David Cronenberg et Fast
Company
en 1979. John Carpenter et Le roman d'Elvis
la même année. George Romero et Knightriders
en 1981. Ou Wes Craven et Music of the Heart
dix-sept ans plus tard. Que les uns et les autres soient de fervents
adorateurs de cinéma d'horreur, d'épouvante, de science-fiction ou
de fantastique, il n'est pas rare comme dans ces quelques exemples
que certaines de leurs œuvres échappent aux genres qui les ont
célébré. Tobe Hooper ne faisant pas exception à la règle et bien
que l'on puisse imaginer encore que son tout premier film est le
cultissime Texas Chainsaw Massacre
(Massacre à la tronçonneuse,
1974), le réalisateur a véritablement débuté sa carrière avec
une poignée de courts-métrages et de documentaires à la toute fin
des années cinquante et au milieu de la décennie suivante, son
premier long format datant en fait de 1969. Pas un film d'horreur
contrairement à la longue liste de pellicules horrifiques qui
verront le jour les décennies suivantes mais plutôt un objet très
étrange. Un OFNI comme il convient de le nommer. Et comme l'exact
opposé du sentiment d'horreur que l'on éprouvera cinq ans plus tard
devant l'un des pires cauchemars couchés sur bande magnétique. D'un
côté, une illumination américaine (“an American Freak
Illumination”) et de l'autre, un cauchemar américain (“An
American Freak Nightmare”)...
En
plein mouvement hippie, un courant qui naquit dans les années
soixante aux États-Unis avant de se propager un peu partout sur
notre planète pour ensuite péricliter entre la fin de cette même
décennie et la suivante (pas de date précise sur le sujet), Tobe
Hooper et son premier film sont donc en terrain connu. Bien que
certains cinéastes aient abordé l'horreur dans le contexte du
mouvement hippie (on pense notamment au curieux I
Drink Your Blood
que signa le scénariste et réalisateur américain David E. Durston
ou le tout aussi étrange Last House on Dead End
Street
que réalisa son homologue Roger Watkins deux ans plus tard), on ne
rangera pas forcément Eggshells
dans la même catégorie de films. Signifiant ''Coquilles
d’œufs'',
le premier long-métrage de Tobe Hooper entre peut-être finalement
dans le cadre de certains de ses projets futurs. Pourquoi ?
Parce que dans cette demeure jumelle à celle de la célèbre famille
Tronçonneuse parmi les membres de laquelle allait sévir un certain
''Tronche de
cuir''
cinq ans plus tard, les hippies du récit ne vont pas y faire que
boire de la bière, fumer de l'herbe, baiser et passer leur temps à
parler pour ne rien dire mais aussi évoquer également la présence
d'un supposé fantôme. Légende ? Fait avéré ? On est
encore très loin du traumatisme enfantin qui allait s'abattre sur
nous dix ans plus tard avec Amityville, la maison
du diable
de Stuart Rosenberg, mais il y a bien dans les combles de cette
demeure que se partagent plusieurs amis dont un futur couple de
mariés, une entité... diabolique (?).
Beaucoup
de dialogues pour pas grand chose au final. Des acteurs amateurs qui
ressentent rapidement les effets de l'herbe et des jeux érotiques
plutôt timides qui se terminent soit hors caméra, soit filmés à
la manière des ébats d'Orange Mécanique
de Stanley Kubrick qui ne sortira que deux ans plus tard. On trouve
déjà la patte de Tobe Hooper. Ce style docu-fiction que ce premier
long-métrage partage avec son suivant. Ne manquent finalement plus
que l'auto-stoppeur, le vieil homme, le grand-père ou Leatherface
qui composent la famille de cinglés de Massacre
à la Tronçonneuse
pour que l'illusion soit parfaite. On retrouve dans les dialogues ce
même débit qui ouvrait les hostilités du plus grand film d'horreur
de tous les temps lorsque les compagnons de Sally et de son frère
Franklin traversaient le trou du cul des États-Unis à bord d'un
van. Eggshells
n'aurait pu être qu'un tout petit film insignifiant si Tobe Hooper
n'avait pas eu la bonne idée d'y apporter quelques délires visuels
qui en général font leur petit effet. Stroboscopiques,
psychédéliques, voire poétiques, certaines séquences font appel à
l'imagination d'un cinéaste en devenir qui invente le concept du
duel entre soi-même. Ou comment filmer avec les moyens du bord un
combat à l'épée entre un homme et lui seul. Absolument génial
pour l'époque, et toujours aussi brillant de nos jours. Montage
travaillé et parfois épileptique, musique psychédélique
omniprésente (voire, envahissante), une touche d'érotisme et
quelques autres passages totalement décomplexés, le premier
long-métrage de Tobe Hooper est tout aussi barré que fascinant... à
noter la présence parmi les interprètes de l'acteur Allen Danziger
qui ne fut autre que l'un des compagnons d'infortune de Sally et de
son frangin dans Massacre...
ainsi que celle de Kim Henkel dans la peau de l'un des personnages et
qui sera le scénariste culte de Massacre... et
du Crocodile de la mort,
le troisième long-métrage de Tobe Hooper...
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