Émouvant, oppressant et même,
cauchemardesque... Knackningar
de la réalisatrice suédoise Frida Kempff n'est rien moins que l'une
des plus grosses sensations de cette année 2021. Une expérience à
la lisière de la folie, entre Le locataire de
Roman Polanski et Schizophrenia
de Gerald Kargl. L'autopsie d'un traumatisme insurmontable. Un
premier long-métrage choc signé d'une spécialiste du documentaire
qui fait preuve dans le cas présent d'une sensibilité accrue, aidée
en cela par Cecilia Milocco, l'extraordinaire interprète de ce
Knackningar
qui vous empêchera peut-être de fermer l’œil les prochaines
nuits. Une expérience aussi difficile que nécessaire pour bien
comprendre les rouages d'un trouble psychotique dévorant
littéralement le cerveau d'une femme ayant vécu la perte de celle
qu'elle aimait. Mais aussi un thriller diablement mené qui laisse
supposer la présence à l'étage supérieur de l'immeuble dans
lequel l'héroïne Molly vient de s'installer, d'une femme retenue en
captivité. Se pose alors la question de savoir si la nouvelle
locataire est le témoin ''privilégié'' d'un fait divers dont les
autorités ne voudront pas entendre parler bien longtemps ou si les
bruits qu'entend Molly ne sont que le fruit de son imagination. Sur
un rythme tout d'abord assez lent, voire pesant, Frida Kempff
développe une intrigue reposant sur un scénario écrit par Emma
Broström et adapté de la nouvelle de Johan Theorin. Un concept
simple, déjà très certainement exploité à de nombreuses
occasions mais qui dans le cas présent bénéficie d'un travail de
mise en scène absolument bluffant. Peut-être devrions-nous y voir
la sensibilité d'une femme pour avoir si bien mis en lumière
Cecilia Milocco et son personnage de Molly bien que l'atmosphère qui
se dégage en grande partie de Knackningar
ne devrait au départ logiquement séduire que les amateurs de
frissons. Mais si le long-métrage de Frida Kempff peut se concevoir
comme un authentique film d'épouvante, il s'agit ici davantage de
maltraiter le système nerveux du spectateur plutôt que de provoquer
chez lui un quelconque dérèglement au niveau de l'estomac ou du
rythme cardiaque. Quoique pour ce dernier, il est encore possible
d'en douter...
Ici,
pas de sensations qui mènent véritablement à la nausée. Pas la
moindre scène d'horreur. Ou alors, psychologique. Tout juste une
blessure, quelques gouttes de sang et une tâche au plafond qui
rappelle furieusement le trou dans le mur de l'appartement du
Locataire.
Au pire l'on ressentira une légère impression de vertige devant la
descente aux enfers d'une Molly qui ne peut s'empêcher de sombrer.
Le désespoir et le pessimisme s'emparent du récit et font froid
dans le dos comme pu le faire à son époque la glaçante série
Noires sont les galaxies.
Même climat d'austérité. Mais main glaçante se posant sur notre
nuque. La solitude de l'héroïne nous étreint. Comment ne pas avoir
envie de la prendre dans nos bras, si fragile semble-t-elle être ?
L'interprétation de Cecilia Milocco est au plus juste et plutôt que
d'apparaître uniquement comme l'inquiétante victime d'un trouble
psychotique, son personnage s'avère avant tout autre chose,
terriblement émouvant. Attachant, même. La réalisatrice suédoise
cultive une certaine ambiguïté par rapports aux personnages
secondaires que constituent les locataires de l'immeuble. Un profond
sentiment d'abandon et d'isolement se dégage également du récit,
les autorités policières étant ici montrées du doigt pour leur
insensibilité et leur inactivité. Si le récit démarre
tranquillement avec le sentiment d'être devant une œuvre
''bergmannienne'',
le ton change peu à peu et Knackningar
développe
un réel sentiment de paranoïa accentué par la glaçante partition
musicale du compositeur danois Martin Dirkov. Filmé principalement
de nuit, dans et aux alentours d'une tour HLM, Knackningar
glace les sangs et nous envahi de tout un panel d'émotions. Une
grande et belle expérience de cinéma, tantôt suggestive, tantôt
démonstrative...
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