S'essayer à l'exercice
''Zulawskien'' est un acte
périlleux lorsque l'on n'est pas coutumier du fait. Si la galaxie du
réalisateur, scénariste et écrivain polonais a brillé de mille
feux, elle a sans doute aussi plongé une certaine partie du public
dans l'obscurité. Une œuvre toute entière vouée à la vie,
l'amour, la passion, mais aussi, la mort, la maladie, l'absence. Ces
mille feux qui illuminèrent son œuvre se sont nommés tour à tour
Romy Schneider, Isabelle Adjani, Valérie Kaprisky, Marie-France
Pisier mais aussi et surtout Sophie Marceau avec laquelle Andrzej
Zulawski entretint une relation longue de dix-sept ans durant
laquelle l'actrice donna naissance à un fils et à l'issue de
laquelle le réalisateur éprouva le besoin d'écrire deux ouvrages
relatifs à leur rupture. Des hommes, aussi, ont parcouru l'existence
du polonais. Des acteurs. Parmi lesquels, bien sûr, Francis Huster,
Lambert Wilson, Sam Neill, Fabio Testi et même, le chanteur Jacques
Dutronc par deux fois. En 2000, Andrzej Zulawski revenait au cinéma
quatre ans après le cauchemardesque Szamanka,
œuvre franco-helvetico-polonaise interprétée par Bogusław Linda
mais aussi et surtout par Iwona Petry, l'antithèse du glamour.
L'amour et la mort incarnée dans un tourbillon d'images chocs et au
final tétanisant qui, si le film ne demeure pas le meilleur de son
auteur, marquait un cap définitif dans cette thématique trouble que
Andrzej Zulawski n'a jamais cessé d'exploiter. Qui aurait prévu que
quinze ans plus tard le réalisateur donnerait un dernier coup de
manivelle à une carrière on ne peut plus homogène et qu'une année
plus tard un cancer l'emporterait ?
Sophie
Marceau, héroïne typique et sublime de l'univers ''Zulawskien''
qui pour la quatrième fois de sa carrière venait briser l'image
idyllique de l'une des plus belles actrices française. Après
L'amour Braque,
Mes nuits sont plus belles que vos jours
et La note bleue.
La relation entre l'actrice et le réalisateur est à l'image du
choix qu'entreprend alors en 1984 Sophie Marceau qui contre l'avis de
sa famille choisit de vivre avec Andrzej Zulawski malgré leur
importante différence d'âge. Il y a certainement dans La
fidélité,
une part autobiographique dans la relation qu'entretient le
personnage de Clélia qu'interprète l'actrice avec Clève qu'incarne
quant à lui Pascal Greggory. On le sait, ou pas, Sophie Marceau
trompa le réalisateur polonais comme semble être en mesure de le
faire la jeune femme ici avec le photographe Nemo (Guillaume Canet).
Andrzej Zulawski répare cette erreur ici mais ''s'accorde'' tout de
même un funeste destin. Ou quand l'amour, suivi d'une infidélité
charnelle ou plus simplement sentimentale peut mener à la mort. Les
fans du cinéaste reconnaîtront son style si particulier. Des
acteurs comme en transe, débitant des lignes de dialogue
épileptiques, pièces d'un puzzle qu'il n'est pas toujours aisé à
remettre dans l'ordre. Si Sophie Marceau reprend peu ou prou la suite
des Mary, des Blanche ou des Solange, on reconnaîtra dans le
personnage qu'interprète Pascal Greggory, les Lucas et Léon
qu'incarna à chaque fois Francis Huster et dans La
femme publique
et dans L'amour braque...
La fidélité
ne situe pas son action dans le monde du cinéma mais dans ceux de la
presse à scandale et de la photographie. Guillaume Canet, en amant
''rêvé'' mais jamais vraiment exaucé dénote quelque peu dans ce
conglomérat de seconds rôle déjantés et décadents dont fait ici
notamment partie l'actrice française Édith Scob. L'acteur a beau
encourager à sa manière la folie qui imprime parfois le
long-métrage, il paraît forcer le trait... Un euphémisme si l'on
tient compte du fait qu'en général, l'univers de Zulawski est bondé
de personnages outranciers et que certains verront sans doute comme
caricaturaux. La fidélité
souffre d'un problème majeur que constitue sa trop longue durée.
Plus de deux heures et quarante-cinq minutes pour exposer trois
personnages au cœur d'une intrigue classique mais qui, mise entre
les mains du polonais, frise forcément l'hystérie. Trop long et
donc, souvent ennuyeux. D'autant plus que cet avant dernier
long-métrage d'Andrzej Zulawski n'apporte rien de vraiment neuf en
comparaison des quelques chefs-d’œuvre qu'il réalisa durant sa
carrière. Cependant, le film n'en est pas moins dénué de séquences
troublantes, voire même émouvantes. Pascal Greggory y est déchirant
et la relation entre Clélia et sa mère qu'interprète l'actrice
Magali Noël apparaît parfois aussi magnifiquement déprimante et
mortifère que celle qu'entretinrent les personnages de L'amour
Braque,
Mes nuits sont plus belles que vos jours
et plus encore L'important c'est d'aimer.
À réserver aux fans exclusifs du réalisateur polonais. Quant à
ceux qui voudraient découvrir son univers, on leur conseillera de
débuter en douceur en remontant le temps jusqu'en 1975, lorsque la
sublime Romy Schneider prêta ses traits au personnage de Nadine
Chevalier dans L'important c'est d'aimer...
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