plus tard et que Daniel Auteuil interprète
lui-même ! Même Romuald et Juliette
de Coline Serreau lui sera infiniment supérieur, pourtant nourri
d'une bonne dose d'humour. Fermez les yeux, et le timbre de Daniel
Auteuil ressemble curieusement à celui qu'il eu bien plus tôt dans
sa carrière, à l'époque où les spectateurs le découvraient en
train de faire le pitre dans le rôle du cancre Bébel dans Les
sous-doués
et sa séquelle, tous deux signés par Claude Zidi. Pourtant,
l'acteur arrive parfois à convaincre par on ne sait quel miracle. À
moins qu'il s'agisse tout simplement de la complicité qu'entretient
le personnage interprété par Emmanuelle Béart avec lui. La jeune
actrice a d'autres atouts que ses charmes. Une attitude qui
n'appartient ici qu'à elle puisque même la superbe Sophie Barjac
qui incarne le rôle de Jeanne, l'épouse de Marc, parvient rarement
(pour ne pas dire jamais) à effacer la présence de sa rivale
lorsque à l'image les deux actrices sont réunies...
Si
les différentes relations qui se nouent entre ce carré de
personnages que complétera avec force l'immense Jean-Pierre Marielle
participent de l'émotion qui se dégage parfois de certaines
séquences, plus que Daniel Auteuil, acteur qui semble un temps
s'être fait le spécialiste des relations alambiquées sur grand
écran (Une call-Girl, Une sauvageonne, une domestique ou une femme
de ménage) et plus qu'Emmanuelle Béart qui irradie pourtant
totalement le cadre de sa présence, celui dont on retiendra sans
doute la performance reste Jean-Pierre Marielle. Comme s'il était
impossible de séparer l'acteur du personnage d'Antoine Garnier, le
nouveau compagnon de Jeanne. Prévenant, délicat, il est le
contre-pied de Paul Dufour, ce gynécologue misogyne qui aux côtés
de Jean Rochefort fuyait la gente féminine dans le film culte de
Bertrand Blier, Calmos !
Reposant sur un scénario écrit à quatre mains par Jean Sagols
(auteur entre autre d'une vague de ''séries de l'été'' entre 1988
et 1996 dont Orages d'été)
et Christian Watton, L'amour en douce porte
en lui les prémices d'une histoire forte, obsessionnelle, mais dont
certains choix de mise en scène tombent parfois comme un cheveu dans
la soupe. Lorsque Claude Sautet exploite à fond ses personnages
jusque dans ses seconds rôles, chez Édouard Molinaro, certains
d'entre eux se révèlent fades et au final, pratiquement inutiles.
Un travers qui fort heureusement ne transparaît pas chez nos héros
à chacun desquels le réalisateur offre une personnalité qui lui
est propre...
Lorsque
l'importance de la bande-son se fait la plus persistante, son absence
manque parfois cruellement et des séquences entières où l'émotion
aurait dû jaillir en deviennent presque stériles. Voire froides et
impersonnelles. Mais n'en déplaise à celles et ceux qui auraient
tant aimé vibrer comme sur la corde sensible qu'auront si bien
tendue quelques années plus tard Claude Berry (Manon
des sources)
Claude Sautet ou Coline Serreau, L'amour en
douce
n'en est pas moins une œuvre charmante qui délivre tout de même
quelques séquences émouvantes. Rares il est vrai, mais son carré
d'interprètes principaux fait parfois si bien son travail que
l'illusion pourra fonctionner auprès des spectateurs les moins
regardant. L’œuvre de Édouard Molinaro se dégustera par contre
en préambule à celles citées comme éléments de comparaison si à
leur côté, celle-ci ne veut pas apparaître fade...
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