Aujourd'hui, deux films
pour le prix d'un seul ! D'un côté, Barbaque
de l'acteur et humoriste français Fabrice Eboué. De l'autre, Fresh
de l'américaine Mimi Cave. Un homme et une femme pour deux visions
pratiquement similaires du cannibalisme. Ou plutôt, de
l'anthropophagie puisque si le premier n'est pas spécifique à
l'homme (tout animal se nourrissant d'un individu de son espèce
pouvant être décrit ainsi), la seconde lui est propre. Si dans
certaines cultures nous différencierons l'endocannibalisme de
l'exocannibalisme (le premier agissant sur la consommation de viande
humaine au sein d'un même groupe social tandis que le second se
réfère à son ingestion envers des individus provenant de groupes
différents), les deux réalisateurs s'intéressent ici davantage aux
implications financières que permet parfois d'obtenir cette pratique
qui dans les cas présents, permet de gagner beaucoup d'argent. Ici,
même si la question de la déviance se pose dans Fresh
puisque ses consommateurs savent ce qu'ils ont en bouche, avec
Barbaque,
c'est déjà une tout autre histoire. En effet, chez Fabrice Eboué
(qui interprète en outre l'un des deux principaux personnages aux
côté de l'ancienne membre de la troupe Les
Robins des Bois,
Marina Foïs), il est surtout question de survie. Propriétaires
d'une boucherie à l'agonie, victimes des exactions d'une bande de
Vegans agressifs
(le véganisme dont l'éthique repose en partie sur le refus
d'exploiter les animaux pour leur viande) qui s'en prendront tout
d'abord à leur commerce, Sophie et Vincent vont faire le commerce de
viande humaine après que la première ait mis en vente par accident
un végan que Vincent à renversé plut tôt en voiture et qu'il
vient de transformer en jambon afin de s'en débarrasser. Steve
(Sebastian Stan), lui, fait le commerce de viande humaine pour une
raison simple : l'argent. Ce chirurgien-plasticien, marié et
propriétaire d'une luxueuse demeure dans laquelle il enferme de
jeunes victimes qu'il engraisse, propose à de riches clients de
s'offrir des ''colis'' d'un genre très particulier et renfermant
diverses parties de corps humains qu'ils pourront cuisiner à leur
guise. La principale différence entre Barbaque
et Fresh
se situe au niveau de la conscience ou de l'ignorance des
consommateurs. Dans le premier cas, celles et ceux qui se bousculent
à l'entrée de la boucherie ne savent pas ce qu'ils achètent. Du
moins croient-ils acquérir une viande porcine originaire d'Iran !!!
Alors
que dans le cas de Fresh,
les clients savent très exactement de quoi retournent les mets fins
et délicats dont les approvisionne Steve contre d'importantes sommes
d'argent. Sur un ton où se mêlent ruptures de ton et cynisme, l'un
et l'autre des réalisateurs se jouent en outre de la tournure que
prend parfois notre société. De cet hygiénisme crasse et
liberticide de plus en plus prégnant dont sont à l'origine une
poignée d’irréductibles mais qui semble devoir toucher toutes les
couches de la société. Barbaque
offre une solution finale et définitive qui ne devrait logiquement
pas déplaire aux végans puisque est éludée la question animale et
qu'y est évoquée l'idée de guérir le mal par le mal en exploitant
non plus nos animaux d'élevage mais ceux-là même qui mettent en
jeu leur intégration physique ! Surtout, Fabrice Eboué s'offre
une porte d'entrée qu'il défonce avec un luxe de cruauté qui
ravira les spécistes tout en choquant sans doute les pro-végans les
plus radicaux. L'acteur-réalisateur définit une frontière qui
demeure au fond très fragile entre végans radicaux et modérés en
la personne du gendre dont l'opinion forcée est très rapidement
contrecarrée par une attitude extrémiste qui fait froid dans le
dos. Par son esthétisme tour à tour clinique et chaleureux, Fresh
se
dresse en porte-drapeau d'un nouveau mode de consommation dont les
réseaux semblent ne pas devoir s'étendre au delà des sphères où
la haute société dévore les petites gens. Produit de luxe de ce
côté-ci de l'Atlantique, de part chez nous, il signifie sans doute
cette nécessité de survivre en cas de famine comme cela peut
arriver dans certains cas de crises. L'intervention de Christophe
Hondelatte à la manière de l'excellente émission Faites
entrer l'accusé
est un pur régal et le film absolument jouissif dans son absence
presque totale de morale. L'anti-véganisme de Fabrice Eboué
transpire à grosses gouttes pour le plaisir des mangeurs de viande
et pour le désarroi des végans et des antispécistes. Sur un ton
beaucoup moins survolté, au message déjà moins clair et au
caractère moins frontal, Mimi Cave signe une œuvre plutôt classe
où la gastronomie tient une place importante si tant est qu'elle
puisse être d'un goût douteux. À choisir entre l'un et l'autre,
Barbaque
est plus direct et irrévérencieux tandis que Fresh
laisse un goût de déjà-vu. De ces films de séquestration auquel
la réalisatrice ajoute le thème de l'anthropophagie. Mais au fond,
pourquoi choisir et ne pas... déguster les deux ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire